segunda-feira, 26 de setembro de 2022

[L’édito de Valérie Toranian] Voile : révolution en Iran, soumission en France

Valérie Toranian


La révolution islamique brûle-t-elle ? Partout en Irandes femmes manifestent, dansent, protestent, se filment entrain de brûler leurs foulards pour demander la fin du régime islamique qui les prive de liberté depuis plus de quarante ans. Masha Amini, 22 ans, morte dans les locaux de la police des mœurs le 16 septembre pour tenue vestimentaire non appropriée, est devenue le symbole du combat des Iraniennes. Puis Hadis Najafi, 20 ans, tuée lors des manifestations. Combien d’autres encore qui seront mortes pour quelques mèches de cheveux apparentes ou des ongles de pieds vernis… Il n’en faut pas plus à la police des mœurs islamiques dont les rondes brutales et obscurantistes ont repris de plus belle depuis l’arrivée au pouvoir de l’ultra-conservateur Ebrahim Raïssi. « Masha Amini, c’est le miroir de toutes les femmes iraniennes qui étouffent en silence dans le cercueil à ciel ouvert que nous a creusé le pouvoir », explique une étudiante de Téhéran.

Désormais, les femmes et les hommes sont des dizaines de milliers dans les rues, les manifestations sont devenues un immense cri de protestation contre le régime des mollahs. Tous risquent leur vie. On parle de centaines d’arrestations et d’au moins une cinquantaine de morts. Les chiffres réels doivent être bien supérieurs. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles sur la foule.

« Dans l’Iran des mollahs, l’âge du mariage est passé de 18 à 9 ans, la parole des femmes compte deux fois moins que celle d’un homme au regard de la loi islamique, on surveille la longueur de leurs manteaux. Mais le voile, littéralement sacralisé, est resté l’obsession du régime. »

La première mesure symbolique de la révolution islamique avait été la prise de contrôle sur le corps des femmes par l’obligation du port du hijab. Une révolution se met toujours en scène. La France avait ses sans-culottes et ses guillotines, l’Iran islamiste organisait des rassemblements fascisants montrant des armées de femmes corbeaux déclamant leur soumission. Le totalitarisme islamique, partout où il sévit, a fait des femmes sa cible privilégiée. Dans l’Iran des mollahs, l’âge du mariage est passé de 18 à 9 ans, la parole des femmes compte deux fois moins que celle d’un homme au regard de la loi islamique, on surveille la longueur de leurs manteaux. Mais le voile, littéralement sacralisé, est resté l’obsession du régime.

La contestation monte en Iran depuis des années, pour exiger des réformes. Mais c’est sur le symbole le plus sensible du régime, le foulard, que s’est cristallisée la révolte des femmes. Sur les réseaux sociaux, on les voit depuis deux ans s’afficher tête nue lors des #whiteWednesdays. Le voile n’était pas un détail de la révolution islamique, une loi de plus dans un bazar législatif répressif. C’était le fondement même de sa nature. Signifier aux femmes leur impureté ontologique, leur statut de sous-citoyenne, leur inégalité fondamentale avec l’homme. Et désigner comme haïssable toute la culture émancipatrice venue de l’Occident, ce Satan dégénéré.

« Haïr l’Occident, ce Satan dégénéré, prédateur et néo-colonialiste, dont l’universalisme n’est qu’un racisme camouflé, c’est également l’obsession de la gauche woke, antiraciste, décoloniale, intersectionnelle. »

Haïr l’Occident, ce Satan dégénéré, prédateur et néo-colonialiste, dont l’universalisme n’est qu’un racisme camouflé, c’est également l’obsession de la gauche woke, antiraciste, décoloniale, intersectionnelle. On cherchera vainement le soutien des néoféministes aux femmes iraniennes qui brûlent leur foulard, symbole d’oppression. Non, on reste vague, on parle de « sororité », sans donner de détails et surtout sans mentionner le voile. Dans Libération, qui consacre sa Une aux manifestations en Iran, une page entière décrypte le slogan du mouvement : Femme, vie, liberté. Pas un mot sur le foulard. Les évitements et le déni du réel sont fascinants. Il est vrai que le quotidien, qui a une ligne politique plus que woke, ne cesse de faire l’éloge de la liberté des femmes voilées. Il n’est pas le seul. La domination idéologique du courant woke dans l’université, les médias, l’Éducation nationale, et auprès des jeunes n’est plus contestable. Le foulard est un embellissement (Sandrine Rousseau) ou un accessoire religieux librement consenti et donc incritiquable.

« Tout le monde est libre, et tout se vaut » est le nouveau mantra post-moderne des idiots utiles de l’islamisme. L’asservissement est un choix comme un autre. Décider de se voiler et affirmer ainsi sa soumission à un dogme qui fait de vous un être impur et inférieur à l’homme, est un choix. Le voilement des femmes, étendard de l’islam politique, affirmation identitaire et communautariste, est respecté, voire célébré. On se targue d’être ouvert à l’autre et de l’accepter tel qu’il est. Si vous osez critiquer ce choix au nom des droits des femmes et de leur dignité, vous êtes un réactionnaire, un néo-colonialiste, et surtout un islamophobe. Alors qu’en fait, les islamo-gauchistes manifestent ainsi un positionnement élitiste, bourgeois et condescendant : ils se réservent les acquis du féminisme et laissent les femmes issues d’autres groupes ethniques ou religieux se débrouiller avec leurs mœurs et leurs particularismes… Du vrai racisme de classe, et c’est la Nupes qui en fait la promotion.

« Pendant que les femmes iraniennes brûlent leur foulard, les réseaux des Frères musulmans en France lancent une offensive pour l’imposer à l’école en contournant la loi sur les signes religieux de 2004. »

Les femmes iraniennes qui brûlent leur voile sont-elles islamophobes ? Il n’y a pas de différence de nature entre le voile des Iraniennes, symbole de leur oppression, et le voile revendiqué par les militantes islamistes françaises parce que symbole de leur identité anti-occidentale. C’est le même. Un symbole qui dit que la femme est un être impur, tentateur et inférieur. Sauf qu’en France, la loi de la République protège les femmes musulmanes contre tous les excès du fondamentalisme et garantit leur liberté et leur égalité.

Pendant que les femmes iraniennes brûlent leur foulard, les réseaux des Frères musulmans en France lancent une offensive pour l’imposer à l’école en contournant la loi sur les signes religieux de 2004. Une note du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), datée du 27 août et révélée par L’Express, évoque une offensive menée principalement sur Twitter et Tiktok, visant à déstabiliser l’institution scolaire. Les stratégies sont diverses : se présenter en cours avec le foulard, refuser de l’enlever, créer des incidents relayés sur les réseaux sociaux ; demander des aménagements pour les heures de prière ; porter des burkinis lors des séances de piscine ; dénoncer les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les directeurs d’établissement ; poster sur les réseaux sociaux les photos de celles qui enlèvent leur foulard dans l’enceinte de l’école pour exercer sur elles une pression. La note cite un communiqué de personnels du lycée Charlemagne, dans le IVe arrondissement de Paris : « Les élèves doivent pouvoir venir dans les tenues qui leur conviennent : trop couverts ou pas assez, c’est à elles et eux de décider ! » Les personnels de l’Éducation nationale sont-ils terrorisés à l’idée de finir comme Samuel Paty, égorgé par un islamiste, dont on célèbre, dans quelques jours, le deuxième anniversaire de la mort ?

« Quand l’islamisme n’est pas freiné, il devient de plus en plus difficile aux femmes musulmanes de s’y opposer. Ceux qui prétendent protéger leur liberté ont le devoir républicain de s’opposer à l’islam politique, aux Frères musulmans et aux salafistes. La bataille n’a pas lieu qu’en Iran. »

On pourrait les comprendre. Mais ne nous y trompons pas. Tous ces signaux attestent de la progression des Frères musulmans et de leurs réseaux. Leur obsession passe par l’école et le voilement des filles. Comme le rappelait une musulmane signataire d’une tribune contre le voile en 2019 : « Ils me font rire doucement, ces journalistes et hommes bien-pensants qui vivent dans les beaux quartiers et prônent la liberté. Quand vous êtes une femme, que vous vivez dans les quartiers et que huit femmes sur dix portent [le voile], je peux vous dire que la liberté de choix est toute relative. Si vous ne le portez pas, vous êtes mise au ban. »

Quand l’islamisme n’est pas freiné, il devient de plus en plus difficile aux femmes musulmanes de s’y opposer. Ceux qui prétendent protéger leur liberté ont le devoir républicain de s’opposer à l’islam politique, aux Frères musulmans et aux salafistes. La bataille n’a pas lieu qu’en Iran.

Titre et Texte: Valérie Toranian, Directrice de la Revue des Deux Mondes, 26 septembre 2022

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