sábado, 16 de outubro de 2021

[Dossiê : A Democracia] Quand l’oligarchie réinvente la démocratie

Pour contenir la poussée des revendications démocratiques, l’oligarchie au pouvoir a mis en place divers mécanismes qui en disent beaucoup de sa dérive totalitaire.

Cristophe Boutin

Que nos démocraties fonctionnent pas, ou mal, ce constat est une évidence : la captation du pouvoir par une oligarchie a été décrite ces dernières années sous des angles différents par Christopher Lasch, Christophe Guilluy, Jean-Claude Michéa ou Jérôme Sainte-Marie, et la rupture semble consommée entre le peuple et les pseudo-élites qui le dirigent.

Elle l’est, d’abord, parce que le courant ascendant de la communication entre la base et le sommet, indispensable à la vie d’une démocratie, est coupé : le pouvoir n’entend plus être interpellé au sujet de certaines questions malsonnantes. C’est ainsi qu’il a pu, pendant des années, écarter d’un geste indigné toute question liée à l’immigration (qui n’existe pas et/ ou est un bienfait), à l’insécurité (un sentiment), ou à l’identité (nécessairement rance et fantasmée). Quant au courant descendant ensuite, tout aussi nécessaire, loin de proposer aux citoyens des projets de société pour les faire valider, l’oligarchie s’est contentée d’imposer par la contrainte, y compris physique si besoin était, ses normes de comportement progressistes à une majorité qui n’entendait pas voir balayées les appartenances – familiale, locale, nationale, sexuelle, culturelle, et on en passe – dans lesquelles elle se reconnaissait et qui étaient autant de cercles protecteurs.

L’un des principaux résultats de ce dysfonctionnement de notre démocratie est la progression du taux d’abstention aux élections, nombre de nos concitoyens ayant perdu tout espoir, entre identiques alternances et fausses « révolutions », de pouvoir faire changer les choses en déposant un bulletin de vote dans l’urne. L’autre résultat révélateur est la montée de mouvements de revendication qualifiés de « populistes », terme pris ici dans le sens négatif par lequel les oligarques stigmatisent ces « déplorables » qu’ils méprisent. Le mouvement des Gilets jaunes, au moins en son début, en a été une parfaite illustration: il ne s’agissait pas de mettre en place une pseudo démocratie directe permanente – peu de rapports entre les ronds-points et les délires bobos de « Nuit debout » – mais plus simplement de permettre à une majorité de citoyens de proposer d’abord ce qui ne l’est pas, de le voter ensuite, et de bloquer enfin une mesure qui leur déplairait.

Derrière ces mouvements, deux principales revendications se font jour pour permettre de renouveler nos démocraties. La première vise à redonner tout son poids au « local », en permettant aux populations de décider de ce qui les concerne au plus près, évitant que les décisions ne soient le fruit d’un échelon supérieur coupé des réalités locales. La seconde vise, elle, à permettre une participation directe à la vie politique nationale, d’une part en permettant aux citoyens de soulever un problème auquel le pouvoir se refuse de prêter attention, d’autre part en leur permettant d’être directement consultés sur la solution à lui donner.

Autant d’éléments qui pourraient interférer avec la dérive totalitaire d’un pouvoir oligarchique qui doit pour quelque temps encore se faire croire démocratique. Pour éviter de répondre à ces demandes, ce dernier a donc choisi de récrire notre fonctionnement démocratique autour de trois niveaux de réponse : jouer d’abord sur l’opacité du pouvoir et la technicité des questions; mettre en place ensuite une pseudo-réponse institutionnelle ; créer enfin un peuple de substitution.

L’opacité, c’est celle de ces structures toujours plus nombreuses qui éloignent l’élu de l’électeur et dont le meilleur exemple est, au niveau local, celui de la coopération intercommunale. La technicité, c’est le règne de ces « sachants » dont on apprend l’expertise en même temps que la nomination. Comités toujours plus nombreux, instances de décisions réelles toujours plus fermées, au niveau national, mais aussi local, il s’agit avant tout d’écarter le débat avec des citoyens qui pourraient avoir à y redire. Le résultat est que l’élu local – et même parfois national! – poussé dans ses retranchements, reconnaît bien volontiers devant l’électeur mécontent qu’il s’est contenté d’entériner la décision prise par d’autres… tout en venant toucher ses jetons de présence.

Mais pour éviter la vraie
démocratie directe
et ses risques, nos
oligarques ont choisi
ces dernières années
de mettre en place une
démocratie directe sous
contrôle, en présentant
comme représentatives
des instances ad hoc
ne disposant d’aucune légitimité


La pseudo-réponse institutionnelle ensuite, nous en avons un exemple caricatural autour du débat concernant le référendum. Celui-ci était vu par de Gaulle comme un instrument par lequel le pouvoir mettait en jeu sa responsabilité politique, cela n’est plus cas de la manière la plus évidente depuis le choix de Jacques Chirac de rester en place en 2005 après le rejet du traité européen. Mieux encore, le référendum dit « d’initiative partagée », mis en place comme représentatives des instances ad hoc ne disposant d’aucune légitimité par Nicolas Sarkozy en 2008, est une caricature de ce référendum d’initiative populaire que l’on peut trouver dans d’autres pays, et que demandaient les Français: entre le nombre de signatures nécessaires pour l’engager et le filtre des parlementaires, le peuple ne peut que très difficilement poser une question, et moins encore pouvoir décider de la réponse à lui donner.

Restait enfin, pour éviter que l’escroquerie soit trop visible, à pousser cette dernière plus avant encore, en créant un peuple de substitution dont les consultations servent à longueur de médias de référence démocratique aux décisions oligarchiques. Il y avait bien sûr les sondages orientés, dont les questions biaisées permettaient d’affirmer sans rire que « les Français pensent que… », et de valider ainsi les choix les plus aberrants. Mais pour éviter la vraie démocratie directe et ses risques, nos oligarques ont aussi choisi ces dernières années de mettre en place une démocratie directe sous contrôle, en présentant comme représentatives des instances ad hoc ne disposant d’aucune légitimité. Du « comité de quartier » au niveau local à la Convention citoyenne pour le climat au niveau national, le principe est le même : trouver une caution qui permette de faire croire au respect d’une procédure démocratique, alors même que l’on se refuse à permettre l’expression directe des citoyens.

Demos-cratos, la démocratie doit donc permettre la participation du peuple – ce qui ne veut pas dire organiser cette consultation permanente dont rêvent certains geeks… et des oligarques qui connaissent les faiblesses de tels systèmes. On comprend bien que la démocratie de substitution que l’on nous propose n’a rien à voir avec cela. Son prévisible échec – la propagande a ses limites – conduira logiquement à un renforcement des contraintes psychologiques, financières et physiques. Une élite, toujours nécessaire, peut diriger de manière légitime. Une oligarchie, jamais. Et moins encore quand elle se prétend démocrate.

Titre et Texte: Christophe Boutin, L’Incorrect, nº 46, outubro 2021

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