segunda-feira, 22 de fevereiro de 2021

Islamo-gauchisme et université : quand les censeurs crient à la censure

Valérie Toranian

Inquiète de la progression de l’islamo-gauchisme au sein de l’université, la ministre Frédérique Vidal a décidé de confier une enquête au CNRS, [Photo]. Depuis elle subit les tirs de barrage d’une partie des enseignants et chercheurs ainsi que de représentants de la gauche et de l’extrême gauche, qui s’indignent de méthodes « maccarthystes ». On veut « censurer ». On veut tuer la liberté académique. Et surtout, argument suprême, « l’islamo-gauchisme » n’aurait, selon les détracteurs de laministre, aucune réalité « scientifique ».

L’islamo-gauchisme existe

Les cris indignés des pétitionnaires qui demandent la démission de Frédérique Vidal n’y changeront rien. Dans un numéro de la Revue des Deux Mondes d’octobre 2018, consacré à la définition de l’islamo-gauchisme, Christophe Bourseiller, spécialiste de l’extrême gauche, rappelait que le ver était dans le fruit dès l’origine. Lors du congrès de l’Internationale communiste de 1920 à Bakou, il fut théorisé « que les groupes révolutionnaires ont pour objectif principal de se fondre dans les masses pour mieux les orienter. Si celles-ci deviennent islamistes […], les marxistes doivent leur apporter un “soutien critique” ».

Voilà pourquoi l’extrême gauche a soutenu la révolution islamique anti-démocratique, anti-femmes, anti-laïque de l’Ayatollah Khomeini en Iran en 1979. Le soutien à la cause islamique a d’ailleurs perdu toute « fonction critique » pour s’aligner au fil du temps sur un positionnement anticapitaliste, anti-occidental, anti-laïque. Et anti-israélien. Le travail que produit sur ce sujet depuis près de trente ans l’universitaire Pierre-André Taguieff est éloquent. C’est lui qui popularisera le terme d’islamo-gauchisme en désignant ainsi la terrifiante collusion entre trotskystes et islamistes (Hamas, Jihad islamique, Hezbollah) notamment lors d’une manifestation d’octobre 2000 où l’on entendit scander le slogan « Mort aux Juifs »…

« L’islamo-gauchisme moderne est l’expression d’une alliance entre une gauche dévoyée ayant oublié depuis belle lurette que la religion est l’opium du peuple et les nouveaux « opprimés » que constituent à ses yeux les masses musulmanes, nouveau prolétariat fantasmatique. »

L’islamo-gauchisme moderne est l’expression d’une alliance entre une gauche dévoyée ayant oublié depuis belle lurette que la religion est l’opium du peuple et les nouveaux « opprimés » que constituent à ses yeux les masses musulmanes, nouveau prolétariat fantasmatique. L’incarnation parfaite en fut longtemps le duo Edwy Plenel et Tariq Ramadan, alliance du trotskisme et de l’islam politique des Frères musulmans, trop heureux d’avoir trouvé dans les idiots utiles du gauchisme des amis défendant le totalitarisme islamique, le relativisme culturel et l’abandon de la laïcité et des droits des femmes.

L’islamo-gauchisme existe bel et bien. Six Français sur dix estiment que c’est un courant de penséerépandu en France (sondage Ifop-Fiducial pour CNEWS). L’entrisme de l’islam politique a été détaillé par Gilles Kepel, Hugo Micheron, Jean-Pierre Obin et tant d’autres. Il n’y a que les pétitionnaires du Monde (dont aucun ne travaille sur l’islam) pour dire que c’est une vue de l’esprit.

L’islamo-gauchisme est-il un concept flou ?

Il est juste de dire que l’islamo-gauchisme est un concept qui embrasse large et manque de précision. Mais alors que dire des concepts de « racisme systémique », « racisme d’État », « privilège blanc », « racisé », « sexisé », « féminisme islamique »… qui n’ont aucun fondement scientifique ? Sans parler de l’« islamophobie » que l’islam politique a réussi à faire passer pour un nouveau délit de racisme, transformant la critique de la religion en crime, rétablissant de fait le délit de blasphème. Le tout avec les félicitations de la France insoumise et autres extrémistes défilant le 10 novembre 2019 « contre l’islamophobie », aux côtés de militants scandant « Allahu akbar ».

« L’université est travaillée par l’islamo-gauchisme, c’est indubitable. Mais elle est surtout largement soumise à un radicalisme militant décolonial qui englobe, dépasse et transcende l’islamo-gauchisme. »

Les sciences humaines et sociales regorgent de recherches sur des concepts flous, souvent copiés-collés de la production des universités américaines. Il ne s’agit pas de les disqualifier en bloc : le rôle de l’université est aussi d’étudier ces mouvements et courants de pensée qui traversent l’époque. Y compris l’islamo-gauchisme, le genre, le féminisme, la colonisation, le racisme. Le problème n’est pas de les étudier mais d’appréhender ces domaines en vertu d’une seule et même vision décoloniale/néoféministe/différencialiste. Le problème est de construire une doctrine totalisante et de discréditer tous ceux qui ne partagent pas cette idéologie. Il est impossible aujourd’hui d’étudier l’esclavage autrement que comme méfait de la colonisation blanche ; les traites négrières arabes ou l’asservissement des peuples conquis par l’empire ottoman ne rentrent pas dans la grille idéologique anti-occidentale : ils sont donc considérés comme « hors-sujets ».

L’université est travaillée par l’islamo-gauchisme, c’est indubitable. Mais elle est surtout largement soumise à un radicalisme militant décolonial qui englobe, dépasse et transcende l’islamo-gauchisme. Dans une même détestation du camp occidental, universaliste et « blanc ». Dommage que Mme Vidal se soit contentée de cibler l’islamo-gauchisme et n’ait pas décoché une flèche plus large.

Le CNRS est-il légitime pour faire cette enquête ?

Non et c’est toute l’incohérence de cette décision. Comme l’écrit Pierre-André Taguieff, « le P.-D.G. du CNRS, Antoine Petit, protecteur des études postcoloniales et défenseur de la “théorie critique de la race”, paraît fort mal placé pour favoriser une telle enquête et en garantir l’impartialité. Rappelons les positions qu’il a prises en novembre 2019 dans l’avant-propos qu’il a rédigé, en écriture inclusive, pour un méchant ouvrage collectif rassemblant des auteurs postcoloniaux et décoloniaux : “La ‘race’ devient la nouvelle grille de lecture du monde sur laquelle s’intègre la grille du genre, et qui s’articule à la hiérarchie homme/femme […]. Dans une société non métissée, le social et le genre dominent, mais dans l’espace interracial, le social s’efface derrière le racial.” »

« Combien de présidents et de recteurs se soumettent lâchement à la pression de syndicats ou d’associations d’étudiants qui veulent imposer leur vision du monde ? »

La ministre s’est mise toute seule dans une impasse. Si le CNRS, à l’issue de son enquête, conclut qu’il n’y pas de problème d’islamo-gauchisme, que dira la ministre ? Qu’elle avait tort ? Or, elle n’avait pas tort. Qu’elle s’est trompée d’organisme à qui confier l’enquête ? Certains pensent qu’il aurait mieux valu nommer le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), institution indépendante, qui a pour rôle d’apprécier la qualité des savoirs enseignés et non de contrôler leur orientation. Mais il y a fort à craindre que la polémique ne s’éteigne pas pour autant. L’université est jalouse de sa liberté et toute tentative de contrôle de la qualité des enseignements, même légitime, sera dénoncée comme une entrave.

Doit-on contrôler la liberté académique ?

Certainement pas, en revanche il importe de la faire respecter. Or, contrairement à ce que veulent nous faire croire les défenseurs de la liberté académique qui hurlent contre un nouveau « maccarthysme », l’université ne respecte plus cette liberté. Et ceux qui protestent contre la censure n’ont aucune honte à l’exercer en permanence, en discréditant ou en diabolisant toute parole qui n’entre pas dans la grille idéologique islamo-décoloniale. (Le fait de refuser tout débat autour de l’islamo-gauchisme en dit d’ailleurs long sur leur vision du pluralisme.)

Combien de présidents et de recteurs se soumettent lâchement à la pression de syndicats ou d’associations d’étudiants qui veulent imposer leur vision du monde ? Sylviane Agacinski a été interdite d’accès à une conférence parce qu’elle ne défendait pas la PMA. Alain Finkielkraut a été empêché d’accès à l’amphithéâtre de Sciences Po (son intervention fut finalement reprogrammée). On censure Les Suppliantes d’Eschyle, etc. A contrario, Rokhaya Diallo, militante racisée décoloniale, a portes ouvertes dans les universités, tout comme Lilian Thuram, défenseur de thèses essentialistes sur la culpabilité de l’homme blanc. Nul ne s’y oppose. Et tant mieux. Mais il est scandaleux de limiter ou d’interdire l’accès de l’université à ceux qui défendent l’universalisme, la République, le féminisme, la laïcité. Il est insupportable de les cataloguer comme réactionnaires, suprématistes blancs, racistes, néo-colonialistes.

« L’université ne doit plus être l’otage d’un militantisme radical déguisé en enseignement pseudo-scientifique. »

L’université en a connu d’autres. Elle a toujours été à la fois à l’avant-garde et à la remorque des modes. Elle fut marxiste à l’époque marxiste, maoïste à l’époque maoïste, constructiviste à l’époque constructiviste… Ses présidents, sauf exception, n’ont jamais fait montre d’un grand courage pour s’opposer à la pensée dominante du moment. C’est toujours le cas. Une chose pourtant a changé. Ceux qui s’opposaient à l’emprise des études marxistes en histoire dans les années soixante ne finissaient pas égorgés. Aujourd’hui le corps enseignant paye cher son courage lorsqu’il s’oppose à l’influence grandissante de l’islam politique au sein de l’éducation.

Comment faire respecter une vraie liberté académique et limiter l’emprise islamo-gauchiste et décoloniale sur l’université ?

On ne peut pas lutter pour la liberté d’expression et prôner le contrôle des savoirs au sein de l’université. Mais on ne peut pas non plus se résoudre à accepter cette défaite de la pensée intellectuelle que constitue le réel impact de l’islam politique et de la pensée décoloniale qui honnit la République, la laïcité, l’universalisme et les droits des femmes. Les protecteurs de l’islamo-décolonialisme s’abritent derrière la liberté académique ? Retournons-la contre eux.

Comme souvent dans notre pays, il suffirait d’avoir le courage de respecter ce que nous permet la loi pour contrer cette offensive dont il ne faut en aucun cas minimiser l’importance. Les portes des universités doivent s’ouvrir à la pluralité, les présidents des universités doivent arrêter de s’abriter derrière le « pas de vague » et « pas de critique de la gauche ». Ils doivent être fermes contre les tentatives de non-mixité, d’interdiction de certaines activités aux Blancs, de censure des œuvres littéraires et artistiques. Et si la liberté académique est visiblement bafouée, il ne faut pas hésiter à saisir le Procureur de la République. Que la justice s’en mêle.

Enfin, ne faut-il pas plus de transparence sur les fonds publics alloués à la recherche dans les sciences humaines et sociales ? Où va l’argent ? Qui décide ? Comment se cooptent les membres des conseils qui tiennent les cordons de la bourse ? Quels types de recherche sont favorisés par les institutions européennes, gros contributeurs aux allocations à la recherche ? Les enquêtes ne manquent pas qui pourraient déciller les yeux de ceux qui continuent de se complaire dans le déni et le « pas de vague ».

L’université ne doit plus être l’otage d’un militantisme radical déguisé en enseignement pseudo-scientifique.

Titre et Texte: Valérie Toranian, Revue Des Deux Mondes, 22-2-2021

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