Anne-Laure Debaecker
Cassandre contemporaine, le romancier et écrivain algérien Boualem Sansal n'a eu de cesse, à travers ses œuvres et ses prises de parole, d'alerter sur un mal qui, après avoir commis ses méfaits dans son pays, s'attaque à l'Hexagone, l'islamisme. Une fois de plus, le dissident monte au créneau pour dessiller les yeux français.
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Photo: Normand/Leextra via Leemage |
Pendant ce temps, l'islamisme
avance et gagne, il est déjà un État dans l'État. Bientôt, la sidération de la
population et la lâcheté gouvernementale aidant, il sera tout l'État. Il sera
peut-être miséricordieux et compatissant et accordera le statut de dhimmi à
ceux qui sauront le supplier. La pandémie qui repart à la hausse et la crise
économique et sociale qui pointe à l'horizon comme un tsunami vont accélérer le
passage du témoin. Les islamistes sont convaincus que la pandémie est une
sanction d'Allah contre l'Europe, repère des juifs, et les croisés. Ça
encourage.
« La pandémie qui repart à la hausse et m’la crise économique vont accélérer le passage du témoin »
Les attentats semblent se
répéter, sans fin…
Ils continueront jusqu'à la victoire finale. Il y aura des innovations dans les
armes et les techniques. Le couteau, qui fait la une ces derniers mois, ne peut
pas à lui seul faire toute la guerre. Le camion bélier a eu son heure de gloire
à Nice, à Londres et ailleurs. La voiture pleine d'explosifs, système usité au
Proche-Orient, finira par arriver en France. C'est terrible et imparable. On a
vu ça en Algérie, au début les islamistes tuaient à l'unité par jour, puis à la
centaine, puis au millier. Qui se souvient de Bentalha, de Ramka qui à eux deux
ont déploré 2 000 morts ?
Comment l'islamisme a pu
ainsi prospérer sur notre sol ? Qu'aurions-nous dû faire ?
L'explication est dans l'histoire. Pour faire court, je vous donne les mots
clés qui aideront le lecteur à avoir une idée générale du problème. Né en Arabie,
héritier et remplaçant du christianisme et du judaïsme, l'islam a conquis le
monde entre le VIIe et le XIVe siècle. À partir de la Reconquista en Espagne,
en 1492, une nouvelle venue, l'Europe, à peine sortie du Moyen Âge, a conquis
le monde, envoyé l'islam aux ténèbres et les musulmans à la décadence. Les
colonisations du XXe siècle et le démantèlement de l'Empire ottoman ont achevé
le travail.
Le fond était atteint mais, ici et là, des mouvements sont nés, menés par des intellectuels, visant à réenchanter l'islam, à mobiliser l'oumma, à envisager de nouvelles formes de combat pour remettre l'islam sur sa voie, celle qu'Allah lui a tracée, la conquête de la planète et son islamisation. Des plans ont été élaborés : réaliser l'indépendance des pays musulmans colonisés ; les unir dans une ligue islamique mondiale ; les réislamiser, parce que souillés et déculturés par le colonisateur chrétien ; porter le combat chez l'ennemi, en mobilisant les communautés musulmanes installées chez lui, accusées d'œuvrer à son développement, de s'être battues pour lui durant les deux guerres mondiales, d'avoir adopté son mode de vie et de s'être converties à ses valeurs. L'accusation a porté, nombreux sont ceux qui ont balancé leurs défroques occidentales et rejoint les islamistes. Et ils sont de plus en plus nombreux à le faire. Tout attentat, toute nouvelle acquisition (une mosquée, une école, un succès électoral) enflamment la communauté islamiste et élargissent ses bases de recrutement. On en est là. Vous le voyez, l'histoire est longue, les islamistes ont su lire l'avenir et surfer sur sa marche. Et ils ont du courage à revendre. Comment le gouvernement français, qui ne voit que le court terme, peut-il vaincre celui qui respire le long terme ?
De Gaulle avait ce sens de l'histoire, il était bien le dernier, voilà pourquoi il a très vite opté pour la fin de l'Algérie française. On se souvient de ses petites phrases qui montrent qu'il avait du flair : « On peut intégrer des individus, […] pas des peuples » — ce que le roi du Maroc Hassan II avait dit à Anne Sinclair à propos des émigrés marocains en France : « Ils ne seront jamais intégrés » —, ou encore quand il disait craindre qu'un jour « Colombey-les-Deux-Églises [ne devienne] “Colombey-les-Deux-Mosquées” ». Hier on parlait de l'Algérie française et aujourd'hui on parle de la France algérienne. L'histoire est surprenante.
« C’est une guerre faite à la France par l’internationale islamiste, qui l’a choisie pour première cible occidentale dans la conquête de la planète par l’islam
Sommes-nous en guerre ?
Les islamistes sont en guerre, ils savent contre qui, ils le disent depuis au
moins deux siècles et ils la font au quotidien, sans modération aucune. La
France n'a rien vu venir et, encore aujourd'hui, alors que se joue le dernier
round, se dit en guerre contre le séparatisme islamiste mais ne la fait pas,
par lâcheté peut-être, mais aussi et surtout parce qu'elle ne sait pas comment
on peut se battre contre une chose qu'on ne voit pas, qu'on ne comprend pas.
La situation française vous
rappelle-t-elle ce que vous avez vécu en Algérie ouest-ce complètement
différent ?
L'Algérie est un pays musulman, ce qui s'est passé durant la décennie noire
(1990-2000) et qui continue sous d'autres formes, très subtiles, est une guerre
civile. Bien qu'en Algérie les uns prétendent qu'elle était une guerre contre
le peuple algérien menée par des forces étrangères (Arabie, Iran), et les
autres qu'elle est une guerre du pouvoir algérien contre le peuple qui a eu
l'outrecuidance de le contester lors des émeutes d'octobre 1988.
Pour la France, on ne peut pas parler de guerre civile, la plupart des attentats ont été commis par des islamistes venus d'ailleurs (du Maghreb…) ou par des islamistes français qui se considèrent musulmans, l'islam étant une religion et une identité. L'autre différence est que l'Algérie est une dictature militaire et que la France est une démocratie insérée dans un ensemble démocratique, l'Union européenne. Je dirais que c'est une guerre faite à la France par l'internationale islamiste, qui l'a choisie pour première cible occidentale dans la conquête de la planète par l'islam. Il y a des raisons à ce choix : la France est « le premier pays musulman d'Europe » (selon Edwy Plenel), elle fut le plus grand pays colonisateur de pays musulmans (Maghreb, Sahel, Proche-Orient, Comores…). L'internationale islamiste lui reproche aussi d'avoir soutenu le régime algérien, ennemi juré du peuple et de l'islam.
Que craignez-vous ?
Que cette guerre ne perdure. Je crains aussi, nous envoyons les premiers
signes, qu'une partie de la France et de l'Europe n'entre en “collaboration”
avec les islamistes ou les pays que les islamistes désigneront pour les
représenter, une sorte de fidéicommis en attendant le califat planétaire. La
Turquie d'Erdogan est candidate, l'Iran des mollahs aussi.
Faut-il réformer l'islam ?
Est-ce possible ?
Réformer l'islam ? Il ne faut simplement pas y penser. On a déjà peur de
l'islamisme, cette méchante copie de l'islam, où trouverions-nous les courageux
théologiens pour ouvrir ce chantier, lequel donnera sans doute lieu,
certainement, à mille schismes, chacun se considérant seul légitime. On
remplacerait une guerre par mille guerres. Quel pays oserait héberger ces
courageux et introuvables théologiens ? Ce serait énorme si l'on arrivait à
réformer seulement la façon d'enseigner le Coran. Sortir du “parcœurisme”,
interdire les écoles coraniques traditionnelles liées aux mosquées et les
remplacer par des écoles agréées par l'Éducation nationale, c'est un bon début.
L'islamisme ne se réforme pas, c'est un mouvement de libération et de conquête du pouvoir. Il faudrait plutôt, et avant tout, réformer l'État français, lui insuffler une âme, réenchanter son quotidien, mettre de la vie dans ses trois mots éteints : liberté, égalité, fraternité.
Anne-Laure Debaecker,
31-10-2020, 17h, Valeurs Actuelles, nº 4379, du 29 octobre au 4 novembre
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