C'est avec un immense soulagement et le sentiment de vivre un tournant capital pour l'avenir de la région et du monde que la Maison-Blanche a accueilli ce vendredi le départ de l'homme qui avait été le pivot le plus fiable de la politique moyen-orientale de l'Amérique depuis trente ans. «L'Égypte ne sera plus jamais la même» car le peuple a parlé et «réclame une démocratie authentique», a déclaré Barack Obama dans un message chaleureux, retransmis en direct à la télévision égyptienne, louant le courage des manifestants et le rôle de protecteur joué par les militaires. «L'armée doit assurer une transition démocratique crédible», «en révisant la Constitution», en levant l'état d'urgence et en organisant des «élections justes et libres», a-t-il ajouté, promettant que l'Amérique serait «au côté des Égyptiens» pendant les «jours difficiles» de la transition. Vantant le caractère «paisible» de la protestation qui a prouvé que «la non-violence et non le terrorisme» représente «la meilleure chance de changer la trajectoire de l'Histoire vers plus de justice», le patron des États-Unis a sous-entendu que la démocratisation de l'Égypte serait le meilleur contrepoison face aux extrémistes islamistes.
Le rôle central que va jouer l'armée, désormais en charge de la transition, laisse penser à Washington que les États-Unis ont une vraie chance de peser sur le processus, en raison de leur lien privilégié avec les généraux au Caire. Le moins que l'on puisse dire est que cet aboutissement, jugé depuis déjà plusieurs jours indispensable, n'a pas été sans péripéties. Jeudi soir encore, Barack Obama avait subi une violente déconvenue après avoir presque annoncé, par la bouche du patron de la CIA, que Moubarak allait partir, pour finalement être démenti par le vieux raïs en personne.
Opportunité pour la démocratie
Le président américain avait-il tenté de forcer la main à son allié en s'engageant autant ? Le pied de nez de Moubarak a en tout cas suscité des questions à la Maison-Blanche, notamment sur le rôle flottant des agences de renseignement américaines. Déconcerté par l'obstination de Moubarak, Obama avait dû publier jeudi soir un message de fermeté, appelant le pouvoir égyptien à faire plus.
Cette insistance a-t-elle fini par jouer? Sans doute à la marge, même si les experts reconnaissent que c'est la rue égyptienne, et elle seule, qui a eu raison du régime. Mais les Américains semblent persuadés que le départ du président ouvre une formidable opportunité pour une démocratisation du monde arabe. Même si rien n'est joué.
Les 18 derniers jours ont été rudes pour les responsables américains, forcés de réévaluer les fondamentaux de leur politique égyptienne. Adeptes de la «stabilité» du régime pour assurer leurs intérêts stratégiques, ils ont fini par reconnaître, avec retard, que celle-ci n'était plus assurée par Moubarak. A commencé alors un jeu hésitant, visant à démontrer le soutien des États-Unis au mouvement démocratique du Caire, tout en jouant parallèlement la carte d'une transition progressive, gérée par les militaires. Ce double jeu a condamné l'Administration à être critiquée de toutes parts. Son allié israélien et ses partenaires arabes, qui dansent sur un volcan de frustrations populaires, ont condamné un lâchage trop clair de Moubarak, tandis que maints experts jugeaient au contraire le soutien d'Obama aux protestataires trop mesuré. Mais au bout du compte, force est de constater que la Maison-Blanche n'est pas en trop mauvaise posture, alors que s'ouvre une période très incertaine. Les relations étroites que le Pentagone entretient avec le chef d'état-major des armées, Sami Annan, supposé plus proche des militaires américains que des vieux généraux égyptiens formés en URSS, représentent «un atout indéniable», note l'expert militaire Andrew Exxum.
Le jeu n'en reste pas moins risqué, les intentions réelles de l'armée demeurant incertaines. Les militaires joueront-ils leur rôle de facilitateur de la démocratie ? Ou seront-ils tentés de récupérer la mise? Spécialiste de l'armée égyptienne, Joshua Stacher, notait récemment dans Foreign Affairs que les militaires, élément clé du système précédent, n'iraient pas nécessairement vers une authentique démocratisation. Il ne faut pas sous-estimer la persistance des régimes autoritaires, expliquait-il. «On sait que les révolutions peuvent manger leurs enfants» , a renchéri ce vendredi l'ex-patron de la CIA, James Woolsey, évoquant les révolutions française, russe et iranienne .
Laure Mandeville, Le Figaro - International, 12-02-2011
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