La nomination de l’avocat de Lula au
Tribunal suprême brésilien soulève, selon Michel Faure, des préoccupations
majeures quant à l’indépendance de la justice et l’intégrité du système
judiciaire.
La justice brésilienne et le président Luiz Inácio Lula da Silva ont toujours formé un couple compliqué, avec des relations d’adversité, mais aussi, parfois, d’étranges complaisances.
Aujourd’hui, Lula démontre
avec un évident plaisir sa volonté de faire de la justice une institution à sa
botte en nommant, le 1er juin, son propre avocat, Cristiano Zanin, juge à la
plus haute instance judiciaire du pays, le Tribunal suprême fédéral. Les
pouvoirs de cette institution sont nombreux et déterminants, agissant comme une
Cour constitutionnelle, un tribunal électoral et un contrôleur des enquêtes
judiciaires.
Une nomination de Lula qui
pose un conflit d’intérêts évident
Cristiano Zanin, 47 ans,
l’avocat de Lula depuis 2013, a obtenu la libération
de l’ex-président en novembre 2019, quand ce dernier était prisonnier après
sa condamnation à neuf ans et six mois de détention pour blanchiment d’argent
et corruption. Pour cet exploit judiciaire, Zanin méritait une récompense et
celle-ci suppose la loyauté du nouveau juge envers son ancien client.
L’indépendance de la justice en prend un coup.
Prononcée en 2017 par le juge
fédéral de première instance, Sergio Moro, cette condamnation de Lula fut
ensuite annulée en 2021 par le tribunal suprême fédéral avec pour argument
l’absence de compétence du tribunal de première instance pour juger Lula.
En 2021, le même tribunal fédéral suprême déclare que l’action du juge Sergio Moro, devenu ministre de la Justice sous la présidence de Jaïr Bolsonaro, avait été partiale, et toutes les charges contre Lula sont annulées.
Dans ce spectaculaire
retournement judiciaire, on devine un combat juridique inédit.
La guerre juridique
Et l’on comprend que Cristiano
Zanin est un « guerrier » du droit. Avec quelques confrères, il signe un livre
intitulé Lawfare, uma introdução. Ce terme de Lawfare,
que l’on peut traduire par « guerre juridique » définit un usage stratégique du
droit afin de mettre en cause la légitimité de l’ennemi, de l’affaiblir ou de
l’éliminer.
Dans une interview publiée sur
un site d’avocats brésiliens, Cristiano Zanin affirme que la condamnation de
Lula en 2017 est l’un des exemples de cette « guerre juridique ». Selon lui, le
scandale de Petrobras, surnommé lava jato (lavage sous
pression) considéré par la justice brésilienne comme une vaste machine à laver
l’argent sale de la politique et des affaires, serait « un outil de la guerre
juridique, et non un processus pénal servant la justice et la vérité ». Il
ajoute que les « procureurs de Curitiba ont empêché le combat contre la
corruption »…
Il n’empêche que le chef de
ces procureurs, Deltan Dallagnol, interrogé en 2017 par l’AFP, déclarait que
cette enquête constituait « un îlot de justice et d’espoir dans un océan
d’impunité ». Le ministère public fédéral (MPF) en charge de l’enquête estimait
que des milliards de reales (la monnaie brésilienne) étaient sortis des coffres
de Petrobras en l’espace d’une décennie.
Quoiqu’en dise Zanin, armé de
son beau concept de « guerre juridique », la corruption a existé sous
Lula.
En 2005, deux ans après sa
première élection, éclate un énorme scandale de pots-de-vin baptisé Mensalão car
la prévarication suivait un rythme mensuel. Il s’agissait d’acheter avec des
fonds publics les voix de parlementaires prêts à voter les lois du gouvernement
pour que ce dernier, minoritaire, puisse disposer d’une majorité de
circonstance.
Quand l’affaire éclate, elle
fait grand bruit et vingt-huit hauts dirigeants du Parti des travailleurs sont
condamnés à de longues peines de prison. Mais dans cette sinistre affaire, où
se jouent la morale et la démocratie, le président Lula n’intéresse pas la
justice. Pourquoi ? Mystère. Peut-être n’a-t-elle pas voulu interférer avec le
processus électoral, alors que Lula était plus populaire que jamais et
qu’emportés par son charisme et son populisme, les Brésiliens lui ont offert en
octobre 2006 un deuxième mandat ?
Puis viendra, en mars 2014,
sous la
désastreuse présidence de Dilma Rousseff – en faveur de laquelle Lula
a mené campagne- , le scandale Petrobras. Et là encore, on sait désormais que
les sous-traitants de Petrobras formaient un « club privé » au sein duquel était
désignée la société qui remporterait un appel d’offres, à quel prix, et avec
quelle marge à se partager ensuite entre les membres du « Club ».
Ces tristes vérités sont
anéanties sous le feu du « guerrier juridique » Cristano Zanin et de ses
affiliés. Il sera l’obligé de son maître, Lula, et cette soumission ne sera pas
glorieuse. Enfin, la justice et son indépendance sont les grandes perdantes de
cette « guerre du droit » qui sape les bases de la fragile démocratie
brésilienne.
Titre et Texte: Michel Faure, Contrepoints, 12-6-2023
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