Donald Trump va se présenter à l'élection
présidentielle du 3 novembre prochain fort de son bilan économique (7 millions
d'emplois créés en trois ans) et de sa capacité à tenir ses promesses sur
l'immigration (extension du mur sur la frontière mexicaine, renvoi de
clandestins), ce qui en fait le favori de la compétition.
Il y a quatre ans, j'étais
dans le bureau de Donald Trump qui se préparait, dans sa Trump Tower sur la 5e
Avenue, à sa longue marche vers le pouvoir. Nous étions à la veille des
primaires de l'Iowa, la majorité des républicains se liguait alors pour
l'abattre à coups de centaines de millions de dollars, ne pouvant un instant
imaginer que leur Grand Old Party soit usurpé par ce magnat de
l'immobilier métamorphosé en star du showbiz. Quant aux démocrates, ils
ricanaient avec la même condescendance que la quasi-totalité des intellectuels
new-yorkais en particulier et de la presse américaine en général, imités avec
enthousiasme par tout ce que la France compte d'experts autoproclamés en la
matière. Personne ne pariait un kopeck sur la nomination de l'homme à la houppe
carotte, encore moins sur la possibilité de son accession à la Maison-Blanche,
qui semblait aussi probable que l'apparition d'une colonie de poissons volants.
On connaît la suite, qui appartient désormais à l'histoire.
Trump n’as pas dérogé
d’um iota à ses promesses de campagne
Il n'est pas inintéressant de relire mon
entretien avec Trump pour Valeurs actuelles du 11 février 2016
: tout y était déjà. On peut penser ce qu'on veut du personnage, dauber sa
voracité twitteuse, ses saillies pas toujours heureuses, ses postures
excessives : il n'empêche que l'homme n'a pas dérogé d'un iota à ses promesses
de campagne. Il a dit ce qu'il ferait et fait ce qu'il a dit. Où en est-on
aujourd'hui, à huit mois de l'élection présidentielle ? Inventaire.
Trump a enclenché une
économie de ruissellement, qui, contrairement aux essais français en la
matière, a porté ses fruits
Quelques jours avant les résultats de 2016, Paul
Krugman, Prix Nobel d'économie, avait écrit dans le New York
Times : « Une victoire de Trump signifierait la faillite
économique de l'Amérique, qui serait pire que la crise des subprimes de 2008.
» Aujourd'hui, près de 7 millions d'emplois ont été
créés depuis son élection, le taux de chômage est de 3,5 % (au plus bas depuis
cinquante ans). Les taux de chômage des Noirs (5,5 %) et des hispaniques (3,9
%) sont les plus bas jamais enregistrés, et ce sont les bas et moyens salaires
qui progressent le plus vite. Quant à la croissance, elle connaît une période
exceptionnelle et continue, qui avait commencé sous la présidence de Barack
Obama et a perduré - voire augmenté - avec Trump. En baissant drastiquement les
impôts des entreprises (de 35 à 21 %), Trump a enclenché une économie de
ruissellement, qui, contrairement aux essais français en la matière, a porté
ses fruits.
Tout le reste suit. Il m'avait
dit, en février 2016 : « Le peuple américain en a marre des
incompétents, des soi-disant responsables qui ne savent pas ce qu'ils font, des
politiciens corrompus, de ces décisions aussi nulles que mal prises, comme
l'accord avec l'Iran, et beaucoup d'autres choix erronés. » Pratiquement dès son arrivée à la
Maison-Blanche, Trump a rompu l'accord avec Téhéran et fait pression sur les
Européens afin qu'ils boycottent économiquement le pays des mollahs. Les
États-Unis étant légèrement plus puissants que le Zimbabwe, l'Europe a suivi en
maugréant et la pression reste toujours aussi forte en ce Moyen-Orient.
Il m'avait aussi déclaré
: « Je fais la politique du XXIe siècle. Entre Facebook, Twitter et Instagram, je suis
suivi actuellement par 12 millions de personnes. Et attention, il ne s'agit
pas, tant s'en faut, d'adolescents qui me prennent pour une star du rock, mais
de professions libérales, d'employés, d'ouvriers. Bref, de tout le monde.
» Tous
pensaient qu'une fois élu, Trump allait s'arrêter de tweeter plus vite que son
ombre. C'est évidemment le contraire qui s'est produit. Pêle-mêle, il règle son
compte à telle ou telle personnalité, répond à telle ou telle attaque,
s'indigne et trépigne, mais surtout - chose parfaitement inédite dans
l'histoire de tous les pouvoirs - fait part de ses décisions internationales,
de ses initiatives inédites, par le biais unique des réseaux sociaux. Aujourd'hui,
plus de 100 millions de personnes le suivent et tous de se demander si cette
Tweetomania compulsive relève de la psychiatrie, de la mégalomanie ou autres
folies douces. En trois ans et demi, Trump a quand même montré qu'il était plus
avisé que cela ; ayant constaté que la quasi-totalité des médias américains lui
étaient carrément hostiles, qu'ils le considéraient comme un usurpateur et que
le plus important était de le déloger, de le destituer, de l'éliminer toutes
affaires cessantes, il continue de pratiquer avec allégresse la politique de
désintermédiation : directement du producteur au consommateur. Il y a quarante ans, il rêvait
d'acheter le New York Times ; aujourd'hui, il lui fait face en
un clic.
Depuis la campagne présidentiellle
de 2016, Trump est confronte à l’hostilité de la quase-totalité des médias
americains
On l'accuse, il réplique et se
défend pied à pied
Il m'avait dit aussi : « Nous avons un
terrible problème d'immigration clandestine, avec des millions de gens qui sont
déjà rentrés et qui continuent de le faire et qui nous causent des problèmes
insurmontables à court terme. […] La question se pose
en termes économiques et en termes de criminalité. » Et il ajoutait,
en réponse à ma question sur l'Europe : « Je pense qu'Angela Merkel a
commis une terrible erreur avec les migrants. Ce qui se passe en ce moment en Europe peut
conduire à l'effondrement de celle-ci. C'est dramatique, ce qu'elle a laissé
faire, ce déferlement : on en voit déjà les conséquences en Allemagne et
ailleurs. […] Si
on ne traite pas la situation avec compétence et fermeté, oui, c'est la fin de
l'Europe. Et vous allez au-devant de véritables révolutions. » On
s'est beaucoup moqué de sa perpétuelle référence au mur à instaurer à la
frontière mexicaine, annonce qu'il avait faite le premier jour de sa
candidature, en juin 2015. De ce point de vue, il n'a jamais cessé de
continuer à construire la barrière, construction ralentie, évidemment, par
l'opposition démocrate. Plus largement, et suivant toujours son intuition de
négociateur aussi acharné que permanent, il menace et cajole tour à tour le
président mexicain et fait refouler les migrants d'Amérique centrale à la
frontière ; on l'accuse, en mettant des enfants dans des camps de rétention,
d'être à la droite d'Adolf Hitler ; il réplique et démontre que Barack Obama en
avait fait au moins autant que lui. Par ailleurs, il vient d'étendre le “travel
ban” à six pays supplémentaires : la Birmanie, l'Érythrée, le Kirghizistan,
le Nigeria, le Soudan et la Tanzanie. Jusqu'à présent, l'interdiction
concernait la Corée du Nord, l'Iran, la Libye, la Somalie, la Syrie, le
Venezuela et le Yémen. Les visas sont de plus en plus restreints ; il les a
plafonnés pour les réfugiés à 18 000 pour l'année 2020, ce qui ne s'était pas
vu depuis longtemps. Il n'a pas renouvelé les outrances de la campagne de 2015,
où il appelait à un arrêt total et complet de l'immigration musulmane aux
États-Unis. Il m'avait dit : « J'ai beaucoup d'amis musulmans avec qui
je parle tout le temps et qui sont d'accord avec moi. […] Il
se passe quelque chose de très grave au niveau de l'islamisme radical et nous
devons comprendre ce dont il s'agit. Nous devons être très vigilants ; il n'y a
qu'à regarder ce qui se passe dans le monde, et tout récemment en Europe, pour
mesurer l'ampleur du problème. »
L'essentiel pour lui est sa volonté de rupture totale
avec ce qu'il appelle l'“État profond”, les bureaucraties qui règnent depuis
toujours à Washington
Est-il isolationniste ? nationaliste ?
islamophobe ? va-t-en-guerre ? réactionnaire intégral avec ses positions contre
l'avortement et pour le port d'arme ? Il est tout cela. Et puis évidemment
autre chose. L'essentiel pour lui est sa volonté de rupture totale avec ce
qu'il appelle l'“État profond”, les bureaucraties qui règnent depuis toujours à
Washington. D'où les tentatives, bien avant sa prise de fonctions, de
l'éliminer et qui ont continué de plus belle jusqu'à aujourd'hui : accusations
d'avoir fricoté avec les Russes, fait pression sur l'Ukraine, enquête présidée
par Robert Mueller, pendant deux ans, afin de le destituer (impeachment). Pour
finalement être acquitté par le Sénat. Sans faire cesser la guérilla médiatique
: en ces temps de coronavirus, de très distingués journalistes et chroniqueurs
new-yorkais parlent, du matin au soir, de « Trumpvirus ». Il
demeure évidemment, aux yeux de tous ces redresseurs de torts, responsable des
sept péchés capitaux, des dix plaies d'Égypte et de tout ce qui ne va pas dans
le monde. Quand il montre qu'il n'est pas si recroquevillé que cela et qu'il
fait éliminer le général Soleimani, véritable numéro deux du régime iranien, on
l'accuse d'imprudence ; quand il fait exécuter Abou Bakr al-Baghdadi, le
fondateur de Dae'ch, on dénonce sa légèreté : quand il arrive à faire rendre
gorge - de près de 300 milliards de dollars - aux Chinois, à l'issue de très
longs marchandages sur l'import-export, on l'accuse d'appauvrir les
agriculteurs américains ; quand il va voir Kim Jong-un à la frontière entre les
deux Corées, on dit qu'il n'a rien obtenu, alors que c'est la première fois,
depuis la guerre de 1950-1953, qu'il y a un véritable contact entre les deux
nations.
Est-il isolationniste ? Nationaliste ? Islamophobe ? Va-t-en
guerre ? Réactionnaire integral
avec ses positions contre l’avortement et pour le port d’arme ? Il est tout
cela
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Chose promise, chose due, le
mur de Trump à la frontière mexicaine a été prolongé, à la grande satisfaction
de ses partisans républicains. Photo:
Doug Mills/The New York Times/Redux-REA
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Pronostic ? On ne va pas lire
dans le marc de café. Les positions de Trump lui sont évidemment dictées par
son électorat de novembre 2016 : les oubliés et laissés-pour-compte de
l'Amérique périphérique, les évangéliques, les populistes du Tea Party, les
libertariens et autres que Hillary Clinton avait traités de « panier de
déplorables » . Mais aujourd'hui, contrairement à 2016, 95 % des
républicains approuvent son action. Quant aux démocrates, ils donnent, en ce
moment, le spectacle d'une étonnante querelle de ménage à trois : le
multimilliardaire Bloomberg, qui veut acheter l'élection et peut-être y
réussira ; le modéré Biden, empêtré dans les affaires de son fils en Ukraine ;
et enfin le “socialiste” Bernie Sanders, idole des jeunes, alternative
populiste de gauche au président actuel. Face à ceux-ci, Trump n'a pas besoin
de faire campagne, puisqu'il est candidat à sa réélection ; mais, fidèle à
lui-même, il tient un meeting de masse tous les jours, tweete plus que jamais
et continue de carburer, depuis l'enfance, à l'adrénaline du winner.
Cela suffi ra-t-il à remporter une élection ? Qui votera verra.
Titre et Texte: André
Bercoff, écrivain et éditorialiste, Valeurs Actuelles, nº 4345, du 5 au 11 mars 2020
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