Valérie Toranian
Le voyage de Macron à Alger, la taxation des superprofits, la crise de l’énergie, la guerre en Ukraine ? Au diable les sujets frivoles. Penchons-nous sur les sujets de fond qui passionnent l’humanité depuis la plus haute Antiquité : le sexe, la viande rôtie, et l’art d’accommoder les deux.
Les propos de Sandrine Rousseau, députée d’Europe Écologie
Les Verts (EELV) de Paris, dimanche à Grenoble lors d’une table ronde, ont
enflammé la toile : « Il faut changer aussi de mentalité pour que manger une
entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité. »
Immédiatement la classe
politique aussi chauffée qu’un alignement de merguez sur le gril a ouvert le
feu. À droite, on vitupère contre une énième atteinte aux droits
des hommes à jouir du barbecue en paix et à faire profiter toute leur petite
famille des joies de la grillade. À gauche,
on critique une vision socio-culturelle genrée de la nourriture en s’appuyant
sur des données qui sont exactes : statistiquement, le « viandard » est un
homme. À noter : Fabien Roussel, qui avait défini, dans un fameux tweet électoral, la gastronomie française
comme « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage » n’a pas renchéri. Depuis
que le communisme s’est dissous dans la Nupes, la viande rouge n’est plus en
odeur de sainteté ?
Mais le vrai débat n’est pas
là. La phrase de Sandrine Rousseau est beaucoup plus ambiguë qu’il n’y paraît.
Si manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne doit plus être un symbole de
virilité, cela signifie-t-il que manger une entrecôte doit devenir un symbole
mixte ? Qu’il faut « viriliser » l’assiette des femmes ? Que la vraie égalité
sera réalisée lorsque les femmes avaleront autant de côtelettes grillées que
les hommes ? Voilà une approche universaliste dont on suspecte qu’elle n’est
pas la tasse de thé de Sandrine Rousseau.
« Pour les néo-féministes, la viande est le symbole obsolète d’une virilité patriarcale occidentale hétérocentrée. Il faut donc la supprimer à ce titre. »
Non, la viande est le symbole
obsolète d’une virilité patriarcale occidentale hétérocentrée. Il faut donc la
supprimer à ce titre. La viande obsède depuis longtemps le néo-féminisme.
Une thèse largement reprise par les médias avait même asséné il y a quelques
années que si les femmes étaient plus petites que les hommes, c’était parce
qu’elles avaient été privées de protéines (viande) et réduites à manger des
féculents et des bouillies qui les rendaient petites et grosses, par des hommes
qui se gardaient le gibier. Une théorie battue en brèche par les anthropologues et
les spécialistes sérieux de l’évolution mais qui a fait florès notamment
parce qu’elle était défendue par une disciple de Françoise Héritier et qu’elle
correspondait à la radicalisation féministe dans l’air du temps.
Mais pourquoi Sandrine
Rousseau ne dit-elle pas tout simplement que la viande rouge est cancérigène
(lorsqu’elle est carbonisée notamment) tout comme la charcuterie et pourquoi ne
pas prôner une alimentation plus saine pour les deux sexes ? Parce que cela induirait
qu’il y a deux sexes biologiques et la postmodernité progressiste nous a ouvert
les yeux sur ce principe rétrograde.
D’ailleurs, on s’étonne même
que la députée EELV évoque la virilité comme si elle était tout d’un bloc. Les
hommes à vulve (hommes trans) aiment le quinoa. Et les femmes à pénis (femmes
trans) ont bien le droit de savourer des chipolatas. Assigner la saucisse à un
sexe, voire même à un genre, quelle hérésie !
Heureusement le Planning
familial veille contre les forces obscurantistes. Son affiche pour proclamer
que « les hommes enceints sont les bienvenus » remet les pendules à l’heure…
d’Ubu roi.
« Fer de lance du
féminisme lors de sa création, le Planning familial est devenu le chantre du
respect des pratiques culturelles qui sont à l’opposé des droits des
femmes. »
Le Planning familial poursuit
la dérive entamée il y a quelques années avec la fin de la promotion de
l’émancipation des femmes et sa conversion au relativisme culturel. Fer de
lance du féminisme lors de sa création, il est devenu le chantre du respect des
pratiques culturelles qui sont à l’opposé des droits des femmes. Les mariages
forcés, les excisions, l’obligation de virginité pour les filles, l’homophobie
dans les quartiers : tout cela ne le concerne plus vraiment. Lutter contre la
transphobie est devenu son nouvel axe de combat et de communication. Rappelons
qu’il bénéficie d’une subvention publique de 270 000 € par an. Doit-on accepter
que ce budget, conçu à l’origine pour assurer le droit à l’IVG pour toutes celles qui le souhaitent,
serve à la promotion d’un combat idéologique ? Ce combat se mène notamment
contre les lesbiennes qui osent clamer haut et fort qu’elles sont des femmes,
que le sexe féminin existe, que l’homme enceint n’existe pas et qui veulent
pouvoir refuser de coucher avec des personnes à pénis se proclamant lesbiennes
sans qu’on les traite de fascistes…
Albert
Camus disait que mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du
monde. De nos jours, bien nommer les choses peut vous faire mettre à l’index
(il est interdit de dire qu’un homme enceint n’existe pas) et peut même vous
conduire en prison. En Norvège, Christine Ellingson, militante féministe,
risque trois ans d’emprisonnement. Son tort ? S’être opposée sur Twitter à
Christine Marie Jentoft, militante trans (biologiquement homme) qui se définit
comme femme lesbienne et qui est même porte-parole d’une association lesbienne.
Christine Ellingson a twitté qu’elle ne comprenait pas cette étrange idée qu’un
homme puisse être une femme lesbienne. Et encore moins qu’une association
lesbienne choisisse comme porte-parole un homme biologique. Plainte a été
déposée contre elle. La loi norvégienne a en effet introduit en 2021 la notion
d’identité de genre dans la définition des crimes haineux donnant droit à des
poursuites. Désormais, dire que seules les femmes accouchent ou qu’il existe
des sexes biologiques peut être considéré comme propos transphobes, donc
haineux.
Bien nommer les choses, c’est
forger son propre malheur. La négation du réel a gagné. On tord la réalité au
nom de la morale et du bien. On nie l’existence du sexe biologique, expression
même du « fascisme » pour les néo-féministes intersectionnels et décoloniaux.
Dire que ce sont les mêmes qui sont obsédés par les races et qui
scrutent le degré de mélanine de chaque être humain pour déterminer s’il est un
dominé racisé ou un dominant blanc…
Titre et Texte: Valérie Toranian,
Directrice de la Revue des Deux Mondes, lundi, 29-8-2022
Photo : Affiche de publicité du Planning familial, créée par @Laurier_the_Fox
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