"Récupérations
politiques", "manipulations grossières". Hier, la ministre de la
Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin, accompagnée du
ministre des Comptes publics Olivier Dussopt, n'a pas hésité à crier au complot
électoraliste lors de leur conférence de presse spécialement organisée dans la
soirée du 30 mars dans l'espoir de déminer l'affaire McKinsey. Manière absurde
et lamentable de faire diversion. Car le recours par l'exécutif à d'onéreuses
firmes anglo-saxonnes de "conseil en stratégie" est évidemment une
faute politique, qui a été commise à répétition sous les yeux de Français
depuis cinq ans.
L'affaire est complexe. Pour
la comprendre, il convient de lire le livre d'enquête que deux journalistes
de l'Obs, Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, viennent
d'écrire à ce sujet (Les Infiltrés - Comment les cabinets de conseils ont
pris le contrôle de l'État, éd. Allary) ainsi que le
rapport de la commission d'enquête du Sénat qui a été publié il y a quinze
jours sur "l'Influence des cabinets de conseil privés sur les politiques
publiques". Où l'on découvre, pantois, les pratiques de McKinsey,
cette entreprise emblématique du capitalisme le plus sauvage, qui emploie
d'anciens hauts fonctionnaires français, parfois militants politiques à leurs
heures perdues (bien souvent chez En Marche), afin de vendre à l'État à des
prix exorbitants des prestations intellectuelles basiques. On pense
notamment à
ce rapport sur "l'avenir du métier d'enseignant" facturé 496 800
euros. Un rapport qui s'avère n'être qu'une simple compilation de données
publiques, destinée à un colloque international n'ayant jamais eu lieu !
Ou l'on apprend aussi que les consultants de McKinsey n'ont pas hésité à se prendre pour des décideurs publics dans le cadre de leurs missions au cœur de la République, en rédigeant par exemple des notes internes sous sceau administratif... au lieu du papier à en-tête de leur société. Face à de telles méthodes, les sénateurs ont logiquement pointé une « réelle influence sur la prise de décision ». Autrement dit, l'existence d'une "consultocratie" jusqu’au sommet de l’État macronien. Ajoutons à cela les soupçons qui pèsent à présent contre Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey de son état, ayant déclaré sous serment en janvier devant la commission d’enquête du Sénat que son entreprise payait l'impôt sur les sociétés en France. Ce qu’Arnaud Bazin, président (LR) de ladite commission sénatoriale, a démenti, chiffres du fisc à l’appui. La justice a été saisie lundi 28 mars pour suspicion de faux témoignage.
Mais le véritable scandale
dans cette affaire se situe sans doute ailleurs. Il tient en une question :
comment le gouvernement a-t-il pu faire appel à McKinsey pour l'aider à mettre
en place sa politique vaccinale face à la pandémie ? D’autant que de toute
évidence, la firme américaine n'était absolument pas le prestataire indiqué.
Non pas en raison de son manque de compétences, mais tout simplement du fait
des compromissions accablantes du cabinet avec l'industrie pharmaceutique.
McKinsey compte en effet de nombreux laboratoires mondiaux parmi ses clients, à
commencer par Pfizer. Un conflit d'intérêts qui ne laisse pas d'interroger.
Les liens de McKinsey avec
l'industrie pharmaceutique sont notoirement toxiques. La firme est notamment
impliquée dans l’un des plus grands scandales sanitaires de l'histoire des
États-Unis : l'affaire OxyContin, du nom de cet opioïde produit par le
laboratoire Purdue. Pour doper ses ventes, ce fabricant de médicaments a eu
recours pendant vingt ans à une politique commerciale ultra-agressive, causant
la mort présumée de quelque 450.000 Américains par overdose. En novembre 2020,
Purdue a plaidé coupable de ces accusations devant la justice fédérale. Un mois
plus tard, le 8 décembre 2020, la direction de McKinsey, mise en cause par
le New York Times pour avoir recommandé à Purdue cette
politique commerciale délétère, a reconnu publiquement « une erreur ».
En travaillant avec une
entreprise à la fois liée à Big Pharma et fautive, de son propre aveu, dans son
approche des questions de santé, la Macronie a commis une gravissime erreur
politique. Et ce ne sont évidemment pas des seconds couteaux comme Amélie de
Montchalin ou Olivier Dussopt qui sont parvenus hier à prouver le contraire. La
responsabilité politique de cette affaire incombe en réalité à une seule
personne : Emmanuel Macron.
Titre et Texte: Rédaction,
Front Populaire, 31-3-2022
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