segunda-feira, 17 de agosto de 2015

Au Brésil, la présidente Dilma Rousseff fortement contestée dans la rue

Claire Gatinois
Pour l’occasion, il a troqué son costume d’avocat pour un jean et un tee-shirt où l’on peut lire, en grosses lettres rouges : « Fora Dilma » (« Dehors Dilma »). Dimanche 16 août, à Sao Paulo, Francisco Godoy, la trentaine, a même sacrifié la traditionnelle feijoada familiale pour arriver à l’heure aux manifestations contre la présidente de gauche, Dilma Rousseff. Le jeune avocat n’a raté aucune des manifestations contre le gouvernement du Parti des travailleurs (PT, socialiste).

Le 15 mars et le 12 avril, il avait déjà manifesté sur l’avenue Paulista. Ce dimanche, il reste près du stand d’Endireita Brasil : un mouvement pour « améliorer le climat des affaires et la vie des Brésiliens, explique-t-il. Un mouvement contre la corruption et les corporatismes ».

Après douze années de présidence PT, sous Luiz Inacio Lula da Silva puis Dilma Rousseff, Francisco est las et s’indigne des multiples affaires de corruption qui secouent le monde politique (parmi lesquels le scandale Petrobras). Il veut plus de liberté et moins d’Etat. Le seul homme politique à trouver grâce à ses yeux, « le moins pire », est Aécio Neves, l’opposant de Dilma Rousseff, du Parti social-démocrate brésilien (PSDB, centre droit), qui a appelé ses militants à se joindre aux cortèges.

Pour comprendre les raisons de cette mobilisation : Comprendre le scandale Petrobras qui secoue le Brésil

La « magie Lula » semble s’éteindre

Des centaines de milliers de Brésiliens ont manifesté pour dénoncer les scandales politiques et la corruption, et demander le départ de leur présidente. Photo: Paulo Whitaker/Reuters
Les centaines de milliers de Brésiliens qui ont défilé ce dimanche dans plus d’une centaine de villes du pays – entre 900 000 personnes et deux millions, selon les sources – partagent ce sentiment de colère et de rancœur envers la gauche. Mais à Sao Paulo, ville riche, l’exaspération est sans doute plus visible qu’ailleurs. Lors d’un programme du PT retransmis à la télévision, le 6 août, les résidents, de quartiers aisés le plus souvent, ont tapé sur des casseroles. Dimanche, les mêmes sont descendus dans la rue. « Lula nunca mais », (« Lula, plus jamais »), pouvait-on lire sur les banderoles. « Le PT veut transformer le Brésil en un pays communiste ! », s’insurge un retraité de la construction civile.

« Je manifeste parce que je suis brésilienne et que j’aime mon pays. Quand on aime son pays, on veut le soigner et ôter le mal qui le ronge », explique Maria Alice, élégante sexagénaire professeure d’université. Priscila Aparecida, une jeune métisse esthéticienne, lassée elle aussi de la corruption, fait mentir l’idée que ces manifestations anti-PT seraient le seul fait de la bourgeoisie et des « yeux bleus ». Reste qu’on a croisé peu de Priscila dimanche.

Francisco aimerait « pouvoir se balader dans la rue avec sa montre sans risquer de se faire agresser »

Les ancien électeurs du PT aussi sont désenchantés. La « magie Lula » semble s’éteindre. En témoigne la cote de popularité catastrophique de la présidente (8 % d’opinions favorables). L’ex-syndicaliste avait sorti de la pauvreté des millions de Brésiliens, et les mêmes observent aujourd’hui avec effroi Dilma Rousseff, sa protégée, se noyer dans la crise économique. Fragilisée, la voilà qui mène une politique de rigueur et renonce à ses promesses. Les factures d’électricité augmentent, l’inflation s’envole, le chômage grimpe. Mais la colère gronde – pour le moment – dans le camp conservateur.

« Lors des grandes manifestations de juin 2013, les mouvements de jeunes progressistes et de gauche prédominaient. Aujourd’hui, ceux qui mènent les manifestations sont davantage issus de la classe moyenne et portent des messages contre la corruption, le socialisme, et exigent le départ de Dilma et la fin du PT. Il s’agit avant tout de Blancs avec une présence rare d’ouvriers », analyse Caio Navarro de Toledo, professeur de sciences politiques à l’université de Campinas, de l’Etat de Sao Paulo.

Pour Daniel Pereira Andrade, professeur de sociologie à la Fondation Getulio Vargas, à Sao Paulo, la petite bourgeoisie brésilienne a des raisons de protester. Sous le gouvernement PT, les « travailleurs misérables », petits ouvriers, femmes de ménage… sont devenus moins bon marché et plus exigeants. « Ils ont acquis des droits et un statut quand la classe plus aisée a perdu en pouvoir d’achat et en pouvoir tout court », dit-il.

Depuis l’avenue Paulista, Francisco a une lecture différente des choses. « Avant, les riches se préoccupaient des pauvres, il existait une forme de paternalisme. Le PT a rompu cette harmonie, pense-t-il. Avec Lula, les plus pauvres ont pu consommer, acheter des choses, mais à crédit. Cette richesse était artificielle. Ils se sont endettés, et maintenant qu’il n’y a plus d’argent, ils sont envieux. » Parfois violents. Or Francisco aimerait « pouvoir se balader dans la rue avec sa montre sans risquer de se faire agresser ».

Belo Horizonte, foto: Douglas Magno/AFP
Excédés, ils étaient nombreux, dimanche, à plaider pour l’impeachment – la destitution de la présidente. Mais les milieux d’affaires ne veulent pas ajouter à la crise économique une crise politique. Quant aux opposants politiques de Mme Rousseff, « ils préfèrent “saigner” le gouvernement jusqu’à la fin », analyse Caio Navarro de Toledo. 
Titre et Texte: Claire Gatinois, correspondante à São Paulo, Le Monde, 17-8-2015 

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