D’après toutes les enquêtes d’opinion, et ce depuis au moins 1945, les Français ont tendance à considérer que les immigrés commettent davantage d’actes délictueux que le reste de la population. Connu pour ne pas pratiquer la langue de bois, le criminologue Xavier Raufer nous aide à démêler le vrai du faux à ce sujet.
D'abord, permettez-moi de
noter que vous ne faites sans doute allusion ici qu’aux infractions de voie
publique. Aucun des actes délictueux auxquels on pense quand on parle
d’immigration ne concerne les autres domaines de l'illicite que sont par
exemple les fraudes financières ou les atteintes à l'environnement. Ensuite,
j’attire votre attention sur le fait que les immigrés sont, à l'origine du
moins, pour la plupart d’entre eux des hommes jeunes venus « vendre leur force
de travail ». On trouve rarement dans de telles aventures, forcément durables
et pénibles, de vieilles dames ou des femmes enceintes. Or, la criminalité de
voie publique est bien sûr principalement le fait d'hommes jeunes. Chez ces
migrants économiques, à distinguer donc des familles qui fuient une guerre ou
un cataclysme, les jeunes mâles sont surreprésentés par rapport à la population
locale, dont la pyramide des âges, elle, est complète. Quelle que soit
l'origine de ces migrants, la proportion de malfaiteurs potentiels en son sein
est donc mathématiquementsupérieure à celle de la population
autochtone comparable, comprise entre bébés et vieillards.
Voyez les Irlandais à New
York : leur première génération se comporta de façon si agitée qu'aujourd'hui
encore, la camionnette de police (« panier à salade » à Paris) y a toujours
pour surnom argotique Paddy Wagon(en français : « fourgon des
Irlandais »). Idem pour les juifs ou les Italiens dans la mafia new-yorkaise
des années 1930, qui se sont assagis dès la deuxième génération. Le problème,
en France, c’est que ça ne se calme pas, du fait d'incessantes vagues
migratoires peu ou pas intégrées.
Enfin, je remarque que tout
phénomène massif, mais incompréhensible à première vue, « s’explique » d'abord
socialement en mode conspiratif. Du XVIIIe au XIXe siècle, l'économie villageoise devient nationale puis
internationale ? Complots juifs ou francs-maçons ! Attentat du 11
Septembre ? Complot de la CIA ou du Mossad ! Et cetera.
Vos contempteurs vous
accusent régulièrement d’être le père du concept d’ensauvagement. Est-ce le
cas ?
Le sociologisme est à la
sociologie ce que l'islamisme est à l'islam : dans les deux cas, d'ignares
fanatiques maudissent leurs contradicteurs, faute de pouvoir convaincre.
Évitant les termes emphatiques, j'ai parlé une seule fois d'ensauvagement dans
la préface du superbe France, orange mécanique de Laurent
Obertone (éd. Ring, 2013), qui fit exploser le réel criminel à la face de la
bienséance médiatique. Or bien sûr, le terme avait déjà servi. Dès 1950, dans
son Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire dénonçait
« l'ensauvagement de l'Europe » ; en 2005, la politologue Thérèse Delpech
publiait L’Ensauvagement : le retour de la barbarie au XXIesiècle (éd.
Grasset). Creusons plus
profond. La décennie 1970 révèle la passion gauchiste pour ce « sauvage », cet « ensauvagement »
sans cesse invoqué. En 1970, Bernard Kouchner signe avec Michel-Antoine
Burnier La France sauvage sur les violences politico-sociales
dans la France post-1968. À l'époque, Jean-Paul Sartre dirige chez Gallimard la
collection La France sauvage, qui publie dix-sept ouvrages anars-maoïstes.
Pauvres sociologues-gauchistes : ils ignorent même leur propre histoire.
Est-ce un invariant anthropologique que de
considérer l’étranger comme un potentiel facteur de troubles au sein d’une
société d’accueil ?
La xénophobie est un réflexe universel, que seule l'éducation réduit et corrige. Pour la France de 2021, que l'essentiel de la criminalité de voie publique soit le fait d'étrangers, ou d'individus d'origine « extra-européenne » aggrave plutôt les choses. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le ministère de l'Intérieur. En 2020, deux rapports (police et gendarmerie) sur le crime organisé en France énumèrent tous les groupes criminels à l'œuvre chez nous : excepté les bandits corses de Marseille, sur 400 pages de texte environ, plus un Français d'origine dans les listes ! C'est si criant que ces deux rapports ont été mis en « diffusion restreinte », sans doute pour ne pas alarmer le bon peuple. Mais bien sûr, ces informations nous parviennent quand même…
LA
FRANCE FUME 30 À 35 TONNES DE CANNABIS PAR MOIS ; SON SEUL TRAFIC RAPPORTE À
TOUTE LA « PROFESSION » DE 1, 2 À 1, 4 MILLIARD D'EUROS PAR NA ET EST DOUBLÉ PAR
UN TRAFIC DE COCAÏNE
Dès lors, peut-on dire que faire un lien entre
insécurité et immigration est un fantasme d’extrême droite ?
De telles généralités ajoutent à la confusion. D'évidence, toutel'insécurité n'est pas à 100 % provoquée par toute l'immigration. Mais, sur les « territoires perdus de la République » règnent depuis deux générations, voire plus, des gangs à dominante ethnique issus de l'immigration, qui contrôlent des trafics relevant toujours plus du grand banditisme (trafic en gros de stupéfiants, racket, proxénétisme dit des cités, etc.). Fort enrichis en deux générations, ces criminels peuvent désormais corrompre bien des élus et fonctionnaires des deux rives de la Méditerranée. Un chiffre à ce sujet : la France fume 30 à 35 tonnes de cannabis par mois ; son seul trafic rapporte à toute la « profession » (l'essentiel aux caïds, bien sûr) de 1, 2 à 1, 4 milliard d'euros par an. Or, on observe de plus en plus que ces narcos doublent avec un trafic de cocaïne qui, depuis une décennie, arrive en Europe par la voie Afrique atlantique, Sahara, Maghreb, Sud européen. Certains gros narcos du Rif, au nord du Maroc, fréquentaient déjà Pablo Escobar vers 1980 et ont une longue pratique des trafics intercontinentaux entre l’Amérique latine, l’Afrique et l’Europe. Cela n'est pas un fantasme, mais une réalité dépeinte précisément et lucidement par les chefs marocains de la lutte antistupéfiants, entre autres.
![]() |
Xavier Raufer |
De quelles zones
géographiques viennent les délinquants et criminels d’origine étrangère ?
Un tel entretien n'a pas
vocation à l'encyclopédique. Braquons donc notre projecteur sur deux facteurs
majeurs de la « criminalité de voie publique » qui, à présent, est celle qui
exaspère le plus les Français.
Phénomène incontournable numéro
un : la route des Balkans, de la Turquie jusqu'à l'orée de l'Union européenne.
Récemment, un rapport d'Interpol estimait qu'environ 80 % des individus et
biens illicites infiltrés sur notre continent (migrants clandestins, armes
illégales, stupéfiants) remontaient de l'Orient vers les métropoles européennes
en empruntant cet itinéraire. Tout au long de ce parcours, on trouve des clans
nomades criminalisés qui notamment pillent les campagnes françaises, volent des
gens faibles ou âgés dans les transports publics, etc. Encore une fois, tous
ces nomades ne sont pas des criminels. Sur terre, nulle population n'est jamais
totalement déviante. Même dans les épicentres mafieux, les criminels sont
rares. La province de Palerme compte ainsi 1,3 million d'habitants et ses 59
familles mafieuses décomptées par la Direction des investigations antimafia
regroupent à peine 3 000 membres initiés : c'est dire. Mais les nomades
criminalisés sont hyperactifs et de plus, ont le sinistre usage de prostituer
ou de réduire à l'esclavage leur propre famille, cousinage et voisinage.
Phénomène incontournable numéro deux : les
mineurs non accompagnés (MNA), dont la bienséante nomination rappelle
l'aphorisme de Georg Christoph Lichtenberg (obscur philosophe, disciple
d'Emmanuel Kant) sur le « couteau sans lame dont on a ôté le manche ». Car ces
MNA, Maghrébins pour les plus problématiques, ne sont ni mineurs ni isolés,
mais bien plutôt des majeurs chassant en meute. Le gouvernement en
compte « de 2 000 à 3 000 » criminalisés. Une sous-estimation flagrante : au
minimum, ils sont 40 000 sur le sol national, privés de ressources, et vivant
donc de quoi ? Mais tenons-nous à la moyenne de 2 500 de ces malfaiteurs MNA,
dont chaque rapport officiel souligne l'hyperactivité délinquante. Considérons (petit minimum) qu'ils
commettent deux infractions par semaine. Sur un an, cela en fait 260 000, qui
seront largement impunies par une justice s'avouant elle-même « paralysée » par
ce phénomène. Prenons maintenant la base plus réaliste de 10 000 MNA criminalisés
en France métropolitaine, commettant chacun une infraction tous les deux
jours : en un an, cela donne environ 1,8 million de délits ou crimes. Si le
garde des Sceaux sortait un instant du registre de l'invective pour
s'intéresser au réel criminel, puis daignait agir, il soulagerait une
population française victime de ce pillage au long cours.
Faut-il distinguer
délinquance étrangère et délinquance d’origine étrangère ?
La France est un État de
droit, et les criminologues y ont pour seul guide le Code pénal. Nous ne
définissons pas les « crimes » ou les « criminels » à notre fantaisie : tout
cela est défini par les lois en vigueur, votées et instaurés par la
représentation nationale. Si les statistiques aident bien sûr (surtout côté
prévention), nos règles posent qu'un jugement ne saurait retenir les origines,
la religion, la nationalité ou la couleur de peau d’un prévenu pour aggraver sa
peine (sachant qu’il peut, mais le plus limitativement possible, en tenir
compte pour éventuellement atténuer ladite peine). Voilà le cadre. Signalons
cependant l'incohérence de la gauche bienséante et des antiracistes
monochromes, qui vomissent la statistique ethnique dans le champ criminel, pour
l'exiger absolument dès qu'il s'agit d'y rafler des avantages personnels sur
une seule base raciale. Là encore, leur devise est « quand ça nous arrange ».
Dans toute cette pitrerie, où est la loi ? Où est la justice ? Où est la
logique ? On se le demande.
Peut-on expliquer la
délinquance maghrébine ou africaine par le souvenir douloureux de la
colonisation ?
De telles sornettes émanent d'une secte
d'universitaires vautrés dans le post-maoïsme. Comme les bambins ont leurs
doudous, ces agités ont à tout prix besoin d'un peuple-Christ-victime, sur
lequel s'épancher. À moitié dames patronnesses, à moitié avant-garde
délirante, ils s'enflamment désormais pour des ex-colonisés, des minorités
sexuelles, etc. Leur truc est toujours le même : à la moindre interrogation ou
contestation de leurs élucubrations, ils hurlent au complot nazi, à la volonté
de rouvrir les camps de la mort. Rien de plus dangereux que des individus
frustrés de leur dévorant désir de faire le bien : on sait ça (au minimum)
depuis la Terreur. Ce tam-tam culpabilisateur à cent pour cent factice n'existe
que grâce à des réseaux sociaux ou médias complices ou cyniques, désireux de
faire le buzz et de multiplier les clics par cascades de scandales futiles.
Ceci posé, venons-en à votre question : le colonialisme, fond de tableau de la
violence sociale dans la France du XXIe siècle débutant ? Il se trouve que je
fréquente de longue date des zones hors contrôle périurbaines et des lascars
qui les hantent. Voici longtemps, j'ai réalisé, abasourdi au début, que pour
ces « jeunes de banlieues », les criminologues étaient des sortes de collègues
à qui il était sympa de parler, en mode footballeur d'un côté et supporter de
l'autre. Je ne compte donc plus les fois où dans la rue, au bistrot ou en
métro, j'ai été abordé par de tels jeunes. « On t'a vu dans telle émission… Wallah, c'est cool ton job…
Dis, c'est vrai que t'as vu des mafieux ? » Dans tous ces cas bien sûr, j'ai
accepté le dialogue avec joie. Même dans ma salle de gym du XIIIe
arrondissement de Paris, j'ai, au fil des ans, passé des heures au hammam avec
des « grands frères » de la banlieue sud venus lever de la fonte (le banditisme
périurbain est un métier très physique…). Ce que j’ai constaté, c’est que le
colonialisme, ils s'en tapent. Ceux avec qui je parle savent à peine l'histoire
de leurs propres parents. Ce qui outrepasse le présent et le futur immédiat se
noie pour eux dans un brouillard confus. Quand j'évoque mes cours et
conférences en Algérie ou au Maroc, je les sens méfiants, réticents. Ce bled qu'ils disent adorer est au
fond pour eux assez inquiétant. Ils savent que la DGSN algérienne
(Direction générale de la sûreté nationale) et la gendarmerie du Maroc sont
bien plus rugueuses que nos bons flics français. Comme ces lascars sont, hélas,
quasi-illettrés, leur « patrie charnelle » est celle des séries vues à la télé.
La lutte de libération nationale ? Bof… Les Crips et les Bloods de South Central Los Angeles, le gangsta
rap : attention passionnée.
Quel risque représente l’espace de libre
circulation de Schengen (auquel la France appartient) pour la sécurité ?
Qui dit Schengen dit Union européenne. En
matière sécuritaire, l’Europe de Bruxelles est une pétaudière. Les grands États
membres se cramponnent à leurs monopoles régaliens. Ainsi, quand on questionne
la Commission sur le crime organisé ou le terrorisme, elle s'ingénie à passer
la patate chaude aux États. Là-dessus,
un kaléidoscope bureaucratique dévotement bienséant et se jetant sur toute
ânerie politiquement correcte. Dans ce milieu, seuls accèdent aux sommets les
bureaucrates les plus pâles et effacés – intégrale inversion des lois
darwiniennes. Une décennie durant, je fus membre du groupe d'experts
académiques d'Europol. Mes collègues (britanniques, allemands, etc.) et
moi-même avons alors subi le « coordinateur de l'Union européenne pour le
terrorisme », insipide politicard belge aux discours d'une si intersidérale
vacuité qu'il était quasiment impossible d'en rien retenir. Au bout du compte,
des instances pararégaliennes étriquées et inabouties : Frontex aux frontières,
Europol pour l'illicite, Eurojust pour la justice, Olaf et l'antifraude, etc.
Avec des outils à ce point sous-dimensionnés, envoyer Charles Michel et Ursula
von der Leyen à Ankara face au matois Recep Tayyip Erdogan, était fort risqué.
On n'a pas été déçus.
IMAGINONS QUE L’ON COMBATTE
LES MALADIES VÉNÉRIENNES AVEC UM BUDGET AVEUGLÉMENT PARTAGÉ ENTRE LES BONNES
SOEURS ET LES LIBERTINES, LE RÉSULTAT SERIAT UNE DÉPÉRDITION
DES FORCES ET DE L’ARGENT GASPILLÉ. PAREIL POUR LES STATISTIQUES ETHNIQUES
Les statistiques ethniques sont interdites en
France. Leur publication aurait-elle un intérêt ?
La criminologie s'intéresse
d'abord à ce que font les malfaiteurs ; puis à ce qu'ils sont.
Croire que l'un induit intégralement l'autre relève d'un déterminisme
totalitaire, privant l'être humain de son libre arbitre. Notre domaine
criminologique surplombe le droit pénal ; nous forgeons des concepts, étudions
des phénomènes, ouvrons des perspectives. Ainsi, quand montait une vague
terroriste en Europe et qu'elle s'amorçait en France même, je publiais au
printemps 1982 un livre d'alerte intitulé Terrorisme, maintenant la
France ? (éd. Garnier Frères). Depuis, j'ai conservé cette
orientation : comprendre tôt, analyser, alerter, expliquer. Tout travail en
amont de ce type débouche à terme sur des politiques, publiques
surtout, parfois privées. C'est à ce niveau précurseur que des
statistiques ethniques seraient utiles. En matière répressive, ces indications
servent peu, mais préventivement, si ; pour savoir où et sur qui flécher la
prévention, renforcer son effectivité. Imaginons que l'on combatte les maladies vénériennes avec un budget
aveuglément partagé entre les bonnes sœurs et les libertines, le résultat
serait une déperdition des forces et de l’argent gaspillé. Pareil pour les
statistiques ethniques : préventivement utilisées, elles renforceraient
l'efficacité des politiques publiques. Dans leur effet sur l'opinion, ces
données fourniraient la mesure réelle des problèmes. On l'a vu jadis dans
l'URSS : la censure ne fait qu'alimenter des fantasmes, dix fois plus affolants
que le réel. Quand elle sait, une population a moins peur. Et quand la crainte
recule, la xénophobie aussi. Mais bien sûr, nos antiracistes monochromes
redoutent cela comme la peste : ils y perdraient leur fonds de commerce, leur
racket des indulgences…
Propos recueillis par Maxime
le Nagard, FRONT
POPULAIRE, nº 6, Automne 2021
Xavier Raufer, Docteur en géopolitique et ancien chargé de cours l'université d'Assas Paris II (1986-2016), où il fut notamment directeur des études du diplôme de troisième cycle d'analyse des menaces criminelles contemporaines, il est expert en securité auprès de collectivités locales. Son dernier ouvrage: Le Crime mondialisé (éd. du Cerf, 2019)
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