Le directeur de La Nouvelle Librairie,
régulièrement attaquée par les “antifas”, publie un “Manuel de guérilla
culturelle” pour exhorter les intellectuels de droite au courage.
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François Bousquet, photo: Hannah Assouline/Opale Via Leemage |
Olivier Maulin
« Quiconque touche un livre […] touche l'Homme avec une
majuscule », affirmait John Cowper Powys. Par temps démocratique, on
pourrait penser que cette affirmation est superflue. Les autodafés sauvages de
livres sont derrière nous, ces hommes en uniforme alimentant les feux de livres
dont nous avons tous les sinistres images en tête. Aujourd'hui, le livre
est respecté, promu, sacré ; il est symbole de connaissance et de culture ;
s'attaquer à lui est considéré à l'unanimité comme l'acte obscurantiste par
excellence.
On étonnera donc certainement
de nombreux lecteurs en leur disant que depuis quelques mois une librairie
parisienne est régulièrement attaquée, ses vitrines brisées et ses libraires
agressés, et on les étonnera peut-être encore plus en leur précisant que ces
attaques, qui ont toutes donné lieu à des plaintes au commissariat et à des
communiqués de la part de la librairie attaquée, n'ont pas suscité une seule
ligne dans la presse. Pas un mot, pas une allusion, rien : un silence aussi
effrayant que celui des espaces infinis de Pascal.
Bien entendu, mais là on
n'étonnera plus personne, cette librairie est de droite, revendiquée comme
telle, et les agresseurs appartiennent à la mouvance “antifasciste”.
Imagine-t-on une librairie de gauche attaquée par des “fascistes” ? Le
Monde dégainerait les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire en
une, France Inter pointerait “les mots qui tuent” de Zemmour et les ministres
feraient la queue chez Bourdin pour condamner une inqualifiable agression
contre la démocratie. Voilà exactement où nous en sommes.
Un manifeste pour
cesser de respecter les règles fixées par les intellectuels de gauche
Cette librairie, c'est La
Nouvelle Librairie, créée au printemps 2018 au 11 de la rue de Médicis, en
plein Quartier latin, par une petite équipe plus ou moins liée à la revue Éléments,
avec le but affiché de réinvestir ce lieu symbolique du pouvoir intellectuel,
cinquante ans après mai 1968.
C'est dans cette optique de
Reconquista culturelle que la librairie vient de créer sa propre maison
d'édition, qu'elle inaugure avec deux titres : la Révolution
nationale de Georges Valois, maître d'œuvre du Cercle Proudhon, qui
rassembla avant 1914 militants d'Action française et anarcho-syndicalistes, et
qui fut également directeur entre 1912 et 1918 de La Nouvelle Librairie
nationale, maison d'édition de l'Action française qui avait son siège… au même
numéro 11 de la rue de Médicis.
Le deuxième titre est Courage
! , du nouveau patron des lieux, François Bousquet, un manifeste
éclatant qui enjoint les intellectuels de droite à cesser de respecter les
règles fixées par l'adversaire, lequel a décidé une fois pour toutes que leurs
idées étaient honteuses et devaient être dissimulées. « Cessons de penser qu'elles n'ont vocation
qu'à circuler sous le manteau, et pas au grand jour. De la lumière, de
l'air, de l'espace ! On ne le répétera jamais assez : il faut en finir avec les
stratégies d'invisibilité imposées par nos adversaires que nous avons
intériorisées. » Cacher ses idées, c'est avouer qu'elles sont
honteuses.
Bien entendu, affirmer des
idées “non conformes” dans certains milieux, singulièrement les milieux
culturels et intellectuels, vous expose à de lourdes sanctions, avec un risque
d'exclusion et de honte sociales, ce qui depuis quelques décennies est la
meilleure manière qu'ont trouvée « les amis du désastre » ,
ainsi que les appelle Renaud Camus, pour faire taire ceux qui ne pensent pas
correctement, c'est-à-dire comme eux. C'est cette logique que veut briser
Bousquet, qui en appelle à « la clef des vertus » , à celle
qui se dresse « au seuil de la décision inaugurale » selon les
mots de Vladimir Jankélévitch : le courage, sans quoi rien ne se fait.
Le pouvoir de rallumer l’étincelle de la vérité
Bousquet enjoint les
intellectuels de droite à s'organiser, y compris matériellement, de manière à
conquérir les conditions de leur indépendance et à participer à visage
découvert au combat culturel. Comment se fait-il que les idées de droite soient
partagées par une large majorité du peuple et qu'elles n'arrivent jamais au
pouvoir ? Les peuples sont envoûtés, répond Bousquet, et seule une avant-garde
intransigeante aura ce pouvoir de rallumer l'étincelle de la vérité, de
réveiller dans l'inconscient collectif des idées qui y sont en dépôt. La
première nécessité consiste à nommer les choses. « Si les dénominations
ne sont pas correctes […] le langage est sans objet. Quand le
langage est sans objet, l'action devient impossible […]. C'est
pourquoi la toute première tâche d'un véritable homme d'État est de
rectifier les dénominations », disait Confucius que Bousquet convoque avec
Soljenitsyne, Ezra Pound, Antonio Gramsci, André Tardieu, Christopher Lasch,
Michel Foucault, Nassim Nicholas Taleb ou Dominique Venner pour dérouler son
impeccable raisonnement.
Au-delà du “manuel de guérilla
culturelle” qu'il prétend être, cet essai est également, surtout, une réflexion
sur les enjeux culturels et le pouvoir, le vrai pouvoir, celui qui est «
production de la parole autorisée », « maîtrise du licite et de
l'illicite ». Déterminer ce que l'on a le droit de dire et ce qui est
interdit dans une société : voilà ce qui fonde la vraie sacralité d'un régime,
nous dit-il. Et c'est bien là qu'il faut agir : rendre nos idées licites et les
leurs illicites, attaquer dès qu'on le peut les « discours omnibus
» (ceux qui marquent tous les arrêts du politiquement correct), créer
enfin les conditions de l'adhésion des masses à nos idées. On ne gouverne pas
par la force, a montré Gramsci, mais par l'hégémonie culturelle. «
Avant la Terreur sanglante de 93, il y eut, de 1765 à 1780 […] ,
une terreur sèche, dont l'Encyclopédie fut le comité de salut public, et
d'Alembert le Robespierre », rappelait Augustin Cochin. Les idées qui
gagnent le combat culturel finissent par arriver au pouvoir.
Si nous voulons que les nôtres
arrivent au pouvoir et permettent à notre peuple de poursuivre son destin,
gagnons la guerre culturelle, conclut Bousquet, et commençons par obéir à ce
bon vieux Verlaine qui du fond de sa prison, accroché aux barreaux, a crié
spécialement pour nous : « Allons, debout ! allons, allons ! debout,
debout ! »
“Courage !”, de
François Bousquet, La Nouvelle Librairie Éditions, 250 pages, 12 €.
Titre et Texte: Olivier
Maulin, Valeurs Actuelles, nº 4328, du 7 au 13 novembre 2019
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