quarta-feira, 9 de abril de 2025

Qui est fasciste?

Michel ONFRAY

La sémantique, ça sert d’abord à faire la guerre. Ainsi avec le mot fasciste ou l’expression extrême droite aujourd’hui totalement décorrélés de leurs sens véritables depuis que Staline et le stalinisme ont dévitalisé les signifiants afin de les transformer en insultes adressées à quiconque n’adhère pas à leur totalitarisme, c’est-à-dire pour flétrir quiconque… n’est pas stalinien !

C’est une singulière façon de procéder de la part de ceux qui ont réellement collaboré avec le IIIe Reich national-socialiste le temps qu’a duré le pacte germano-soviétique, c’est-à-dire du 23 août 1939 au 22 juin 1941, date à laquelle Hitler met fin à ce programme commun d’union fasciste entre les deux empires totalitaires du XXe siècle, pour lutter contre des ennemis clairement désignés : la City, la banque, Londres, le parlementarisme, la démocratie, la République, les Anglais, les gaullistes et… les juifs.

La gauche communiste revient de loin ; elle a réussi à effacer cette vilenie collaborationniste dans son histoire avec la complicité du général de Gaulle qui avait besoin de tout le monde, sauf des collaborateurs, pour reconstruire la France à la Libération. L’Homme du 18 juin a fermé les yeux sur la romance que les communistes en général, et le PCF en particulier, ont entretenue avec le régime national-socialiste pendant vingt-deux mois, une romance qui prend fin du seul fait d’Hitler qui attaque l’URSS et rompt ainsi le pacte unilatéralement…

Ce refoulé gangrène la France depuis plus d’un demi-siècle.

Pour penser le fascisme en termes historiques, et non pas hystériques, j’en propose une définition en dix points. 

1. Le fascisme est un révolutionnarisme.

Autrement dit, il ne faut pas le confondre avec le conservatisme, qui est, comme le mot l’indique, un désir qu’a la droite de conserver le passé, ou avec le réactionnaire soucieux de restaurer un ordre ancien perdu. Rebatet voulait régénérer la France dans une Europe nazie qui aurait redonné sa vigueur à une nation dévirilisée. L’auteur des Décombres fait l’éloge des jacobins – les fascistes aiment beaucoup Robespierre, Saint-Just, Marat et les Conventionnels de 1792. Lénine aussi. 

2. Le fascisme est un bellicisme.

Il en a contre toutes les formes de démocratie parlementaire et moque les assemblées de députés ou de sénateurs de la République, il leur préfère, justement, les jacobins, violents adeptes du coup de force. Le fascisme estime que le régime des assemblées et des parlements est dirigé en sous-main par des lobbys maçonniques et juifs qui achètent des politiciens corrompus. Il refuse le jeu démocratique des élections pour lui préférer la violence des rues, le coup de poing, les manifestations urbaines. Il estime que le combat sanglant est nécessaire pour tremper l’acier de l’épée du militant. Qu’il est une école de virilité à opposer à la mollesse des démocraties et de la République qu’il se propose de mettre à terre. 

3. Le fascisme est un césarisme.

Il abolit les élections, n’y croit pas, ou les conteste, et en appelle au charisme d’un chef dont la parole, même contradictoire, fait la loi. Son idéal est qu’un chef (caudillo en espagnol, duce en Italie, conducator en Roumanie, mais aussi führer en Allemagne ou lider maximo à Cuba) conduise le peuple par son verbe. Il déclare qu’il n’y a pas besoin d’organiser démocratiquement la relation que le chef entretient verbalement avec son peuple. Sa parole a force de loi. Il est la Loi. 

4. Le fascisme est un populicide.

Il croit à l’homme providentiel, nullement au peuple providentiel. Il est démagogique et populiste quand il affirme qu’il sait mieux pour le peuple ce qui est bien pour lui, à savoir : se nier en tant que peuple afin d’obéir à la volonté du chef qui prétend l’incarner. Le fascisme défend « le parti unique, absorbant et régularisant la vie politique du pays. Il restaure le pouvoir autoritaire, le seul naturel, le substitue au pouvoir incertain et malin issu des élections perpétuellement faussées », écrit le fasciste Rebatet. Est fasciste quiconque veut abolir les partis, ou même un parti, et prétend incarner le peuple à lui tout seul. 

5. Le fascisme est un européisme.

Il est moins nationaliste qu’européiste car il croit nécessaire de construire une force impérialiste en vue de travailler à réaliser son projet sur la planète entière. Il est universaliste, donc expansionniste, et de ce fait souhaite élargir son espace vital. Le Parti populaire français du fasciste Marcel Déat, ancien apparatchik du PCF, voulait comme tant d’autres aujourd’hui « construire une Europe unie ». 

6. Le fascisme est un progressisme.

Il croit à l’existence de solutions miracles pour sortir des crises civilisationnelles. Il pense qu’il suffit d’un État autoritaire capable de faire régner l’ordre avec l’appui de l’armée, de la police ou de milices, pour remettre le pays en ordre de marche. Dans Petite méditation sur quelques grands thèmes, Rebatet écrit : « L’espérance, pour moi, est fasciste. » 

7. Le fascisme est un post-humanisme.

Il aspire à déconstruire l’homme ancien et souscrit à l’invite jacobine, celle de l’abbé Grégoire par exemple, mais aussi celle de Robespierre, de régénérer l’homme qui, de ce simple fait, se trouve pensé par eux comme dégénéré. Il souscrit à la mythologie de l’homme nouveau, un fantasme des Lumières développé par Robespierre, puis par Marx, ensuite par le bolchevisme, enfin par le fascisme, et aujourd’hui par les déconstructionnistes. 

8. Le fascisme est un antisémitisme.

Il estime que la communauté juive est depuis toujours et pour toujours inassimilable, qu’elle constitue une communauté dans la communauté et que son projet universaliste et cosmopolite est structurellement sécessionniste. Les juifs feraient passer leur intérêt avant celui de la nation, du pays, ils doivent donc être combattus. C’est le grand leitmotiv de Charles Maurras. 

9. Le fascisme est un virilisme.

Il vitupère un peuple de souche qu’il prétend effondré, abruti, dégénéré, diminué, exsangue, sinon consanguin, et en appelle à une régénération de la population par un sang neuf venu de barbares qui incarnent les vertus du guerrier, du soldat, du tueur, de celui dont la main sait égorger sans trembler – dont le terroriste. En ce sens, le fascisme est un phallocentrisme qui magnifie les valeurs du patriarcat. 

10. Le fascisme est un antihumanisme.

Il abhorre les vertus de la morale judéo-chrétienne et défend de façon pragmatique ce qui réussit, c’est-à-dire ce qui permet la réalisation de son projet. Adepte du Trotsky auteur de Leur morale et la nôtre, le fasciste veut en finir avec le Bien et le Mal, idoles de l’idéalisme bourgeois, pour leur préférer le bon et le mauvais, le bon étant ce qui permet de faire triompher la cause, le mal, ce qui l’entrave. 

Résumons : le fascisme est révolutionnariste, belliciste, césariste, populicide, européiste, progressiste, post-humaniste, antisémite, viriliste, antihumaniste.

Qui, aujourd’hui, préfère la violence à la discussion, la colère de la rue à des débats au Parlement ? 

Qui interdit les conférences, les débats d’intellectuels dans les écoles, les universités, les librairies ? 

Qui pratique les autodafés, dont certains libraires ? 

Qui préfère le coup de force, le coup de poing, les insultes, la grossièreté, à l’échange policé ? 

Qui oppose le combat de rue, la guérilla urbaine, les milices armées habillées de noir dites blacks blocs à la police et aux forces de l’ordre en prétendant que ces dernières tuent ? 

Qui met un genou à terre devant les repris de justice ? 

Qui dirige d’une main de fer un parti présenté comme gazeux, sans statuts, sans adhérents, avec des réunions occultes où le chef robespierriste élit et évince selon son caprice ? 

Qui se moque du vote du peuple quand il est majoritaire pour lui imposer la volonté d’une minorité au nom des principes de la République – la Fraternité, probablement ? 

Qui ne trouve rien à redire à l’Europe de Maastricht parce qu’elle détruit les nations – c’était la thèse du philosophe d’extrême gauche Toni Negri, l’âme damnée des Brigades rouges – car elle travaille elle aussi à l’internationalisme également souhaité par le patronat et la gauche jacobine ? 

Qui croit possible, en arrivant au pouvoir, d’inverser le mouvement d’effondrement de la civilisation judéo-chrétienne par la seule force des petits bras d’un César ? 

Qui veut effacer Israël de la carte du monde et trouve des vertus aux terroristes qui égorgent les juifs dans leurs maisons, femmes, vieillards, enfants, sinon fœtus compris ? 

Qui propose de déconstruire l’homme occidental ? 

Qui, en même temps qu’il promeut cet homme déconstruit, fait la promotion de la phallocratie et du patriarcat, de la misogynie et de l’homophobie, pourvu que le livre saint qui promeut ces valeurs ne soit ni la Torah ni le Nouveau Testament ? 

Qui, pour finir, estime que le terrorisme est un humanisme ? Oui, qui ?

Qui, aujourd’hui, est vraiment fasciste ?

Qui, aujourd’hui, est vraiment d’extrême droite ?

Souvent ceux qui, à longueur de journée, traitent de fascistes et de suppôts de l’extrême droite… les nouveaux prétendus antifascistes.

Titre et Texte: Michel Onfray, Front Populaire, nº 20, Mars-Avril-Mai 2025 

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