LE MONDE | 26.08.2016 à 11h25
• Mis à jour le 26.08.2016 à 11h28
Editorial. Première femme
présidente du Brésil, Dilma Rousseff vit ses derniers jours au sommet de
l’Etat. L’issue de son procès en destitution, ouvert jeudi 25 août au Sénat, ne
fait guère de doute. A moins d’un coup de théâtre, la dauphine du bien-aimé
président Lula (2003-2010), suspendue de ses fonctions en mai, sera
définitivement chassée du pouvoir le 30 ou le 31 août.
Dilma Rousseff a commis des
erreurs politiques, économiques et tactiques. Mais son éviction, motivée par
des acrobaties comptables auxquelles elle s’est livrée comme bien d’autres
présidents, ne passera pas à la postérité comme un épisode glorieux
de la jeune démocratie brésilienne.
Pour décrire le
processus en cours, ses partisans évoquent un « crime
parfait ». L’impeachment, prévu dans la Constitution brésilienne, a
tous les atours de la légitimité. Personne, de fait, n’est venu déloger Dilma
Rousseff, réélue en 2014, par la force des baïonnettes. L’ancienne
guerrillera a elle-même usé de tous les recours légaux pour se défendre,
en vain. Impopulaire et malhabile, Dilma Rousseff s’estime victime d’un « coup
d’Etat » fomenté par ses adversaires, par les médias, et en
particulier par la télévision Globo, aux ordres d’une élite économique
soucieuse de préserver ses intérêts prétendument menacés par la soif
d’égalitarisme de son parti, le Parti des travailleurs (PT).
La bête noire d’une partie
des Brésiliens
Cette guerre au sommet s’est déroulée
sur fond de révolte sociale. Après les « années bonheur » de
prospérité économique, d’avancées sociales et de recul de la pauvreté sous les
deux mandats de Lula, est venu, dès 2013, le temps des revendications
citoyennes. L’accès à la consommation, l’organisation de la Coupe du monde puis
des Jeux olympiques n’étaient plus de nature à combler le
« peuple ». Il voulait davantage que « du pain et des jeux » :
des écoles, des hôpitaux, une police fiable.
Le scandale de corruption à
grande échelle lié au groupe pétrolier Petrobras a achevé de scandaliser un
pays malmené par une crise économique sans précédent. En plein désarroi, une
partie des Brésiliens ont fait du juge Sergio Moro, chargé de l’opération
« Lava Jato » (« lavage express »), leur héros, et de la
présidente leur bête noire.
L’ironie veut que si la corruption a fait descendre des millions de Brésiliens dans les rues ces derniers mois, ce n’est pas à cause d’elle que tombera Dilma Rousseff. Pire : les artisans de sa chute ne sont pas eux-mêmes des enfants de chœur. L’homme qui a lancé la procédure de destitution, Eduardo Cunha, ancien président de la Chambre des députés, est accusé de corruption et de blanchiment d’argent. La présidente du Brésil est jugée par un Sénat dont un tiers des élus font, selon le site Congresso em Foco, l’objet de poursuites criminelles. Elle sera remplacée par son vice-président, Michel Temer, pourtant censé être inéligible pendant huit ans pour avoir dépassé la limite autorisée de frais de campagne.
Le bras droit de M. Temer,
Romero Juca, ancien ministre de la planification du gouvernement intérimaire, a
été confondu en mai par une écoute téléphonique datée du mois de mars dans
laquelle il réclamait explicitement un « changement de gouvernement » pour
barrer la route de l’opération judiciaire « Lava Jato ». S’il n’y a pas coup
d’Etat, il y a au moins tromperie. Et les vraies victimes de cette
tragi-comédie politique sont, malheureusement, les Brésiliens.
Le Monde, 26-8-2016
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Aqui está o editorial original do jornal "Le Monde", publicado na sexta-feira, 26 de agosto de 2016.
ResponderExcluirDaqui a pouco publicaremos a tradução desse artigo.