Lors de votations, nos voisins helvètes se
sont prononcés contre le revenu universel ou le salaire minimum. On imagine la
réponse chez nous !
Pierre-Antoine Delhommais
Il convient d’abord de dire ici un grand merci aux gilets jaunes, grâce à qui les repas de Noël ont échappé à l’ennui qui trop souvent les guette, grâce à qui la soirée du réveillon a été animée par des débats enflammés sur la justice fiscale et le pouvoir d’achat, grâce à qui le foie gras et le saumon fumé se sont retrouvés joliment accompagnés de discussions passionnées sur la hausse du smic et le rétablissement de l’ISF. Passionnées, voire houleuses, entre les cousins de Parissignataires enthousiastes de la pétition dénonçant l’inaction de l’Etat dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’oncle de Poitiers, signataire non moins enthousiaste de la pétition s’opposant au relèvement de la taxe carbone sur les carburants : la crise des gilets jaunes a fait apparaître des fractures familiales tout aussi profondes que les fractures territoriales et sociales.
Creusement des
déficits.
La dégustation de la bûche
glacée a également pu offrir un moment propice pour aborder le sujet presque
aussi incontournable, cette année, que le coulis de framboise : le
référendum d’initiative citoyenne. La fin de repas aidant, les bons vins aussi,
l’idée d’un RIC appliqué aux questions économiques a, dans un premier temps, il
faut bien l’avouer, de quoi séduire. A observer notre taux de chômage trois
fois plus élevé qu’en Allemagne,
notre dette publique sur le point de dépasser 100 % du PIB, nos emplois
industriels qui continuent à disparaître, nos déficits budgétaires et
commerciaux qui ne cessent de se creuser, on se dit que la France se porterait
nécessairement mieux si le « peuple » avait été plus souvent consulté
et plus étroitement associé, depuis des décennies, à la conduite de la
politique économique. On se le dit plus encore lorsqu’on observe que la Suisse voisine, à l’économie
incroyablement florissante, a régulièrement recours à la pratique de
votations sur de grands sujets économiques.
Ce serait toutefois oublier un
peu vite le résultat de quelques-uns de ces référendums organisés dans ce pays
dont les gilets jaunes vantent volontiers le fonctionnement éminemment
démocratique. Les Suisses ont ainsi par exemple rejeté massivement (à
76,9 %) la création d’un « revenu de base inconditionnel »,
attribué à tous les citoyens, salariés ou sans emploi, revenu universel qui
compte en France de très nombreux partisans. Ils avaient précédemment refusé de
porter leurs congés payés de quatre à six semaines, craignant qu’une telle
mesure ne pénalise gravement la compétitivité de leurs entreprises. Ils ont
aussi voté à une écrasante majorité contre l’initiative « Pour des
salaires équitables » lancée par la Jeunesse socialiste suisse, qui
proposait de limiter les salaires des patrons à douze fois le salaire le plus
bas de l’entreprise. Ils se sont enfin, aux trois quarts, prononcés contre l’instauration
d’un salaire minimum (22 francs suisses l’heure) à l’échelle nationale,
craignant là encore qu’une telle mesure ne renchérisse le coût du travail non
qualifié et ne mette en danger la formidable puissance exportatrice du
pays.
Hausse du smic à 2 000 euros.
Tout cela laisse évidemment songeur. Il y a fort à parier qu’aux mêmes questions les Français auraient apporté des réponses très différentes. Il est même permis d’imaginer, au vu de quelques-unes des revendications des gilets jaunes et du large soutien dont ces derniers bénéficient dans l’opinion publique, le résultat de quelques RIC économiques qui pourraient être organisés en France : renationalisation des sociétés d’autoroutes mais aussi du secteur bancaire, instauration de la semaine de 32 heures, hausse immédiate du smic à 2 000 euros, doublement du montant des APL, rétablissement, cela va de soi, de l’ISF, mais aussi création d’une tranche marginale d’imposition sur le revenu à 90 % et peut-être même – tout est désormais envisageable – condamnation à de la prison ferme pour tout citoyen devenant millionnaire. Il n’est pas tout à fait exclu non plus qu’une majorité de Français se prononceraient en faveur du non-remboursement, auprès de nos créanciers étrangers, de la dette publique, considérée par plusieurs leaders du mouvement comme parfaitement illégitime.
Les Français ne sont pas les
Suisses. Viscéralement antilibéraux, effrayés par la concurrence et la
mondialisation, indécrottablement socialistes dans l’âme, convaincus que l’Etat
peut tout et leur doit tout, mus enfin par cette passion de l’égalité qui leur
tient lieu de culture économique, les Français se contrefichent éperdument,
dans leur immense majorité, des déficits budgétaires, du solde de la balance
commerciale, de la compétitivité des entreprises ou de l’attractivité du pays
auprès des investisseurs internationaux. Sans même parler de la dette publique,
à propos de laquelle on attend toujours qu’une pétition citoyenne soit lancée
pour dénoncer le rôle de l’Etat dans son envolée, pourtant synonyme de pertes
de pouvoir d’achat catastrophiques pour les générations futures. Alors,
vivement les RIC et vivement la faillite.
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