Peu de temps après le début de l'offensive
russe en Ukraine, de nombreuses manifestations ont éclaté à travers la Russie,
malgré les menaces des autorités
La police bloque la Place Rouge avant une manifestation non autorisée contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie, dans le centre de Moscou, le 24 février 2022 |
avec Viatcheslav Avioutskii
Atlantico : Lorsque la Russie annexe
la Crimée en mars 2014, des manifestations de joie ont éclaté dans de
nombreuses villes russes. Environ 90 % des citoyens appuyaient la décision de
Poutine qui permet de corriger « l’erreur » de Nikita Khrouchtchev en 1954, à
savoir le « don » de la Crimée à l’Ukraine. Comme pour la Crimée, la population
russe est-elle majoritairement satisfaite de la décision de Poutine ?
Viatcheslav Avioutskii : En 2014,
la population soutenait effectivement l’annexion de la Crimée. On appelait ça,
à l’époque « le printemps russe ». C’était une dynamique très importante de la
politique intérieure russe qui a boosté la popularité de Vladimir Poutine et
ce, pendant plusieurs années. Les Russes étaient prêts à souffrir des sanctions
au nom de ce choix. Parmi les partis politiques, seul le parti libéral
(Iabloko) a pris ses distances à l’époque. Ils sont aujourd’hui toujours contre
la guerre en Ukraine et l’annexion de la Crimée, et ils représentent 5 à 10 %
de l’électorat russe. Néanmoins, le soutien de la population russe, avant le
début de la guerre mais après la reconnaissance des deux républiques, était
bien plus divisé. Selon un sondage de CNN, 50%
soutenaient Poutine, 25% étaient contre et les autres ne se prononçaient pas.
En revanche, 60% de la population avait confiance en Poutine et 30% étaient
contre. On parle de plus en plus d’une société divisée.
Depuis le début de l’invasion de
l’Ukraine par la Russie, jeudi 24 février, plusieurs milliers de personnes sont
descendues dans les rues en Russie pour protester contre la guerre. Plus de 1
700 personnes ont été arrêtées, selon le site indépendant OVD-News. Ces
contestations sont-elles représentatives de l’opinion du pays ?
On a parlé d’environ 25 000 personnes qui se sont mobilisées dans 24 villes différentes de Russie. Les arrestations ont notamment eu lieu à Moscou et Saint-Pétersbourg. Ce qu’il faut savoir c’est qu’après janvier 2021, le retour de Navalny et le verrouillage de la situation politique, les gens ont peur. Donc même ceux qui s’opposent à la politique de Poutine ont peur. La Russie compte 144 millions d’habitants, donc est-ce que ce mouvement pacifiste est représentatif de la population ? Il est difficile de le dire. Il n’y a pas encore eu de sondage. Souvent, en situation de guerre, la population se mobilise autour du leader. On peut imaginer une forme de soutien au leader, au moins dans un premier temps, car les sanctions qui sont annoncées n’ont pas d’effet immédiatement. Peut être que dans quelques semaines ou mois, il y aura un changement d’opinion. Néanmoins, à mon sens, l’opinion publique russe n’est pas prête à un conflit militaire de grande envergure. Dans les années 1980, quand le pays était embourbé en Afghanistan, cela avait été très mal vécu. Il y avait eu un mouvement pacifiste, etc. Idem pour les deux guerres de Tchétchénie.
La population russe reçoit
actuellement comme information que l’armée mène une opération militaire limitée
pour détruire les infrastructures et que les choses vont se passer comme en
2014. Poutine s’attend à être accueilli en libérateur. Or s’il y a un
grand nombre de victimes dans les rangs de l’armée russe, je pense que le
soutien de la population russe va disparaître rapidement. Pour l’instant, on ne
sait pas encore combien il y a de morts du côté russe, mais c’est déjà, a
priori, plusieurs centaines contre environ 150 morts côté ukrainien.
Comment les Russes anticipent leur
avenir, notamment économique ?
Le citoyen lambda n’est pas du tout
impliqué au niveau des bourses, ce qui l’inquiète le plus, c’est le pouvoir
d’achat. Il y a une forte inquiétude face aux sanctions mais le patriotisme
devrait équilibrer les choses. Le rouble a perdu de sa valeur face à l’euro et
au dollar, avant que la banque centrale n’intervienne pour rétablir un peu la
situation. Les chaines de distribution essaient d’anticiper ce qui va se passer
en augmentant d’ores et déjà les prix des appareils électroménagers face aux
achats massifs. En effet, comme ces objets sont souvent produits à l’extérieur,
leur prix est indexé sur le taux de change avec le dollar et l’euro. Concernant
les cartes de crédit, cela inquiète surtout ceux qui voyagent à l’étranger.
Elles ne seront plus fonctionnelles qu’en Russie et pas à l’extérieur. Mais le
citoyen lambda ne voit pas directement les conséquences négatives car sa vision
est façonnée par des représentations, celles des médias contrôlés par le
pouvoir central. Beaucoup demeurent convaincus que la Russie est obligée d’agir
de manière préventive face à des menaces ukrainiennes (qui n’existent pas).
Les élites russes redoutent-elles les
sanctions et l’évolution de l’économie ?
Avec la chute des actions en bourse,
les milliardaires russes ont perdu jusqu’à 10-15 % de la valeur de leurs
actifs. Mordachov, PDG de Severstal (entreprise sidérurgique), a par exemple
perdu 4,2 milliards de dollars en une journée. Au total, une vingtaine de
milliards se sont volatilisés. Et la plupart des conglomérats russes sont détenus
par les oligarques ou par l’Etat (Gazprom, Rosnfet, Rostec, Rusal, Severstal)
mais sont aussi présents à l’étranger. En cas de sanctions ciblées sur ces
entreprises, la situation serait très complexe pour la Russie. La pire chose
qui puisse arriver, ce sont des sanctions sur l’achat de gaz. L’Allemagne
envisage de se passer du gaz russe sur le court terme. Cela inquiète.
Cette contestation politique interne
et les peurs des conséquences économiques en Russie pourraient-elles peser sur
Vladimir Poutine ?
Pas immédiatement. S’il y a un
changement d’attitude, ce sera dans le meilleur des cas dans trois mois, au
pire dans un an. A la Une de Izvestia (un quotidien russe NDLR) on peut
lire : « Durant toute cette journée, le ministère de la Défense a
informé sur l’accomplissement de toutes les tâches sur l’opération militaire
pour la défense du Donbass ». Pour eux, la guerre déclenchée est une
opération militaire pour la défense du Donbass. Il y a plusieurs papiers
consacrés à cela, mais aucun n’utilise le mot « guerre » alors même
que les troupes russes attaquent actuellement la capitale ukrainienne.
Quelle opinion les Russes ont-ils
vis-à-vis de l’occident et l’Otan ?
Il demeure une vision très impériale
en Russie. L’élite présidée par Vladimir Poutine est très hostile à l’OTAN.
Après le choc de la Première et Seconde guerre mondiale, les Russes ont créé
une zone tampon avec le pacte de Varsovie, etc. Et la disparition de cette zone
a été très mal vécue et vue comme une menace. L’OTAN est ainsi perçu souvent en
Russie comme un bloc hostile qui se rapproche de ses frontières. Tandis que
nous, occidentaux, le voyons comme un moyen de protéger les pays de l’Est face
à la Russie. Mais le citoyen lambda est soit d’accord avec la vision
officielle, soit indifférent à l’OTAN.
Poutine prête-t-il attention à l’avis
des citoyens russes qui le conteste ?
Il y prête attention. Lorsque les 3 à
5 millions de personnes qui s’opposent frontalement à lui s’expriment, il y a
une répression assez forte mais, en même temps, il leur laisse deux ou trois
médias libres. La chaîne de télévision entièrement transmise en ligne
« Dojd » ou la radio libérale « Echo de Moscou »
(paradoxalement détenue par Gazprom !) sont ainsi des médias anti-guerres
toujours tolérés par le pouvoir central. Ils critiquent Poutine, dénoncent la
guerre, demandent la paix. Tout le reste de l’espace médiatique russe est
complètement sous l’influence du Kremlin. On ne peut pas lire ce qui se passe
en Russie avec la grille de lecture occidentale.
atlantico, 26-2-2022
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