sábado, 19 de novembro de 2022

Sur le vif

Fatiha Boudjahla

Peut-on dire d’une femme politique qu’elle profère de parfaites inepties sans encourir les accusations de har-cèlement et de misogynie ? Quand, comment aurait-il  pu  être  question  d’une  autre  femme  qu’elle...  lorsque  Sandrine  Rousseau  parle  de  rééducation,  de  quasi-reprogrammation  des  humains  et  spécialement  des  hommes  dans leurs rapports à la viande et à son mode de cuisson ? Le barbecue, acte anthropologique et politique, comme signe et signifiant virilistes... à déconstruire. Surfant sur toutes les modes éditoriales et médiatiques, la députée Rousseau, universitaire, rappelons- le, donne une conférence sur les femmes sorcières, vic-times du patriarcat incendiaire.

Le mal que Mona  Chollet [photo]  aura  fait  à  la  vérité  historique  avec  son  brûlot  sur  les  femmes brûlées... Elles sont officiellement réhabilitées en Écosse. Cela ne coûte pas grand-chose et rapporte un max à la bourse du féminisme intersectionnel...

Quelques  historiens  ont  soulevé  et  relevé  les  erreurs,  omissions  et mensonges de Sandrine Rousseau comme ceux de Mona Chollet. Que  s’est-il  alors  passé  ?  Des  universitaires,  professeurs  d’histoire  ou  de science politique, ont préféré donner des gages de gauchisme plutôt que de rester dans la science. Ainsi Samuel Hayat a-t-il pondu le 10 septembre dernier ce fil sur Twitter :

« Est-ce qu’on doit utiliser notre connaissance des faits pour mettre en question des usages militants du passé ? Et  si  oui,  faut-il  le  faire  indifféremment  pour  tous  les  usages militants ? On est un certain nombre à penser que non,  tous  les  usages  militants  ne  se  valent  pas.  Et  qu’il  faut  en  particulier  distinguer  entre  les  usages  militants  par des dominantes pour défendre l’ordre social, et les usages militants de dominé-es pour le subvertir. »

Si vous êtes du bon côté, la gauche radicale, vous pouvez dire n’importe quoi, tordre le passé, parce que c’est pour la bonne cause. Si vous êtes de la bonne couleur de peau, la couleur de peau des «  dominé-es », vous  pouvez  mentir  ou  accumuler  les  omissions,  oublis,  mensonges  historiques.  Parce  que  vous  êtes  la  bonne  cause. 

Mais,  attention,  il  n’est  pas  question  que  les  gens  de  droite  et  de  l’ultra-droite  fassent  de même. Eux n’ont pas le droit. Ce professeur de science politique a supprimé ce fil, avec ce message piteux :

« J’ai supprimé un thread sur les usages militants de l’histoire, car il était mauvais et pas sympa pour des collègues. Désolé. Il était surtout nul car il mélangeait 2 choses : les manières  d’utiliser  l’histoire,  et  les  manières  d’en  faire.  Du coup, 2º essai, pour rater mieux. »

Pour ensuite en développer un qui dit exactement la même chose :

« Se pose la question de comment on réagit quand un-e militant-e utilise des faits historiques faux pour justifier ses  positions  politiques.  D’un  côté,  rectifier  les  erreurs  fait partie de notre éthique professionnelle ; d’un autre, ça a des effets politiques, de deux ordres. [...] D’abord, ça invalide la parole militante tenue (sur la France éter-nelle, la résistance des femmes, etc.) en sapant une de ses bases. Ensuite, au niveau agrégé, ça pousse les mili-tant-es à faire attention à ce qu’iels disent (vision opti-miste), ou... à se passer de l’histoire. »

«  Les  usages  militants  de  l’histoire  »,  soit  tordre  le  passé  pour  le  faire  coïncider  aux  modes  actuelles,  aux  discours  politiques  actuels,  jouer aux Procuste et couper tout ce qui dépasse du cadre, tout ce qui ne  coïncide  pas  avec  ses  convictions...  Sur  la  colonisation,  les  sor-cières,  les  traites...  Que  ce  discours  soit  tenu  par  des  militants  est  déjà une faute. Qu’il soit désormais repris, légitimé et validé par des enseignants et chercheurs est juste terrifiant.

Dans  la  même  logique,  mais  inversée,  les  gauchistes  de  la  Nupes  s’acharnent contre Fabien Roussel, qui, jouant à domicile, c’est-à-dire à la Fête de L’Humanité, a tenu ces propos : « La gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux. » Il  a  donc  logiquement  été  accusé  de  racisme...  Parce  que  seuls  les  gens de couleur touchent des aides sans doute. La mauvaise foi y fait beaucoup.  C’est  qu’il  accumule  les  griefs,  le  père  Roussel.  Il  aime  la  viande,  y  compris  au  barbecue.  Et  il  bat  le  Rassemblement  national  dans  des  terres  qui  lui  sont  acquises...  C’est  forcément  qu’il  donne  des gages à ces électeurs fascistes...

Lui et François Ruffin, autre élu de  terres  extrême-droitières,  osent  réclamer  que  la  gauche  réhabilite  et rapatrie dans son champ idéologique et politique la valeur travail. Mais les adulescents gauchistes de la Nupes trouvent la démarche suspecte,  droitière.  Le  travail,  c’est  mal.  Le  plein-emploi,  c’est  mal.  La  croissance, c’est mal. 

L’homme  qui  grille  de  la  viande,  c’est  mal.  Les  faits  historiques,  c’est  mal.  À  force  de  tordre  le  passé,  les  valeurs,  ils  sont  devenus  de  sacrés tordus. L’écrivain allemand Heinrich Heine avait écrit : « L’historien est un prophète qui regarde en arrière. » Rien de plus faux. Rien de pire que la téléologie. Ce qui fait la supériorité de la science historique réside dans la conclusion de ce que Baudelaire écrivait :

« Seigneur, ayez pitié des fous et des folles ! Ô Créateur ! peut-il  exister  des  monstres  aux  yeux  de  Celui-là  seul  qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire ? »

Ces derniers mots rendent toute leur liberté, leur marge d’action et  leur  responsabilité  aux  humains.  Non,  rien  n’a  conduit  à  ce  que  nous vivons. Il en est ainsi mais il aurait pu en être autrement. Aucune fatalité. Pas même celle de la fin du monde. Ni celle de la fin du mois.

Dans mes nouvelles fonctions de principale adjointe dans un collège Réseaux d’éducation prioritaire (REP) de l’Yonne, je mesure combien  ces  territoires  sont  ultra-périphériques.  Le  quart-monde  et  ses  effets  terribles,  physiques,  mentaux,  psychologiques  sur  les  familles,  les enfants, le territoire. Et je repense au discours misérabiliste entendu dans toutes les bouches gauchistes et chez les habitants des quartiers populaires. Eux qui ont accès à la mobilité, aux équipements. Je suis désormais corsetée par le fameux devoir de réserve...

Mais il faut se rendre  compte  du  nombre  d’enfants  placés  depuis  qu’ils  sont  tout  petits  en  famille  d’accueil,  ou,  parce  qu’il  n’y  a  pas  assez  de  familles  d’accueil,  à  domicile,  chez  des  parents  dont  les  services  sociaux  et/ou  judiciaires  ont  reconnu  la  toxicité,  voire  la  dangerosité.  Pas  assez  de  professionnels de santé ou de l’Aide sociale à l’enfance. L’école est le seul  repère  de  ces  gamins,  tour  à  tour  victimes  et  abuseurs.  Je  dis-pose  désormais  de  l’autorité  de  décider  des  exclusions  du  collège.  Je  n’ai jamais moins eu envie de les prononcer.

Quand la « promesse de l’aube » de l’amour de parents est à ce point trahie, quand son enfance est à ce point un chemin de croix, la dimension éducative et restau-rative de l’école prend tout son sens... vital. Ces enfants ont besoin de cadre. Mais ils ont aussi besoin de se raccrocher à quelque chose. Aucun  autre  service  public  ne  remplit  aussi  bien  ce  rôle  que  l’école.  Je  suis  pourtant  étourdie  par  l’écart  entre  la  misère  que  j’observe,  le déclassement  social,  intellectuel,  et  nos  faibles  moyens. 

Quand  une  mère  est  emprisonnée  pour  une  peine  conséquente  après  avoir  mar-tyrisé  sa  fille,  mais  qu’elle  conserve  son  autorité  parentale  sur  elle  et  s’oppose à ce que cette petite voie un médecin ou passe simplement le bilan de santé fait par l’infirmière... Parents toxiques. Cette inégalité-là, de naissance, d’enfance, d’amour maternel et paternel reçu, condi-tionne tant de trajectoires de vie... C’est moins sexy que les sorcières à la puissance invaincue...

Titre et Texte: Fatiha Boudjahla, Revue des Deux Mondes, novembre 2022, pages 125/129

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