domingo, 5 de janeiro de 2020

Brésil : réforme des retraites, stabilité économique, lutte contre la délinquance… Bolsonaro engrange les succès

Virginie Jacoberger-Lavoué

Les bien-pensants avaient prédit la catastrophe, mais la première année du président ultra-conservateur a surpris. Même si chômage, violence et corruption restent au menu de 2020, les progrès sont visibles partout.

Foto: Eraldo Peres/AP/SIPA

Au “pays de Bolsonaro”, 2020 commence comme un “an II”. Le 1er janvier 2019, le président Jair Bolsonaro, classé à l'extrême droite, était investi après avoir été élu haut la main (55,1 %) le 28 octobre 2018, désavouant la gauche et ses alliés au pouvoir depuis 2003. De sa victoire, on s'alarmait alors. On ne soulignait pas seulement le profil de l'ex-capitaine parachutiste, député ultra-conservateur depuis plus de trente ans, seulement remarqué pour ses saillies au Congrès ; on s'inquiétait sérieusement du basculement de la première économie et démocratie d'Amérique du Sud. On s'irritait de l'entrée de plusieurs militaires de carrière dans le gouvernement de cette figure de la droite dure brésilienne, laudateur décomplexé de la dictature (1964-1985) et soutenu par le puissant lobby dit BBB pour Biblia, buey y bala (“la Bible, le bœuf et la balle”), autrement dit le courant évangélique - un tiers de la population brésilienne, qui compte 209 millions d'habitants, majoritairement catholiques -, l'agrobusiness et les pro-armes. On prédisait, avec ce “Trump des tropiques”, le chaos.

Un vent mauvais se lève-t-il à Brasília ? En 2019, le Brésil n'a pas connu de contestation dans la rue comme d'autres pays — Bolivie, Colombie, Chili, Équateur, Nicaragua et bien sûr Venezuela… — d'une Amérique latine en surchauffe. La contagion n'a pas pris, alors que nombre de ses proches voisins ont supporté convulsions sociales et débordements parfois sanglants. Avec Bolsonaro, la première économie sud-américaine (et 8e mondiale) est apparue comme un géant stable au milieu du brasier sud-américain.

La réforme des retraites est l'une des réussites à mettre à son crédit
Jair Bolsonaro, qui a rencontré à trois reprises le président américain l'an passé après avoir été l'invité de l'ouverture du World Economic Forum (WEF) à Davos, a surtout réussi son pari de réformer le Brésil. Menée par le ministre de l'Économie, Paulo Guedes, un libéral formé à l'école de Chicago, la réforme des retraites, considérée comme un défi historique, est une nette victoire. « La réforme des retraites, adoptée en plénière au Sénat le 22 octobre 2019 et votée à une large majorité, a constitué un cap. Trois présidents précédemment avaient promis de s'attaquer à ce dossier et y avaient renoncé ; car cette réforme était impopulaire [avec un départ à 65 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes, NDLR]. On ne peut pas dire que cela se passe aussi bien chez vous en France ! », ironise un économiste brésilien de renom qui a conseillé plusieurs présidents.

« Avec la réforme des retraites, on attendait Bolsonaro au tournant. Ce processus […] n'a pas viré en dangereuses palinodies. Cela a restauré la crédibilité du Brésil alors que la croissance était encore faible en 2019 (0,9 %) », confirme Thiago de Aragão, expert d'Arko Advice, à propos de cette réforme menée au gré d'intenses négociations mais sans conflit majeur. Elle permettra une économie de plus de 275 milliards d'euros sur dix ans. Paulo Guedes évite ce qu'il nomme « le trou noir budgétaire » (le FMI prédisait une dette publique de 91,6 % du PIB pour la fin de 2019) et lance la voie des réformes fiscales (en raison d'un système coercitif d'imposition) qui seront entreprises cette année, avec la perspective d'une réforme administrative qui s'attaquera à la fonction publique.

À l'agenda 2020 s'inscrivent aussi les privatisations, dont celle d'Eletrobras. Après avoir connu la plus grave récession de son histoire, en 2015-2016, le Brésil voit son économie s'améliorer doucement, même si cette croissance (prévue de 1,5 à 2 % en 2020) est encore trop faible pour relancer le pays. La situation à Rio de Janeiro, où la municipalité, surendettée, a été déclarée en cessation de paiements le 16 décembre 2019, donne toutefois un éclairage sur la fragilité du pays. Mais le gouvernement Bolsonaro profite de la confiance de la Bourse. Standard & Poor's a livré le mois dernier un satisfecit et pourrait relever sa note à moyen terme. En 2015, sous la présidence de Dilma Rousseff, le déficit avait dépassé les 10 %, l'agence le prévoit à 5,7 % en 2020.

Homicides en baisse de 22 % en 2022
Autre enjeu majeur et engagement de campagne de Bolsonaro, la lutte contre la criminalité dans un pays qui figure depuis des décennies parmi les plus violents et meurtriers au monde (avec un taux d'homicide autour des 31 pour 100 000 habitants). Au cours des neuf premiers mois de 2019, la chute du nombre d'homicides a été de 22 %. Le pays, qui détient le record d'incarcérations, a établi un système d'isolement des barons des cartels criminels qui a porté ses fruits. Les résultats obtenus dans le cadre sécuritaire sont moins liés aux actions récentes du gouvernement qu'à celles des États (gérés par des gouverneurs). Quoique imparfaite, la justice brésilienne relève bien d'un État de droit, alors que d'aucuns voyaient avec Bolsonaro l'avènement d'une autocratie. 2019 fut l'année de la libération de son principal opposant, Lula da Silva.

La question des droits des minorités, dans un pays qui reste l'un des plus inégalitaires au monde, préoccupe cependant la communauté internationale. Mais c'est sur le terrain des médias que Bolsonaro a été le plus virulent, mettant fin à certains abonnements gouvernementaux, postant une vidéo de commentaires incendiaires sur la principale chaîne de télévision, TV Globo, après que celle-ci eut cité son nom dans une enquête menée en “sa” ville de Rio de Janeiro sur le meurtre de la militante Marielle Franco.

L'an I de Bolsonaro fut bien, comme annoncé, celui de fortes controverses. Climat tropical électrique car le président soigne ses soutiens ultra-conservateurs, qu'ils soient climatosceptiques ou nostalgiques de la dictature. Mais, contrairement à son entourage le plus rude, notamment ses fils, il est toujours prêt à faire volte-face. Accusé de népotisme pour vouloir présenter son fils Eduardo, sans carrière diplomatique derrière lui, au poste convoité d'ambassadeur des États-Unis, il a pour l'instant renoncé. « Bolsonaro a profité des grandes fragilités politiques des partis traditionnels avec les scandales de corruption pour accéder au pouvoir, mais il n'est pas un antisystème » , rappelle le politologue Carlos Pereira de la Fondation Getúlio Vargas. Une de ses faiblesses est qu'il ne peut pas compter sur une coalition solide au sein d'un Congrès brésilien fragmenté.

Après un an de mandat, Bolsonaro apparaît comme le président brésilien le plus impopulaire, avec à peine 29 % d'avis favorables selon Ibope (dernier sondage effectué en décembre). Paradoxalement, il n'en est pas moins le favori des sondages de l'élection de 2022 : 43 % des sondés considèrent qu'il serait un meilleur candidat que Lula da Silva.

Le clan Bolsonaro est dans le collimateur de la justice
Le bilan de la lutte anticorruption laisse plus circonspect. Son ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Sérgio Moro, a perdu de son prestige. On fustige sa partialité d'ex-juge qui a diligenté l'affaire “Lava jato” (“Lavage express”), le plus grand scandale de pots-de-vin jamais révélé en Amérique du Sud, depuis son entrée au gouvernement, et surtout les révélations par le site The Intercept, à partir de l'été 2019, de ses conversations avec un procureur manquant de neutralité. “Lava jato” n'en demeure pas moins une retentissante et unique opération mains propres au Brésil, avec plus de 200 arrestations de politiciens et d'hommes d'affaires depuis 2014, menée par une douzaine de juges dans un pays jusqu'ici gangrené par l'impunité. Dans la réforme judiciaire en cours, la création d'un “juge de garantie” suscite des débats. Cette mesure n'était pas souhaitée par Sérgio Moro et elle est à présent soutenue par Jair Bolsonaro. Mais ce dernier ne passe plus pour un héraut de la transparence, alors que le parti (PSL) qu'il a quitté en novembre pour fonder l'Alliance Brésil est suspecté d'avoir eu des “candidats fantômes”. Surtout, son clan est dans le collimateur de la justice. Son fils aîné, Flavio, est depuis le 19 décembre poursuivi par le parquet de Rio de Janeiro pour emplois fictifs et détournement de fonds.

Mais pour rehausser sa cote de popularité, l'équation la plus importante pour Bolsonaro est de réduire le chômage. Entre septembre et novembre 2019 (dernier trimestre publié), le Brésil est passé sous la barre des 12 millions de sans-emploi, à 11,2 % de la population; une première depuis 2016, année des jeux Olympiques de Rio de Janeiro.

2019 a été une année diplomatique très américaine pour Bolsonaro. Mais n'est pas Trump qui veut. S'il n'est pas le Néron qui a mis le feu à l'Amazonie — la déforestation et les “écocides” étant une triste réalité brésilienne depuis plus de quarante ans —, l'ultra-conservateur a pourtant mal géré cette crise. Il n'a pas voulu froisser les ruralistas (l'agro-business qui le soutient), alors que l'Amazonie est apparue pour ce qu'elle est souvent, une zone de non-droit. Depuis le début de son mandat, la déforestation a plus que doublé et a atteint 8 970 kilomètres carrés.

Diplomatiquement, Bolsonaro n'a certainement pas récolté ce qu'il escomptait de ses bonnes relations avec Donald Trump, lequel a annoncé en décembre rétablir des taxes sur son acier et son aluminium. L'ultra-conservateur, qui avait commencé sa présidence vent debout contre la Chine, a compris qu'on ne boudait pas son premier partenaire commercial (57,6 milliards de dollars entre janvier 2019). Le Brésil y exporte massivement soja, viande et minerais.

Difficiles relations avec la France
Et la France ? 2019 fut l'année des rendez-vous manqués. D'abord avec Jean-Yves Le Drian. Fâché que celui-ci consulte les ONG sur l'Amazonie, le chef de l'État brésilien lui avait préféré son coiffeur. À cela s'est ajoutée l'affaire Brigitte Macron. La femme du président français a reçu le soutien de Brésiliens scandalisés de la goujaterie de Bolsonaro après que celui-ci se fut amusé d'un commentaire d'un internaute pointant la différence d'apparence entre les deux premières dames. Le post incriminé, dont l'auteur était son fils Carlos, qui gère pour lui les réseaux sociaux, a été effacé. Mais les Brésiliens attachés à leur souveraineté ont peu goûté les prises de position d'Emmanuel Macron sur l'Amazonie.

« Nous avons une relation bilatérale très forte » , a rappelé Jean-Yves Le Drian, même après avoir été snobé. Il devrait rencontrer en ce mois de janvier l'ambassadeur du Brésil en France, Luís Fernando Serra. Celui-ci a reçu le 10 décembre une réponse “plus que favorable” d'Emmanuel Macron à ses lettres de créances ; le président y exprimerait son souhait d'une relation construite. Les relations bilatérales concernent la défense, avec des projets considérables (sous-marins), mais aussi l'éducation. Le Brésil est en outre le pays où la France réalise le plus d'investissements, plus qu'en Chine !

Les entreprises françaises telles que Total, Engie, Carrefour y investissent considérablement, y compris sous mandat Bolsonaro. En 2019, Engie, pour qui le Brésil représente le second marché, a dépensé 7,8 milliards d'euros pour le rachat de la moitié des gazoducs du Brésil et se distingue comme le premier investisseur étranger (2019). Vinci Airports a inauguré le 11 décembre le nouvel aéroport de Salvador de Bahia. Prochain décollage ? Au moins diplomatiquement, on peut espérer de 2020 un “match retour” France-Brésil.
Titre et Texte: Virginie Jacoberger-Lavoué, Valeurs Actuelles, 5-1-2020

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