Ce graphique illustre le taux de change euro/franc suisse. Quand la courbe descend, cela veut dire que l'euro baisse, et donc que le franc suisse monte.
Le franc suisse atteint des records de force qui secouent le pays et exaspèrent les sociétés helvètes. La Banque centrale suisse est sous forte pression. Parmi les solutions évoquées, des taux d'intérêts négatifs ou... l'adhésion à l'euro.
Dans les artères du centre financier suisse, à Genève, les discussions virent quasi-systématiquement autour du franc suisse. La monnaie helvétique est «trop» forte: pour la première fois depuis la création de l'euro, il ne faut plus que 1,25 franc suisses pour obtenir un euro. Il y a dix ans, il en fallait environ 1,55, et au pic de fin 2007, le taux de change euro/franc suisse atteingnait 1,68.
Son niveau actuel est ainsi plus élevé qu'à son pic de 1978. La Banque nationale suisse (BNS) en était alors arrivée à mettre en place des taux d'intérêts négatifs pour contrer la tendance ! Une idée qui titille à nouveau certains économistes, mais la situation est fort différente. Cette manoeuvre s'était soldée par une inflation terrible et incontrôlable: taxer les dépôts des Européens qui ont placé de l'argent en Suisse, alors que la planche à billets tourne à plein semble n'être que la préparation d'un mauvais cocktail.
La grogne monte
Pour les touristes suisses qui voyagent en Europe, cette évolution allège sensiblement les factures d'hôtels et de restaurants, mais la perspective d'une poursuite de cette tendance au renforcement de leur monnaie exaspère les entreprises exportatrices, qui le font savoir en avançant un discours pessimiste pour l'économie du pays dans son ensemble et en agissant parfois de manière abusive : comme rémunérer leur personnel en euro ou baisser le salaire des frontaliers. Rappelons tout de même que l'Union européenne est cliente de 60% des exports suisses. Pour le reste, le franc suisse se trouve face à la même problématique face au dollar ou à la livre.
À Berne, le président de l'Union syndicale suisse (USS) Paul Rechsteiner dénonçait en septembre dernier une «situation dramatique». Daniel Lampart, chef économiste à l'USS, a précisé qu'une «appréciation durable de la devise helvétique par rapport aux autres monnaies ferait baisser le produit intérieur brut de 2,5 à 4%». Pour lui, le taux «sain» se situe autour de 1,45/1,50 franc suisses pour un euro. Pire, selon lui, actuellement, 100.000 emplois sont menacés dans la Confédération.
Pourquoi le franc suisse flambe autant ?
Tout d'abord, un pays fort a une monnaie forte. C'est le cas de la Suisse, qui présente une croissance annuelle autour de 2%, un taux de chômage en hausse, certes, mais de seulement 3,9%, etc...
Ensuite, historiquement, le franc suisse est une valeur refuge. C'est-à-dire que quand incertitudes, inquiétudes, et volatilité qualifient les marchés financiers, les investisseurs ont beaucoup plus peur du risque et réfugient leurs investissements vers des actifs sûrs, comme le franc suisse ou encorel'or. Or, le contexte européen, malade de ses finances publiques, alimente une aversion au risque qui profite directement au franc suisse.
Mais selon l'Union syndicale suisse, la frénésie qui touche la Suisse depuis plusieurs mois est imputable à la «spéculation sauvage» des banques helvétiques et «spécialement (de) l'UBS qui est le numéro deux mondial du commerce des devises».
Nick Hayek, président du conseil d'administration de Swatch, s'est insurgé dimanche dernier dans les colonnes du Matin Dimanche: «ce serait scandaleux si UBS et Credit Suisse spéculaient pour leur compte propre sur une hausse du franc suisse. Si elles le faisaient, les autres banques internationales n'hésiteraient pas à en faire de même. Il faut à tout prix stopper cette spéculation injustifiable sur le franc suisse (...). En jouant à la hausse, ces banques savent qu'elles attireront à elles des fonds étrangers qu'elles ont perdus durant la crise.»
Que faire ?
La Banque Nationale Suisse est montrée du doigt. Elle doit «prendre le taureau par les cornes», alors qu'elle aurait déjà perdu quelque 32 milliards de francs suisses en 2010 à cause du change, à en croire les calculs de Der Sonntag.
Parmi les pistes avancées par les économistes, figure l'introduction d'un impôt sur les transactions financières ou plus de régulation auprès des banques. L'idée d'instaurer un taux de change différent pour les entreprises qui exporte a aussi été lancée.
Côté socialistes, l'ancien président du Parti, Peter Bodenmann, propose de lier le cours du franc suisse à l'euro, rappelant l'exemple du succès du Danemark. Mais sans dire comment.
Toujours dans le Sonntag, l'économiste retraité Walter Wittmann a évoqué une adhésion à l'euro si l'économie ne pouvait plus supporter un franc suisse trop fort. Les économistes les plus osés ont prédit un taux de change à 0,5 fanc suisse pour un euro !
L'analyse de Vincent Juvyns, stratège senior chez ING IM
En 2010, le franc suisse n'a pas arrêté de grimper. D'abord la stratégie d'investissement était de profiter du dynamisme économique de la Suisse face à la crise économique et financière. Puis, vers mai et jusqu'à maintenant, la crise des finances publiques européennes a fait paniquer les marchés qui se sont entre autres réfugiés sur le franc suisse. Désormais, notre opinion est «neutre» sur le CHF car nous estimons qu'à 1,25, le potentiel est atteint.
Selon le consensus, le niveau «fair-value» du CHF et de 1,41, et la monnaie helvétique est surévaluée d'au moins 10%. Je pense que l'année 2011 devrait se placer sous le signe de l'apaisement, notamment avec l'avancée de la politique européenne sur la gestion de la crise des dettes souveraines des pays périphériques de l'UE (Grèce, Irlande, Portugal). Donc à court terme, les solutions sont là. Mais à long terme, je suis très inquiet pour les grands pays comme la France ou l'Allemagne. À ce moment là, la Suisse aura du souci à se faire.»
Marine Rabreau, Le Figaro, 07-01-2011
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