Claire Gatinois
Pour l’occasion, il a troqué son costume d’avocat
pour un jean et un tee-shirt où l’on peut lire, en grosses lettres
rouges : « Fora Dilma » (« Dehors Dilma »).
Dimanche 16 août, à Sao Paulo, Francisco Godoy, la trentaine, a même
sacrifié la traditionnelle feijoada familiale pour arriver à l’heure aux manifestations contre la présidente de gauche, Dilma Rousseff. Le jeune
avocat n’a raté aucune des manifestations contre le gouvernement du Parti des
travailleurs (PT, socialiste).
Le 15 mars et le 12 avril, il avait déjà
manifesté sur l’avenue Paulista. Ce dimanche, il reste près du stand
d’Endireita Brasil : un mouvement pour « améliorer le climat des
affaires et la vie des Brésiliens, explique-t-il. Un mouvement contre la
corruption et les corporatismes ».
Après douze années de présidence PT, sous Luiz
Inacio Lula da Silva puis Dilma Rousseff, Francisco est las et s’indigne des
multiples affaires de corruption qui secouent le monde politique (parmi
lesquels le scandale Petrobras). Il veut plus de liberté et moins d’Etat. Le
seul homme politique à trouver grâce à ses yeux, « le moins pire »,
est Aécio Neves, l’opposant de Dilma Rousseff, du Parti social-démocrate
brésilien (PSDB, centre droit), qui a appelé ses militants à se joindre aux
cortèges.
Pour comprendre les raisons de cette
mobilisation : Comprendre le scandale Petrobras qui secoue le Brésil
La « magie Lula » semble s’éteindre
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Des centaines de milliers de
Brésiliens ont manifesté pour dénoncer les scandales politiques et la
corruption, et demander le départ de leur présidente. Photo: Paulo
Whitaker/Reuters
|
Les centaines de milliers de Brésiliens qui ont
défilé ce dimanche dans plus d’une centaine de villes du pays – entre
900 000 personnes et deux millions, selon les sources – partagent ce
sentiment de colère et de rancœur envers la gauche. Mais à Sao Paulo, ville
riche, l’exaspération est sans doute plus visible qu’ailleurs. Lors d’un
programme du PT retransmis à la télévision, le 6 août, les résidents, de
quartiers aisés le plus souvent, ont tapé sur des casseroles. Dimanche, les
mêmes sont descendus dans la rue. « Lula nunca mais », (« Lula,
plus jamais »), pouvait-on lire sur les banderoles. « Le PT veut
transformer le Brésil en un pays communiste ! », s’insurge un
retraité de la construction civile.
« Je manifeste parce que je suis brésilienne
et que j’aime mon pays. Quand on aime son pays, on veut le soigner et ôter le
mal qui le ronge »,
explique Maria Alice, élégante sexagénaire professeure d’université. Priscila
Aparecida, une jeune métisse esthéticienne, lassée elle aussi de la corruption,
fait mentir l’idée que ces manifestations anti-PT seraient le seul fait de la
bourgeoisie et des « yeux bleus ». Reste qu’on a croisé peu de
Priscila dimanche.
Francisco aimerait « pouvoir se balader dans la rue avec sa montre sans
risquer de se faire agresser »
Les ancien électeurs du PT aussi sont
désenchantés. La « magie Lula » semble s’éteindre. En témoigne la
cote de popularité catastrophique de la présidente (8 % d’opinions
favorables). L’ex-syndicaliste avait sorti de la pauvreté des millions de
Brésiliens, et les mêmes observent aujourd’hui avec effroi Dilma Rousseff, sa
protégée, se noyer dans la crise économique. Fragilisée, la voilà qui mène une
politique de rigueur et renonce à ses promesses. Les factures d’électricité
augmentent, l’inflation s’envole, le chômage grimpe. Mais la colère gronde –
pour le moment – dans le camp conservateur.
« Lors des grandes manifestations de
juin 2013, les mouvements de jeunes progressistes et de gauche
prédominaient. Aujourd’hui, ceux qui mènent les manifestations sont davantage
issus de la classe moyenne et portent des messages contre la corruption, le
socialisme, et exigent le départ de Dilma et la fin du PT. Il s’agit avant tout
de Blancs avec une présence rare d’ouvriers », analyse Caio Navarro de Toledo, professeur de
sciences politiques à l’université de Campinas, de l’Etat de Sao Paulo.
Pour Daniel Pereira Andrade, professeur de
sociologie à la Fondation Getulio Vargas, à Sao Paulo, la petite bourgeoisie
brésilienne a des raisons de protester. Sous le gouvernement PT, les
« travailleurs misérables », petits ouvriers, femmes de ménage… sont
devenus moins bon marché et plus exigeants. « Ils ont acquis des droits
et un statut quand la classe plus aisée a perdu en pouvoir d’achat et en
pouvoir tout court », dit-il.
Depuis l’avenue Paulista, Francisco a une lecture
différente des choses. « Avant, les riches se préoccupaient des
pauvres, il existait une forme de paternalisme. Le PT a rompu cette harmonie,
pense-t-il. Avec Lula, les plus pauvres ont pu consommer, acheter des
choses, mais à crédit. Cette richesse était artificielle. Ils se sont endettés,
et maintenant qu’il n’y a plus d’argent, ils sont envieux. » Parfois
violents. Or Francisco aimerait « pouvoir se balader dans la rue avec
sa montre sans risquer de se faire agresser ».
![]() |
Belo Horizonte, foto: Douglas Magno/AFP |
Excédés, ils étaient nombreux, dimanche, à plaider
pour l’impeachment – la destitution de la présidente. Mais les milieux
d’affaires ne veulent pas ajouter à la crise économique une crise politique.
Quant aux opposants politiques de Mme Rousseff, « ils
préfèrent “saigner” le gouvernement jusqu’à la fin », analyse Caio
Navarro de Toledo.
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