Lui tente de limiter l'usage des critères
ethniques dans le recrutement à l'université
Elisabeth Lévy
Contrairement à son
prédécesseur, Donald Trump tente de limiter l’usage des critères ethniques
dans le recrutement à l’université aux Etats-Unis.
Pour nombre d’éditorialistes
français, et même européens, Barack Obama est un champion de la cause noire et
Donald Trump un fieffé raciste. Peu importe que le fantasque président blanc
ait nommé la première femme noire général de brigade dans le corps des Marines
et que, sous l’élégant président noir, l’Amérique ait connu une recrudescence
des tensions raciales après que plusieurs adolescents noirs furent tombés sous
les balles de la police. Quoi qu’il fasse, Trump est le visage du mal, l’homme
que tous les beaux esprits de la planète se plaisent à détester.
Selon que vous serez Noir
ou Blanc…
On peut gager que la décision
du président actuel d’abroger les directives Obama qui encourageaient les
universités à prendre en compte les critères raciaux dans la sélection de leurs
étudiants ne va pas améliorer sa réputation. Pour les républicains
universalistes que nous prétendons être, il ne devrait pourtant pas y avoir
photo. Fille du politiquement correct née dans les années 1960, l’affirmative
action est aussi injuste dans son principe qu’inefficace dans les
faits. Non seulement, elle n’a pas permis de combler le fossé entre les Noirs
et les autres communautés, mais elle nourrit les ressentiments. Comment éviter
que des étudiants recalés au bénéfice de candidats moins performants se sentent
victimes d’une discrimination tout à fait négative ? Le
4 juillet, le journal de France 2 a donné l’exemple d’un
examen d’entrée en mathématiques, à Harvard : « Les Blancs
n’ont ni bonus ni malus, les Asiatiques, qui, selon l’université, réussissent
mieux en maths, partent avec un handicap de moins 140 points, les Hispaniques,
avec un bonus de 130 points, et les Afro-Américains avec un bonus de 310
points. » On comprend que les étudiants issus d’une union
Noir-Asiatique préfèrent se déclarer comme Noirs…
L’essentialisme qui ne se
cache pas
Il faut croire en tout cas
qu’il est permis, au nom de l’antiracisme, de mener des politiques
racistes : comment qualifier autrement cet essentialisme qui ne se cache
même pas ? Ce système semble en effet naturaliser des différences de niveau
que l’on a échoué à réduire. Cela revient peu ou prou à dire aux Noirs et aux
Hispaniques qu’ils sont structurellement trop nuls pour concourir à armes
égales. S’il s’agit de les encourager, c’est une façon particulièrement
humiliante de le faire. De plus, le risque est que les Noirs diplômés des
grandes universités soient considérés comme des pistonnés, quand bien même ils
n’auraient jamais, comme Barack Obama, bénéficié de ces procédures.
On comprend que ce système
enrage pas mal de dents de candidats refusés. Aussi est-il l’objet de nombreux
contentieux. Dernière affaire en date, à la mi-juin, l’association Students for
Fair Admissions a ainsi porté plainte contre Harvard qu’elle accuse de
discrimination à l’encontre des étudiants d’origine asiatique, qui se verraient
systématiquement attribuer de moins bonnes notes que les autres sur la
« personnalité positive » ou la capacité à susciter la sympathie.
Droit à l’indifférence
Ces dernières années, ces
procédures ont conduit la Cour suprême à réaffirmer qu’il était légitime de
prendre en compte les critères ethniques, tout en précisant que ceux-ci ne
devaient pas être décisifs. Comme cette décision d’apparence équilibrée peut,
dans les faits, signifier tout et son contraire, les présidents successifs ont été
amenés à publier des directives qui fournissent aux universités une méthode
pour la mettre en œuvre et qui, sans avoir force de loi, sont relativement
contraignantes pour les établissements – qui ne peuvent s’y soustraire sans
encourir une enquête fédérale. Les directives Trump, qui visent à limiter
l’usage des critères ethniques dans le recrutement des étudiants, ne font que
renouer avec la politique de George W. Bush.
Ceux qui caressent l’idée
d’importer le système en France, en instaurant par exemple des quotas
ethniques, devraient y réfléchir à deux fois. En focalisant les regards sur des
différences que notre universalisme nous interdit de voir, ils ne feraient
qu’entretenir les tensions qu’ils seraient supposés apaiser. À tout prendre,
essayons plutôt de vendre Parcoursup aux Américains. Comme ça, tout le monde
sera mécontent, quelle que soit son origine.
Titre et Texte: Élisabeth Lévy, CAUSEUR,
nº 59 – été 2018
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