L’Arabie saoudite, pays où
l’on pratique un islam rigoriste, régi par la charia, vient d’être élue membre
de la Commission de la condition de la femme des Nations unies pour une période
de quatre ans. Ainsi, dans un vote secret, le Conseil économique et social de
l'ONU (ECOSOC), permet au royaume wahhabite de siéger au sein de cette
commission composée de 45 États dont le mandat est de promouvoir les droits des
femmes et de veiller à leur autonomie. Pour le Canadien Hillel Neuer, directeur
exécutif d’UN Watch, « élire l’Arabie saoudite pour contribuer à la protection
des droits des femmes, c’est comme nommer un pyromane chef des pompiers ».
Nous partageons cet avis.
Cette élection est un véritable scandale, une insulte à l’intelligence !
Pour rappel, la Déclaration
universelle des droits de l'Homme a été adoptée en 1948 par l’Assemblée
générale des Nations unies constituée de 58 États membres. Bien qu’à cette
époque-là aucun État n’ait eu à se prononcer contre la Déclaration, huit
d’entre eux se sont abstenus dont l’Arabie saoudite sous le motif de
l’incompatibilité de son régime politique avec le principe d'égalité entre les
femmes et les hommes tel que garanti dans la Déclaration. En matière de droits
humains, ce même régime a-t-il évolué depuis pour mériter un siège à Commission
de la condition de la femme des Nations unies? Sans grand effort, chacune et
chacun sont en mesure de constater l’apartheid sexuel institutionnalisé par le
royaume des Saoud, faisant fi de tous les textes internationaux en la matière.
Certes, nous reconnaissons qu’il y a eu quelques avancées, ici et là, depuis
1948. Trop peu. Trop modestes. N’empêche que les femmes y sont toujours
considérées comme des mineures à vie. Sans compter que sur la scène
internationale le royaume saoudien est en grande partie responsable de la
promotion d’un islam extrémiste, wahabo-salafiste, qui prône le djihad, la
haine des mécréants et des juifs, la mise à mort des apostats et des
homosexuels ainsi que l’emprisonnement des libres penseurs dont le plus célèbre
est Raïf Badawi.
Dans ces conditions, nous ne
pouvons accepter que l’Arabie saoudite soit catapultée à une commission dont le
mandat principal est de garantir et de promouvoir les droits des femmes dans le monde à moins de fermer les
yeux sur la nature-même de son régime. Dans ce contexte, nous nous interrogeons
sur le processus qui a conduit à une telle élection. Qui sont les États qui ont
voté pour garantir ce fameux siège à l’Arabie saoudite? Qu’ont-ils reçu en
échange? A travers une telle complaisance, ces mêmes États réalisent-ils qu’ils
bradent les droits humains et mettent en danger notre sécurité collective?
Selon UN Watch, au moins cinq États de l’Union européenne (membres de l’ECOSOC)
ont permis l’élection du royaume. On apprend que la Belgique en raison d’un
cafouillage diplomatique est du nombre. Mais qui sont les autres États? Est-ce
la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, le Royaume-Uni, le Portugal,
l’Irlande, la Suède, la République Tchèque? Nous voulons le savoir. Nous
exigeons la vérité!
Alors que les femmes subissent
de plein fouet les effets néfastes de la crise économique, du délitement des
services publics, du virage de plus en plus autoritaire de plusieurs États et
de la montée fulgurante des intégrismes religieux et des violences qu’ils
charrient, nous estimons qu’il est urgent d’envoyer un message clair. Ceux qui
participent à créer ces inégalités et à véhiculer ces violences ne sont pas
dignes de notre confiance. Il faut, aujourd’hui plus que jamais, protéger les
femmes, rendre accessible les soins de santé et les droits sexuels et
reproductifs, garantir le droit à l’éducation, à la culture et au travail,
faire en sorte que les femmes puissent exercer leur citoyenneté à part entière.
Nos droits ne sont pas à vendre ! Nos libertés ne sont pas négociables!
Notre dignité n’est pas à
brader ! Arrêtez de nous mentir, l’Arabie saoudite n’est pas l’alliée des
femmes!
Nous devons être conscients
que face à la montée des extrémismes politiques et de la menace des intégrismes
religieux, notre responsabilité est de défendre la démocratie et de veiller au
respect des droits humains fondamentaux. Dans cette lutte, la politique des
États démocratiques ne doit souffrir d’aucune incohérence, d’aucune ambigüité.
On ne peut prétendre combattre un Daech sur le front du Moyen-Orient pour
normaliser la venue d’un Daech bis au sein des instances onusiennes. La
doctrine officielle de l’Arabie saoudite met en péril la paix des nations et la
fraternité entre les peuples.
Nous demandons à nos États
respectifs, la France, le Québec, le Canada et la Belgique de dénoncer
l’élection de l’Arabie saoudite à la Commission de la condition de la femme des
Nations unies. Nous exigeons son exclusion ainsi que celui de l’Iran de cette
commission, deux pays qui pratiquent des politiques ségrégationnistes à
l’endroit des filles et des femmes.
Ceux et celles qui souhaitent
soutenir cette initiative sont invitées à signer la pétition sur change.org et
à faire parvenir cette déclaration par courriel à leurs instances politiques
concernées.
Henda Ayari Auteure, Présidente de l'association Libératrices
Djemila Benhabib Auteure, Journaliste, écrivaine et conférencière
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