Valérie Toranian
Inquiète de la progression de l’islamo-gauchisme au sein de l’université, la ministre Frédérique Vidal a décidé de confier une enquête au CNRS, [Photo]. Depuis elle subit les tirs de barrage d’une partie des enseignants et chercheurs ainsi que de représentants de la gauche et de l’extrême gauche, qui s’indignent de méthodes « maccarthystes ». On veut « censurer ». On veut tuer la liberté académique. Et surtout, argument suprême, « l’islamo-gauchisme » n’aurait, selon les détracteurs de laministre, aucune réalité « scientifique ».
L’islamo-gauchisme existe
Les cris indignés des
pétitionnaires qui demandent la démission de Frédérique Vidal n’y changeront
rien. Dans un numéro de la Revue des Deux Mondes d’octobre
2018, consacré à la définition de l’islamo-gauchisme, Christophe Bourseiller, spécialiste de l’extrême gauche,
rappelait que le ver était dans le fruit dès l’origine. Lors du congrès de
l’Internationale communiste de 1920 à Bakou, il fut théorisé « que les groupes
révolutionnaires ont pour objectif principal de se fondre dans les masses pour
mieux les orienter. Si celles-ci deviennent islamistes […], les marxistes
doivent leur apporter un “soutien critique” ».
Voilà pourquoi l’extrême
gauche a soutenu la révolution islamique anti-démocratique, anti-femmes,
anti-laïque de l’Ayatollah Khomeini en Iran en 1979. Le soutien à la cause
islamique a d’ailleurs perdu toute « fonction critique » pour s’aligner au fil
du temps sur un positionnement anticapitaliste, anti-occidental, anti-laïque.
Et anti-israélien. Le travail que produit sur ce sujet depuis près de trente
ans l’universitaire Pierre-André Taguieff est éloquent. C’est lui qui
popularisera le terme d’islamo-gauchisme en désignant ainsi la terrifiante
collusion entre trotskystes et islamistes (Hamas, Jihad islamique, Hezbollah)
notamment lors d’une manifestation d’octobre 2000 où l’on entendit scander le
slogan « Mort aux Juifs »…
« L’islamo-gauchisme moderne
est l’expression d’une alliance entre une gauche dévoyée ayant oublié depuis
belle lurette que la religion est l’opium du peuple et les nouveaux « opprimés
» que constituent à ses yeux les masses musulmanes, nouveau prolétariat
fantasmatique. »
L’islamo-gauchisme moderne est l’expression d’une alliance entre une gauche dévoyée ayant oublié depuis belle lurette que la religion est l’opium du peuple et les nouveaux « opprimés » que constituent à ses yeux les masses musulmanes, nouveau prolétariat fantasmatique. L’incarnation parfaite en fut longtemps le duo Edwy Plenel et Tariq Ramadan, alliance du trotskisme et de l’islam politique des Frères musulmans, trop heureux d’avoir trouvé dans les idiots utiles du gauchisme des amis défendant le totalitarisme islamique, le relativisme culturel et l’abandon de la laïcité et des droits des femmes.
L’islamo-gauchisme existe bel
et bien. Six Français sur dix estiment que c’est un courant de penséerépandu en France (sondage Ifop-Fiducial pour CNEWS). L’entrisme de
l’islam politique a été détaillé par Gilles Kepel, Hugo Micheron, Jean-Pierre
Obin et tant d’autres. Il n’y a que les pétitionnaires du Monde (dont aucun ne
travaille sur l’islam) pour dire que c’est une vue de l’esprit.
L’islamo-gauchisme est-il
un concept flou ?
Il est juste de dire que
l’islamo-gauchisme est un concept qui embrasse large et manque de précision.
Mais alors que dire des concepts de « racisme systémique », « racisme d’État »,
« privilège blanc », « racisé », « sexisé », « féminisme islamique »… qui n’ont
aucun fondement scientifique ? Sans parler de l’« islamophobie » que l’islam politique a réussi à
faire passer pour un nouveau délit de racisme, transformant la critique de la
religion en crime, rétablissant de fait le délit de blasphème. Le tout avec les
félicitations de la France insoumise et autres extrémistes défilant le 10 novembre 2019 « contre l’islamophobie
», aux côtés de militants scandant « Allahu akbar ».
« L’université est travaillée
par l’islamo-gauchisme, c’est indubitable. Mais elle est surtout largement
soumise à un radicalisme militant décolonial qui englobe, dépasse et transcende
l’islamo-gauchisme. »
Les sciences humaines et
sociales regorgent de recherches sur des concepts flous, souvent copiés-collés
de la production des universités américaines. Il ne s’agit pas de les
disqualifier en bloc : le rôle de l’université est aussi d’étudier ces
mouvements et courants de pensée qui traversent l’époque. Y compris
l’islamo-gauchisme, le genre, le féminisme, la colonisation, le racisme. Le
problème n’est pas de les étudier mais d’appréhender ces domaines en vertu
d’une seule et même vision décoloniale/néoféministe/différencialiste. Le
problème est de construire une doctrine totalisante et de discréditer tous ceux
qui ne partagent pas cette idéologie. Il est impossible aujourd’hui d’étudier
l’esclavage autrement que comme méfait de la colonisation blanche ; les traites
négrières arabes ou l’asservissement des peuples conquis par l’empire ottoman
ne rentrent pas dans la grille idéologique anti-occidentale : ils sont donc
considérés comme « hors-sujets ».
L’université est travaillée
par l’islamo-gauchisme, c’est indubitable. Mais elle est surtout largement
soumise à un radicalisme militant décolonial qui englobe, dépasse et transcende
l’islamo-gauchisme. Dans une même détestation du camp occidental, universaliste
et « blanc ». Dommage que Mme Vidal se soit contentée de cibler
l’islamo-gauchisme et n’ait pas décoché une flèche plus large.
Le CNRS est-il légitime
pour faire cette enquête ?
Non et c’est toute
l’incohérence de cette décision. Comme l’écrit Pierre-André Taguieff, « le P.-D.G. du CNRS,
Antoine Petit, protecteur des études postcoloniales et défenseur de la “théorie
critique de la race”, paraît fort mal placé pour favoriser une telle enquête et
en garantir l’impartialité. Rappelons les positions qu’il a prises en novembre
2019 dans l’avant-propos qu’il a rédigé, en écriture inclusive, pour un méchant
ouvrage collectif rassemblant des auteurs postcoloniaux et décoloniaux : “La
‘race’ devient la nouvelle grille de lecture du monde sur laquelle s’intègre la
grille du genre, et qui s’articule à la hiérarchie homme/femme […]. Dans une
société non métissée, le social et le genre dominent, mais dans l’espace interracial,
le social s’efface derrière le racial.” »
« Combien de présidents et de
recteurs se soumettent lâchement à la pression de syndicats ou d’associations
d’étudiants qui veulent imposer leur vision du monde ? »
La ministre s’est mise toute
seule dans une impasse. Si le CNRS, à l’issue de son enquête, conclut qu’il n’y
pas de problème d’islamo-gauchisme, que dira la ministre ? Qu’elle avait tort ?
Or, elle n’avait pas tort. Qu’elle s’est trompée d’organisme à qui confier
l’enquête ? Certains pensent qu’il aurait mieux valu nommer le Haut conseil de
l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES),
institution indépendante, qui a pour rôle d’apprécier la qualité des savoirs
enseignés et non de contrôler leur orientation. Mais il y a fort à craindre que
la polémique ne s’éteigne pas pour autant. L’université est jalouse de sa
liberté et toute tentative de contrôle de la qualité des enseignements, même
légitime, sera dénoncée comme une entrave.
Doit-on contrôler la
liberté académique ?
Certainement pas, en revanche
il importe de la faire respecter. Or, contrairement à ce que veulent nous faire
croire les défenseurs de la liberté académique qui hurlent contre un nouveau «
maccarthysme », l’université ne respecte plus cette liberté. Et ceux qui
protestent contre la censure n’ont aucune honte à l’exercer en permanence, en
discréditant ou en diabolisant toute parole qui n’entre pas dans la grille
idéologique islamo-décoloniale. (Le fait de refuser tout débat
autour de l’islamo-gauchisme en dit d’ailleurs long sur leur vision du
pluralisme.)
Combien de présidents et de
recteurs se soumettent lâchement à la pression de syndicats ou d’associations
d’étudiants qui veulent imposer leur vision du monde ? Sylviane Agacinski a été interdite d’accès à une
conférence parce qu’elle ne défendait pas la PMA. Alain Finkielkraut a été empêché d’accès à
l’amphithéâtre de Sciences Po (son intervention fut finalement reprogrammée).
On censure Les Suppliantes d’Eschyle, etc. A contrario,
Rokhaya Diallo, militante racisée décoloniale, a portes ouvertes dans les
universités, tout comme Lilian Thuram, défenseur de thèses essentialistes sur
la culpabilité de l’homme blanc. Nul ne s’y oppose. Et tant mieux. Mais il est
scandaleux de limiter ou d’interdire l’accès de l’université à ceux qui
défendent l’universalisme, la République, le féminisme, la laïcité. Il est
insupportable de les cataloguer comme réactionnaires, suprématistes blancs,
racistes, néo-colonialistes.
« L’université ne doit plus
être l’otage d’un militantisme radical déguisé en enseignement
pseudo-scientifique. »
L’université en a connu d’autres.
Elle a toujours été à la fois à l’avant-garde et à la remorque des modes. Elle
fut marxiste à l’époque marxiste, maoïste à l’époque maoïste, constructiviste à
l’époque constructiviste… Ses présidents, sauf exception, n’ont jamais fait
montre d’un grand courage pour s’opposer à la pensée dominante du moment. C’est
toujours le cas. Une chose pourtant a changé. Ceux qui s’opposaient à l’emprise
des études marxistes en histoire dans les années soixante ne finissaient pas
égorgés. Aujourd’hui le corps enseignant paye cher son courage lorsqu’il
s’oppose à l’influence grandissante de l’islam politique au sein de
l’éducation.
Comment faire respecter une
vraie liberté académique et limiter l’emprise islamo-gauchiste et décoloniale
sur l’université ?
On ne peut pas lutter pour la
liberté d’expression et prôner le contrôle des savoirs au sein de l’université.
Mais on ne peut pas non plus se résoudre à accepter cette défaite de la pensée
intellectuelle que constitue le réel impact de l’islam politique et de la pensée
décoloniale qui honnit la République, la laïcité, l’universalisme et les droits
des femmes. Les protecteurs de l’islamo-décolonialisme s’abritent derrière la
liberté académique ? Retournons-la contre eux.
Comme souvent dans notre pays,
il suffirait d’avoir le courage de respecter ce que nous permet la loi pour
contrer cette offensive dont il ne faut en aucun cas minimiser l’importance.
Les portes des universités doivent s’ouvrir à la pluralité, les présidents des
universités doivent arrêter de s’abriter derrière le « pas de vague » et « pas
de critique de la gauche ». Ils doivent être fermes contre les tentatives de
non-mixité, d’interdiction de certaines activités aux Blancs, de censure des
œuvres littéraires et artistiques. Et si la liberté académique est visiblement
bafouée, il ne faut pas hésiter à saisir le Procureur de la République. Que la
justice s’en mêle.
Enfin, ne faut-il pas plus de
transparence sur les fonds publics alloués à la recherche dans les sciences
humaines et sociales ? Où va l’argent ? Qui décide ? Comment se cooptent les
membres des conseils qui tiennent les cordons de la bourse ? Quels types de
recherche sont favorisés par les institutions européennes, gros contributeurs
aux allocations à la recherche ? Les enquêtes ne manquent pas qui pourraient
déciller les yeux de ceux qui continuent de se complaire dans le déni et le «
pas de vague ».
L’université ne doit plus être
l’otage d’un militantisme radical déguisé en enseignement pseudo-scientifique.
Titre et Texte: Valérie
Toranian, Revue Des Deux Mondes, 22-2-2021
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