La religion n’est pas une couleur de peau!
Aurélien Marq
Au lendemain de l’attentat suprémaciste blanc de Charlottesville, la
société américaine a prouvé sa capacité de mobilisation. Même la Silicon Valley passe (enfin) à l’action contre les
groupes racistes et néo-nazis. Et c’est tant mieux, même si les autorités
devront veiller à éviter les débordements d’une chasse aux sorcières
incontrôlée, et si le risque de censure politiquement correcte est bien réel.
Après Barcelone, Cambrils,
Alcanar, peut-être Sourgout en Sibérie et Turku en Finlande, et en tout cas une longue litanie
de Toulouse à Levallois-Perret, voit-on quoi que ce soit de comparable se
mettre en place contre l’islam politique ? Non. Les Etats agissent, mais
la société civile tarde à prendre sa part de la nécessaire mobilisation.
Pourquoi ?
La religion, une tradition
héritée?
Bien que les raisons soient
multiples, l’une me semble saillante, et à terme particulièrement
problématique : la vision de la religion avant tout comme une tradition
héritée, et non pas une conviction choisie.
Bien sûr, le prisme américain
de beaucoup de médias, et évidemment des réseaux sociaux, est une première
explication. Vu des Etats-Unis, où les musulmans représentent environ 1%
de la population, l’islam politique est un danger lointain et hypothétique. En
revanche, l’extrême-droite raciste blanche est un danger immédiat bien réel,
d’autant plus que l’attitude de Donald Trump à son égard manque singulièrement
de clarté. Les priorités de la Silicon Valley n’ont donc rien d’étonnant.
Je ne crois pas cependant que
ce soit l’explication principale. Le cœur du sujet est l’assimilation par la
pensée « politiquement correcte » de la critique d’une religion à du
racisme.
Une distinction pas
toujours évidente
Bien sûr, la
déchristianisation de l’Occident y contribue, puisque beaucoup de personnes de
culture chrétienne n’y voient plus qu’un ensemble de traditions, que l’on peut
souhaiter perpétuer sans pour autant adhérer aux croyances ni aux valeurs qui y
étaient jadis associées. Spontanément, ces personnes imaginent que la situation
est la même pour tous.
Et pourquoi pas ? Quelle
que soit la religion, une part plus ou moins grande des fidèles y adhère par
affection pour ses traditions, par loyauté familiale, ou pour faire partie d’un
groupe en partageant ses coutumes. Beaucoup ont bien d’autres préoccupations
que la théologie, et estiment avoir la religion qui leur a été enseignée dans leur
enfance tout simplement parce qu’ils n’ont jamais eu de raison de réfléchir
sérieusement à la question. Il n’est pas toujours simple de distinguer une
appartenance par tradition d’une appartenance par véritable adhésion.
Mais n’est-ce pas la même
chose pour des convictions politiques ? Il est très probable que parmi les
manifestants « suprémacistes » de Charlottesville, un bon nombre
n’était là que par affection pour ce qu’ils perçoivent comme d’innocentes
traditions, ou par fidélité envers un engagement habituel dans leur famille.
Faut-il pour autant les dédouaner de toute responsabilité lorsqu’ils
participent à un cortège dans lequel on brandit des drapeaux nazis ?
Apostasie et assignation
raciale
Bien sûr, on peut adhérer très
sincèrement et profondément à une religion, sans adhérer à tout son
enseignement officiel. Ce n’est pas « tout ou rien », et des
millénaires de controverses et de réformateurs religieux sont là pour le
prouver ! Ce qui prouve, au passage, qu’une foi sincère n’est pas par
essence incompatible avec l’exercice du libre-arbitre et de l’esprit critique.
Pour un croyant, critiquer les
traditions, les symboles et les mythes qui l’ont conduit à la conscience du
divin est parfois difficile, terrifiant même puisque cette démarche suppose une
forme de distanciation, même temporaire, et semble ouvrir la possibilité de ne
plus croire. Mais même si cette difficulté bien réelle doit être comprise et
reconnue, elle ne saurait excuser un éventuel soutien aveugle à une doctrine.
Les non-croyants ont donc à
nuancer leur vision des croyants, à ne pas les rendre responsables de tous les
enseignements liés à leur croyance, mais les croyants ont, eux, la
responsabilité d’exercer leur esprit critique vis-à-vis de leur religion.
Croire n’est pas soutenir
aveuglément
Pour un croyant, critiquer les
traditions, les symboles et les mythes qui l’ont conduit à la conscience du
divin est parfois difficile, terrifiant même puisque cette démarche suppose une
forme de distanciation, même temporaire, et semble ouvrir la possibilité de ne
plus croire. Mais même si cette difficulté bien réelle doit être comprise et
reconnue, elle ne saurait excuser un éventuel soutien aveugle à une doctrine.
Les non-croyants ont donc à
nuancer leur vision des croyants, à ne pas les rendre responsables de tous les
enseignements liés à leur croyance, mais les croyants ont, eux, la
responsabilité d’exercer leur esprit critique vis-à-vis de leur religion.
En outre, on sait que
l’islam refuse généralement l’apostasie. L’assignation
« raciale » d’un individu à la religion de ses parents ne peut que
convenir parfaitement à ceux dont la priorité reste le contrôle de la
communauté musulmane elle-même, et qui craignent plus que tout qu’un esprit
critique vis-à-vis du dogme se répande au sein de l’oumma.
L’objectif est double :
placer les autres cultures (en particulier l’Occident) en position
d’infériorité, et faire taire en interne les musulmans réformateurs. A ce titre, l’odieuse accusation d’islamophobie portée contre Kamel Daoud après son
analyse des agressions sexuelles de Cologne est particulièrement révélatrice.
Une croyance doit rester un
choix
Ceux qui considèrent que la
critique des religions est une forme de racisme sont donc les complices,
volontaires ou non, d’une entreprise totalitaire visant à supprimer la liberté
de conscience.
Or, à moins de nier aux
individus tout libre-arbitre, une croyance est et doit rester un choix, que
cette croyance soit politique, philosophique ou religieuse. Et comme tout
choix, celui-ci s’accompagne d’une part de responsabilité.
Vouloir exonérer les musulmans
de cette responsabilité, c’est les assigner à une identité de naissance. Être
indulgent vis-à-vis de l’islam politique pour ne pas « stigmatiser les
musulmans », c’est refuser de voir qu’on peut être musulman tout en dénonçant ce qui dans
l’islam conduit au totalitarisme conquérant. C’est croire les musulmans
incapables de procéder à un examen critique d’eux-mêmes et de leurs
croyances. C’est les infantiliser, les considérer comme structurellement
irresponsables, donc inférieurs. C’est du racisme.
Islamisme et suprémacisme
racial
L’islam politique est aussi
malsain que le suprémacisme racial, et au moins aussi dangereux. Il doit être
combattu avec la même détermination.
La religion n’est pas une
couleur de peau ! La liberté de conscience est un droit que nous devons
défendre sans tolérer la moindre compromission, et une
responsabilité que nous devons rappeler. Mais elle ne s’applique pas qu’aux
seuls musulmans. La mobilisation contre le KKK et les néo-nazis doit être
étendue à la lutte contre les groupes salafistes, wahhabites, ou la nébuleuse
des Frères musulmans. Chacun d’entre nous en est responsable.
Nenhum comentário:
Postar um comentário
Não publicamos comentários de anônimos/desconhecidos.
Por favor, se optar por "Anônimo", escreva o seu nome no final do comentário.
Não use CAIXA ALTA, (Não grite!), isto é, não escreva tudo em maiúsculas, escreva normalmente. Obrigado pela sua participação!
Volte sempre!
Abraços./-