ENTRETIEN. Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre. L'occasion pour l'ancienne star de cinéma et militante dévouée de la cause animale de se livrer sur ses souvenirs d'hier et ses combats d'aujourd'hui.
Brigitte Bardot et Alain Delon à Saint-Tropez en 1968. Photo: © Jean-Pierre Bonnotte/GAMMA RAPHO |
Amaury Brelet
Valeurs actuelles. La
perspective de votre anniversaire vous effraie-t-elle ou vous indiffère-t-elle
totalement ?
Brigitte Bardot. Ça me casse les pieds parce que ça prend des
proportions [rires] ! Moi qui aime la solitude, le silence, la
tranquillité, ça n’est vraiment pas mon truc. C’est une dizaine importante,
c’est vrai. Beaucoup de gens n’arrivent pas à cet âge. J’ai de la chance. Je
m’en étonne. Mais je m’en fous, en fin de compte. Je n’ai pas l’impression
d’avoir 90 ans [rires]. Je suis beaucoup plus jeune dans ma tête et
c’est l’essentiel.
Vous arrive-t-il, avec
l’âge qui passe, d’avoir des regrets, de la nostalgie pour le temps d’avant ?
Je n’ai pas de regrets pour moi mais pour l’époque. Je regrette ce qu’on
vit actuellement et le temps que j’ai connu, les Trente Glorieuses, la France
d’avant, la liberté, la joie de vivre, l’insouciance. La liberté, surtout. On
était moins emmerdés. Désormais, la liberté a disparu, elle a fait le tour du
monde et n’est jamais revenue. Nous sommes pourtant censés être le pays de la
liberté ! C’est triste et désolant.
Le cinéma, dont vous fûtes
l’une des plus grandes célébrités, a-t-il aussi suivi cette évolution ?
Le cinéma est devenu comme le reste : triste, minable, décadent. Qui sont les
grands acteurs actuellement ? J’ai tourné avec Jean-Louis Trintignant, Marcello
Mastroianni, Samy Frey, Jean Gabin, Lino Ventura et même Jean Marais !
Ensemble, on vivait le temps d’un film, on travaillait, on apprenait à se
connaître. Jean Gabin et Lino Ventura étaient des taiseux, ils se mettaient
dans un coin quand ils avaient fini de tourner, ils ne parlaient pas. Ils
avaient le même caractère. Samy Frey et Jean-Louis Trintignant, eux, ont été
deux grands amours de ma vie. Le cinéma fut l’occasion de rencontrer certains
des hommes de ma vie et pas des moindres. Quand on filme, on vit en circuit
fermé et si des affinités profondes se présentent, ça finit par une histoire
d’amour. C’est grâce à Roger Vadim, avec qui j’ai été mariée, que j’ai
fait Et Dieu créa la femme. Tous étaient charismatiques,
contrairement aux petits acteurs sans talent d’aujourd’hui.
Alain était tout, un monument du cinéma, il incarnait la France d’avant, il avait cette puissance, ce magnétisme, cette élégance. Il était magnifique.
Que pensez-vous du
mouvement féministe #MeToo ?
C’est du cinéma, #MeToo ! C’est de la merde [rires]. Je trouve
ça scandaleux et ridicule. La chasse aux sorcières, le lynchage médiatique pour une main aux fesses vingt ou trente ans après, c’est ridicule. Moi, je n’ai jamais été victime. Je ne
suis pas une victime. Il y a tellement de choses graves et importantes dans la
vie.
Comment ne pas évoquer la
mort de votre ami Alain Delon, avec qui vous partagiez « les mêmes
valeurs, les mêmes déceptions, le même amour des animaux » …
Avec Alain, ça n’était pas du cinéma, c’était une amitié profonde. C’était
mon ami, mon alter ego, mon complice. Sa disparition m’a
bouleversée. Nous nous ressemblions beaucoup, nous avions énormément de points
communs. Je l’ai connu il y a près de soixante-dix ans, et notre relation a
grandi au fil du temps. Nous avons tourné ensemble, puis nous nous sommes revus
alors qu’il habitait avec sa femme Nathalie non loin de là où je tournais Viva
Maria. Plus tard, il a compris pourquoi je quittais le cinéma et lui-même a
eu envie de créer une fondation de protection animale, sans aller au bout.
Alain était tout, un monument du cinéma, il incarnait la France d’avant, il
avait cette puissance, ce magnétisme, cette élégance. Il était magnifique.
En 1973, vous arrêtez le
cinéma pour vous consacrer aux animaux. Et aujourd’hui, c’est votre ami
canadien, Paul Watson, fondateur de l’ONG Sea Shepherd, que vous êtes obligée
de défendre…
Ce qui lui arrive est très grave et scandaleux. Il a risqué sa vie pour
protéger les baleines des Japonais qui, comme les Norvégiens et les Islandais,
ont refusé de signer le moratoire planétaire bannissant depuis 1986 leur chasse
à des fins commerciales. Paul Watson est un héros exemplaire, animé d’un
courage et d’une passion remarquables. Il a sauvé plus de 5 000 baleines. Visé
par un mandat d’arrêt international émis par le Japon, il a été arrêté en
juillet au Groenland, où son navire accostait. Il croupit depuis en prison.
C’est une honte. Il faut tout faire pour éviter l’extradition. Le Danemark doit
le libérer. Ça me rend malade. La France a protesté mais ça ne suffit pas. La
France n’a jamais rien dit sur la pêche illégale des baleines. De toute façon,
la France et ses dirigeants n’en ont rien à foutre des animaux, j’en sais
quelque chose.
Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron sur les animaux, c’est
zéro. Des nuls.
Vous êtes décidément très
sévère avec nos hommes politiques…
Oui, très sévère. J’ai connu tous les présidents de la République depuis
plus de cinquante ans, ils m’ont fait toutes les promesses du monde et aucun ne
les a tenues.
Vous avez tout de même
admiré le général de Gaulle ?
Le général de Gaulle était un être exceptionnel, je l’ai vu une fois dans
un truc très officiel avec des milliers de personnes. J’ai connu Pompidou et
tous les autres. J’ai échangé avec Valéry Giscard d’Estaing, il était charmant
et voulait me rendre service, ce qu’il a fait en interdisant la vente et la
commercialisation en France des peaux de blanchons, les petits du phoque. Bien
des années plus tard, j’ai enfin obtenu que l’Union européenne ferme son marché
aux importations de peaux et produits dérivés du phoque et autres pinnipèdes.
Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron sur les animaux, c’est zéro.
Des nuls.
Quel vœu souhaiteriez-vous
voir exaucé pour votre anniversaire ? Une idée de cadeau ?
Comme je reçois de nombreux gentils hommages du monde entier pour mes 90
ans, y compris de politiques étrangers, j’ai rêvé que le gouvernement français
me fasse la surprise d’interdire l’hippophagie, donc l’abattage de chevaux pour
la viande et le reste. Eh bien, rien du tout ! C’est une bataille que je mène
de toutes mes forces depuis cinquante ans, bien avant les phoques, et que je
n’ai jamais gagnée. Cette pratique est marginale mais dégueulasse, c’est comme
manger du chien. Le cheval a toujours été indispensable à l’homme, pour tirer
les fiacres, les canons, faire la guerre, les foins, le labourage, etc. Si
l’homme n’avait pas eu le cheval, il ne serait pas ce qu’il est devenu. Alors
les tuer pour les manger, c’est scandaleux.
J’ai de l’espoir en pas grand monde. Si, Philippe de Villiers. Je
l’aime beaucoup.
En parlant du gouvernement,
que pensez-vous du nouveau Premier ministre, Michel Barnier ? L’avez-vous déjà
rencontré ?
Oui, une fois, quand il était ministre de l’Environnement. J’en garde un
souvenir spécial. Il ne m’a pas fait grande impression. Quand je l’ai vu, je
lui ai dit : « Vous devez abolir la loi Verdeille. » Elle
permettait aux chasseurs de rentrer dans n’importe quelle propriété privée pour
continuer à chasser et abattre leurs proies. Il m’a répondu : «
Brigitte, je viens d’entrer au gouvernement et vous voudriez que je me suicide
? »
Vous n’avez donc pas
beaucoup d’espoir en lui ?
J’ai de l’espoir en pas grand monde. Si, Philippe de Villiers. Je l’aime
beaucoup. Malheureusement, il ne fait plus de politique, je crois qu’il en est
dégoûté à jamais. Mais c’est un homme d’une sagesse et d’une qualité
formidables. La seule personne, à mon avis, qui pourrait sauver la France,
c’est lui.
Et Marine Le Pen, que vous
soutenez depuis des années ?
Peut-être. Mais elle manque d’une envergure totale. Il faut une dimension.
Bardella, il est très bien aussi mais c’est pas lui qui va sauver la France. Il
n’y a personne chez les politiques. C’est décourageant. C’est le désert de
Gobi. C’est dramatique. Il y aurait Philippe de Villiers en premier, les
autres, je ne sais pas.
Avant Marine Le Pen, il y
avait son père…
J’ai connu Jean-Marie il y a longtemps, il était copain avec Bernard [d’Ormale,
son mari, NDLR]. Il aurait été un excellent Premier ministre parce que tout
ce qu’il a dit arrive. Il avait raison avant tout le monde. On s’est tellement
embourbés dans la médiocrité, dans un cloaque néfaste, qu’il est très difficile
de se débarrasser de cette boue collante et destructrice, de s’en sortir.
L’actualité politique est désespérante. Malheureusement, je me dis que
peut-être je ne verrai pas une reprise heureuse. Avant que la France redevienne
la France, il faudra du temps. On peut facilement se dégrader mais difficilement
se remonter.
Il faut simplement avoir le courage de ses opinions et de la
détermination pour affronter tous ces bien-pensants qui pensent mal.
Vous êtes “une femme de
droite” et vous l’assumez malgré tout ceux qui, dans les médias, critiquent vos
idées et votre franc-parler depuis des années…
Delon était pareil. Je suis une femme de droite et je me fous de ce qu’ils
pensent [rires]. Leur opinion, je m’en tamponne le coquillard
! Comme Alain. Il faut simplement avoir le courage de ses opinions et de la
détermination pour affronter tous ces bien-pensants qui pensent mal.
Justement, qu’avez-vous
pensé des moqueries antichrétiennes lors de la cérémonie d’ouverture des jeux
Olympiques de Paris cet été ?
Ces attaques ont été faites par des sans-culottes haineux, descendants de
Robespierre- Mélenchon, de Gracchus Babeuf et des tricoteuses jacobines. Pouah
! Ah ! Ça ira, ça ira !
Au-delà des célébrités, des
millions d’inconnus ont aussi compté dans votre vie : les fans qui vous
admirent…
J’ai horreur de ce mot. Moi, je les appelle mes amis. Ma relation avec eux
est formidable. Grâce à eux, je me sens aimée et soutenue. Cela me fait chaud
au cœur. J’ai en moi la volonté de poursuivre le combat mais eux me donnent du
courage. Il y a tellement d’animaux à sauver, partout, tout le temps. Je reçois
toujours énormément de courriers fantastiques, émouvants, adorables, et qui
proviennent du monde entier, des petites lettres de Chine, du Japon, de pays au
nom imprononçable. C’est merveilleux.
Depuis la disparition
d’Alain Delon, vous êtes la dernière icône vivante du cinéma français…
Il paraît, oui.
Et qu’est-ce que cela vous
fait ?
Rien [silence].
Cela ne vous fait pas peur
?
Non. Pourquoi ça me ferait peur ? Il vaut mieux être la dernière que la
première.
Que l’on soulage les souffrances, oui, mais qu’on les abrège
définitivement, non. Donner la mort, c’est affreux.
Ne craignez-vous pas de
finir, par exemple, au Panthéon, ou que certains le réclament ?
Ne dites pas de conneries [rires] ! Ah non, certainement
pas ! Moi, je suis avec mes chèvres et mes chiens. Je ne veux surtout pas de
cérémonie officielle. Hou la la, non, surtout pas ! Comme Alain. Pareil.
Plus sérieusement, la
maladie et la mort angoissent-elles la catholique pratiquante que vous êtes ?
Je n’aime pas en parler. Je préfère parler de choses positives. Dès que ça
dérive un peu dans le négatif… Je suis très sensible à ça, je ne tiens pas à me
rendre malade ou à me faire de la peine, alors je n’en parle pas.
Dans le monde comme en
France, des animaux sont euthanasiés à tour de bras. Concernant les hommes, un
projet de loi sur “l’aide à mourir”, suspendu par la dissolution, pourrait
revenir à l’Assemblée. Cela vous inquiète-t-il ?
C’était la seule chose de bien dans la dissolution, qu’on ne parle plus de
ce truc-là. C’est épouvantable. Je suis contre. Quelle horreur. Que l’on
soulage les souffrances, oui, mais qu’on les abrège définitivement, non. Donner
la mort, c’est affreux. J’ai eu des animaux qui ont tellement souffert qu’on a
été obligé de les faire euthanasier. Je porte depuis ce poids douloureux sur
mon cœur, c’est cauchemardesque. Donner la mort, c’est épouvantable.
Épouvantable pour les animaux et pour les hommes, dans tous les cas.
Amaury Brelet, Valeurs Actuelles, le 25 septembre 2024 à 11h18
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