Laurent Dandrieu
Un essai de Guilhem Golfin démontre comment la mondialisation, en vidant
la politique de sa substance, participe à la déshumanisation du monde.
Qu'on la révère ou qu'on l'abomine, la mondialisation est généralement
décrite comme un phénomène inéluctable, dont il n'y aurait, bon gré mal gré,
qu'à prendre son parti. À force d'avoir remplacé la politique par le
gouvernement des choses, ne finit-on pas par croire que ce sont les choses qui
nous gouvernent ? Or, ainsi que le montre Guilhem Golfin dans Babylone
et l'effacement de César, l'effacement du politique est au cœur même de la
mondialisation. Et avec lui, l'effacement de l'humain : car « la
destruction du politique […] menace en effet de faire retomber
dans une forme de barbarie nouvelle, qui n'est autre que la perte radicale du
sens de l'homme et de la vie humaine ». C'est dire s'il est vital de ne pas
s'y résigner.
Alors qu'on l'aborde généralement comme « un simple phénomène
économique et financier », Guilhem Golfin souligne qu'« elle revêt une
dimension politique dans le sens le plus intégrant du terme et, au-delà, une
dimension spirituelle. Ce qu'elle met en jeu, ce sont les mœurs, les
conceptions de la vie et de l'homme, l'organisation des sociétés. » Si
la mondialisation ne date pas d'hier, elle est entrée dans une nouvelle phase,
institutionnelle : de la nébuleuse onusienne aux diverses cours de justice
internationales, tout un réseau d'institutions se superpose désormais aux États
pour favoriser la mondialisation des échanges mais aussi du droit des gens,
édictant des règles universelles qui s'imposent à tous, sans distinction de
culture ou de religion. Cette mondialisation par essence technocratique pousse
jusqu'à l'extrême la tendance qui corrompt déjà les démocraties nationales :
considérer le gouvernement comme une simple administration des choses, au
détriment de la politique, vue comme le lieu de ce qui exclut, divise, sépare.
L'ancienne logique du bien commun, but ultime de la politique, a disparu au
profit du seul impératif d'uniformisation qui est la condition sine qua
non d'une gestion globale efficace.
Détacher l'individu de toutes ses attaches naturelles
Uniformisation économique, bien évidemment, mais aussi uniformisation des
mœurs. Visant à produire des effets globaux sur une population globale, «
l'uniformisation constitue, pour l'essentiel, une autre manière de diffuser les
mœurs occidentales sous leur forme actuelle ».
Destruction des conditions mêmes de la politique, la mondialisation est
en effet aussi négation de la loi naturelle, au profit d'un relativisme
constructiviste visant à faire de l'homme un individu aussi malléable que
possible. Patiemment détaché de ses attaches familiales, patriotiques,
culturelles et religieuses, “ déconstruites ” les unes après les autres,
l'individu atomisé, « démoralisé » dit Guilhem Golfin, en
vient à ne plus considérer que ses appétits matériels.
Pour échapper à cette déshumanisation, il faut, plaide-t-il, «
redéfinir un ordre politique » : c'est-à-dire réapprendre le politique
comme chemin d'une vie bonne. Se souvenir aussi qu'il n'est possible qu'au
service d'une communauté politique, qui ne soit pas un simple conglomérat
d'individus interchangeables mais un peuple uni par une histoire, une culture
et une communauté de destin. Et aussi, comme le dit Mathieu Bock-Côté dans sa
belle préface, « renouer avec la diversité du monde » :
c'est-à-dire rompre avec cette perversion de l'universalisme chrétien qui veut
que « la diversité humaine [soit] une parenthèse dans
l'histoire » et l'unité du genre humain notre horizon indépassable.
Fuir cet appauvrissement programmé est un vaste programme ; mais c'est pourtant
le seul qui puisse sauvegarder pour l'avenir la richesse de notre humanité.
Babylone et l'effacement de
César, la mondialisation et l'idéologie post-politique, de Guilhem Golfin, Éditions de
l'Homme nouveau, 128 pages, 12 €.
Titre et Texte: Laurent Dandrieu, Valeurs Actuelles, nº 4327, de
31-10 à 6-11-2019
Anteriores:
Nenhum comentário:
Postar um comentário
Não aceitamos/não publicamos comentários anônimos.
Se optar por "Anônimo", escreva o seu nome no final do comentário.
Não use CAIXA ALTA, (Não grite!), isto é, não escreva tudo em maiúsculas, escreva normalmente. Obrigado pela sua participação!
Volte sempre!
Abraços./-