Olivier Maulin
Dix ans de mensonges médiatiques sont réunis dans un
livre édifiant (et réjouissant), présenté par Jean-Yves Le Gallou.
Depuis 2010, Polémia, un cercle de pensée présidé par Jean-Yves Le
Gallou, organise la cérémonie annuelle des Bobards d'or, au cours de laquelle
des prix parodiques sont remis à des journalistes “menteurs”. L'ambiance y est
bon enfant, on se moque allègrement des stars du métier et de leurs petites (ou
grandes) entorses à la vérité.
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Pour faire coller la réalité
avec leur idéologie, certains journalistes n'hésitent pas à prendre des
libertés avec la vérité. Photo: ALAMY/ALLOVER IMAGES
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Comme tout un chacun,
un journaliste est en droit de se tromper et l'on pourrait trouver anecdotique
le fait de souligner les erreurs qu'il commet. L'Album des bobards, qui réunit aujourd'hui « dix ans
de fake news des médias », celles qui ont été primées mais
aussi celles qui étaient en lice, montre au contraire que ce travail est d'une
importance capitale pour comprendre l'arrière-plan idéologique de l'époque et
la manière dont se fabrique le consensus.
Les vrais mensonges
sont rares, entendons ceux qui ont pour but explicite de tromper l'opinion.
Bien sûr, dès qu'il y a guerre, ils surviennent : on se souvient des couveuses
du Koweït, en 1990. Peu avant l'intervention française en Libye, c'est un autre
bobard que lançait l'AFP en avril 2011 : Kadhafi distribue du Viagra à ses
soldats pour multiplier les viols ! En temps de paix, le mensonge est plus
modeste, ce qui ne le rend pas moins scandaleux : il consiste par exemple à
renommer tranquillement “Sébastien” un voyou nommé Jihad, comme le fit M6 en
2010.
La manipulation par les mots
Pour le reste, ces
fausses nouvelles montrent surtout comment les journalistes en arrivent
littéralement à halluciner pour faire coller la réalité à leur idéologie. Avant
d'être repéré et abattu par la police, alors que personne n'avait vu son
visage, Mohammed Merah était décrit par presque tous les médias comme “un homme
de type européen aux yeux bleus” ! Peu avant l'élection de Trump, Guillaume
Auda, grand reporter à iTélé, diffusait une photo de membres du Ku Klux Klan
qu'il présentait comme des partisans du candidat républicain. Avec cette
particularité que le “suprémaciste blanc”, au premier plan de la photo, avait
la main noire ! Il s'agissait en fait de militants afro-américains en campagne…
contre Trump.
On le sait, la manipulation passe surtout par les mots, et c'est le
dernier mérite de ce livre que de nous mettre en garde contre leur emploi
tendancieux. L'exemple serbe est édifiant. Dans la mosaïque de l'ex-Yougoslavie,
la citoyenneté renvoie à l'appartenance administrative, la nationalité à
l'appartenance identitaire. Généralement, c'est la nationalité qui est
mise en avant : Mladic, citoyen de Bosnie, était serbe. Mais lorsqu'en 2011 deux Bosniaques
musulmans, citoyens de la République serbe de Bosnie, tirent des coups de feu
contre l'ambassade des États-Unis à Sarajevo, c'est soudain par leur
appartenance administrative que le quotidien 20 Minutes les
présente : encore un coup des Serbes !
On ressort d'une telle
lecture l'esprit critique affûté…
“L'Album des bobards”,
présenté par Jean-Yves Le Gallou et Polémia, Via Romana, 180 pages, 24 €.
Titre et Texte: Olivier
Maulin, Valeurs Actuelles, 31-12-2019
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