domingo, 21 de julho de 2024

Qui, parmi les féministes, connaît le nom de ces pionnières?

Véra Nikolski

(…)

La mort des enfants touche alors l’ensemble de la société, tous milieux sociaux confondus, et se présente comme une fatalité devant laquelle les hommes et les femmes sont totalement impuissants. “Dieu a donné, Dieu a repris”, dit le Livre de Job, un incontournable des liturgies des funérailles – une idée qui nous est étrangère, mais dont on conçoit la necessite pour des parentes fréquemment confrontés à la mort de leurs enfants.

De l’époque antique à la fin du XIXe siécle, les oeuvres artistiques – écrits et tableaux – témoignent de cet état d’esprit. Montaigne evoque ainsi la mort de ses enfants avec une mélancolie teintée de stoïcisme: “ils meurent tous en nourrice”, remaque-t-il, de sorte qu’il ne lui reste que Léonor, “une seule fille qui est échappée à cette infortune”. L’événement est malhereux mais banal: ”[J]’en ai perdu, mais en nourrice, deux ou trois, sinon sans regret, au moins sans fâcherie. Si n’est-il guère accident qui touche plus au vif des hommes.”

Philippe Ariès a problablement raison de suggérer que la fréquence de la mort en bas âge devait émousser quelque peu la sensibilité des parentes, car “[on] ne pouvait s’attacher trop à ce qu’on considérait comme un éventuel déchet” – aujourd’hui encore, dans les régions montagneuses d’Afghanistan, au mode de vie três rude, l’enfant ne reçoit souvent son prénom officiel que lorsqu’il atteint l’âge de 7 ans –, mais il souligne surtout “qu’on faisait plusieurs enfants pour en conserver seulement Quelques-uns”.

Cette mentalité reste chevillée au corps jusqu’à la fin du XIXe siècle: Caroline, la jeune femme bougeoise dont Michelle Perrot étudie les carnets intimes dans Les Femmes ou les silences de l’histoire, se demande, en évoquant la mort de sa mère adorée en 1862, si son sourire, au moment du décès, était adressé à Jésus, à la Sainte Vierge ou à “un des deux anges que Dieu lui avait enlevés” – comme à la plupart des femmes.

Les tableaux tels que Le Jeune Malade d’Ary Scheffer (1824) [photo] ou L’Enfant malade d’Eugène Carrière (1885) sont lá pour rappeler à quel point la maladie d’un enfant était alors un moment d’angoisse.

Dans ce monde, le slogan féministe “un enfant si je veux, quand je veux” ne pouvait pas avoir de sens: si on reculait parfois lâge du mariage jusqu’à 25 ans, voire un peu plus, pour ne pas multiplier démesrément le nombre d’enfants, on ne pouvait pas non plus se permettre de différer trop les premières naissances.

La mortalité infantile était lev errou qui interdisait aux femmes de n’avoir qu’un ou deux enfants, à l’instar des mères d’aujourd’hui, en exposante celles qui faisaient ce choix ou qui se retrouvaient dans cette situation contre leur grá au risque de voir l’ensemble de leurs enfants mourir.

Cette mortalité ne commence à véritablement reculer qu’au XIXe siècle, par étapes. En obstétrique, le progrès est precoce puisque les premiers écrits éclairés sur l’art des accouchements datent du XVIIe  siècle. Il est le fait de quelques hommes, chirurgiens qui rompent le tabou des accouchements comme domaine réservé aux matrones, mais aussi de plusieurs sages-femmes qui laissent des manuels précieux.

Qui, parmi les féministes, connaît aujourd’hui les noms de François Mauriceau ou de Louise Bourgeois dite Boursier, sage-femme de la reine Marie de Médicis?

Ils ont pourtant impulsé un long processus qui allait délivrer les femmes de la terreur de l’accouchement, jusque-là synonyme de douleur extrême et surtout de mort possible: celle de la mère, celle de l’enfant. La diffusion des techniques est lente mais continue.

Si la maternité de l’Hôtel-Dieu, à Paris, est depuis longtemps un haut lieu de formation des sages-femmes, ce sont les cours itinérants d’Angélique du Coudray [photo], au XVIIe  siècle, qui apportent le savoir dans les provinces, permettant aux sages-femmes de s’imposer peu à peu face aux matrones.

Enfin, en 1802 est créée la première véritable école nationale de sages-femmes – l’actuelle école Baudelocque de la maternité Port-Royal – sous l’impulsion de Marie-Louise Lachapelle, femme d’exception consultée par le pouvoir révolutionnaire comme napoléonien.

Qui, parmi les féministes, connaît les noms de ces pionnières?

Elles ont pourtant plus fait pour la condition des femmes que bien des militantes du passé et du présent.

(…)

Texte: Véra Nikolski, in “Féminicème”, pages 136/138
Copie: JP, 21-7-2024


Relacionado:
[Livros & Leituras] "Féminicène": le livre que les féministes devraient lire

Nenhum comentário:

Postar um comentário

Não publicamos comentários de anônimos/desconhecidos.

Por favor, se optar por "Anônimo", escreva o seu nome no final do comentário.

Não use CAIXA ALTA, (Não grite!), isto é, não escreva tudo em maiúsculas, escreva normalmente. Obrigado pela sua participação!
Volte sempre!
Abraços./-