La guerre russo-ukrainienne continue de
faire rage. Pour Nikola Mirkovic, auteur de L'Amérique Empire (éd. Temporis) et
président de l'association Ouest-Est, il n'y a pas de doute : l'ère de la toute
puissance géopolitique des États-Unis touche à sa fin.
Nikola MIRKOVICE
La guerre qui se déroule actuellement en Ukraine n’est pas l’aboutissement d’une rivalité territoriale entre Russes et Ukrainiens, elle est le résultat d’une guerre d’attrition économique et politique que les USA mènent contre la Russie depuis l’implosion de l’URSS. Ce que les médias dominants n’évoquent pas en revanche est que la contre-offensive russe n’est pas que militaire, elle est également économique et politique. Ces deux derniers volets du plan de Poutine ont été largement sous-estimés par le camp atlantiste.
Quand le président
démocratiquement élu ukrainien, Viktor Ianoukovich, préféra signer un
partenariat stratégique avec Moscou plutôt qu’avec l’Union européenne en 2014,
l’UE et les USA appuyèrent un coup d’Etat afin de le remplacer par un président
prêt à pactiser immédiatement avec Bruxelles. À la suite du renversement
violent du président, les russophones du pays se sont soulevés et ont rejeté le
nouveau régime qui a répondu aux manifestants en envoyant l’armée. La révolte
s’est transformée en une guerre civile qui a coûté la vie à plus de 14 000
personnes jusqu’en février dernier. Les Américains ont profité de cette
situation pour mettre l’Ukraine sous contrôle et la planter comme un coin entre
la Russie et l’Europe de l’Ouest. Le Pentagone et l’OTAN n’ont pas perdu une
minute pour former et cuirasser l’armée de Kiev contre les Russes.
L’ex-porte-parole de la défense US John Kirby a avoué récemment que pendant ces
huit dernières années les USA « préparaient l’armée ukrainienne à la
guerre. » Le membre du Congrès américain Seth Moulton, lui, dit
: « Nous sommes fondamentalement en guerre, bien que par procuration,
avec la Russie et il est important que nous gagnions. » Les Ukrainiens
servent malheureusement de chair à canon dans la stratégie de Washington
d’affaiblissement de la Russie. Pour le professeur de science politique
américain John Mearsheimer : « (…) les Etats-Unis sont le responsable
principal de la crise en Ukraine. »
En contre-attaquant au Donbass, le président russe Vladimir Poutine veut donc régler le problème des russophons ostracisés d’Ukraine et, par la même occasion, s’assurer que Kiev ne devienne plus un protectorat US. Mais la principale cible du Kremlin n’est pas l’Ukraine, c’est le responsable de cette situation : Washington. En parallèle de la guerre, la Russie déploie donc une stratégie économique et politique internationale d’envergure que les atlantistes n’ont pas vu venir.
Si en effet les pays membres
de l’OTAN ont réagi presque comme un seul homme derrière Joe Biden pour armer
et financer Volodymyr Zelensky à Kiev, ce ne fut pas le cas du « reste du
monde. » Au contraire, la très grande majorité des pays de la planète n’a pas
appliqué de sanctions contre la Russie qui, elle, cherche à bâtir une
alternative à l’ordre mondial américain. Ainsi la Russie renforce ses relations
avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – 41% de la
population mondiale) qui pourraient attirer bientôt de nouveaux pays comme
l’Iran, l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Turquie. Avec l’Inde,
l’Iran et de nombreux pays d’Asie centrale et du Caucase, la Russie construit
l’International North South Transport Corridor (INSTC) qui relie le
nord de l’Europe à la mer d’Arabie et la porte de Bombay. Avec la Chine, la
Russie bâtit le Northern Sea Route qui va court-circuiter le
canal de Suez et rapprocher le corridor maritime d’Asie de l’Est à l’Europe du
Nord de 11 200 à 6 500 milles nautiques. Au sein de ces alliances la Russie
dédollarise les transactions, c’est-à-dire qu’elle accepte les paiements en
monnaies nationales à la place du dollar, ce qui représente un coup terrible
contre l’économie américaine dont le dollar est un des principaux piliers.
Moins le monde échange en dollars, plus les Américains perdront le « privilège
exorbitant » de leur monnaie qu’ils peuvent imprimer quasiment à volonté.
Les US ne sont plus la
superpuissance de la fin des années 1990. Aujourd’hui la société américaine
s’est appauvrie, elle est fragmentée, divisée et Moscou le sait. Les US ont
atteint un taux d’inflation officiel de 9% en juillet et sont endettés à
hauteur de 30.000 milliards de dollars. Washington intime l’Inde de bloquer des
navires russes et l’Arabie Saoudite de produire plus de pétrole mais reçoit des
fins de non-recevoir cinglantes. Le « reste du monde » n’obéit plus au doigt et
à l’œil à l’Oncle Sam. Pendant que l’euro passe sous le dollar pour la première
fois en 20 ans et que l’Allemagne enregistre son premier déficit commercial en
30 ans, la Russie signe de nouveaux contrats en Asie, en Afrique et en Amérique
du Sud. Tandis que l’Europe entrevoit la récession, la Russie, elle, annonce
des excédents commerciaux. Les sanctions atlantistes contre la Russie font plus
de mal à l’UE qu’à la Russie. Le président brésilien Jair Bolsonaro est clair :
« les barrières américaines et européennes contre la Russie n’ont pas
marché. » Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, quant à lui, dit
: « (…) je pensais que nous nous tirions une balle dans le pied, mais
maintenant, il semble que l’économie européenne se soit tiré une balle dans les
poumons et suffoque. » Les États-Unis et l’Union européenne pensaient
qu’ils allaient « provoquer l’effondrement de l’économie russe »,
pour reprendre l’expression du ministre français de l’économie Bruno Le Maire,
mais c’est le contraire qui est en train de se produire. Début
juillet, La Tribune titrait : « Electricité : les prix
risquent de tripler cet hiver » L’alignement politique de Paris sur
Bruxelles et Washington va nous coûter très cher.
Le véritable objectif de la
Russie est l’affaiblissement du modèle mondialiste états-unien. Pour Vladimir
Poutine : « Ceci est le commencement de la transition de l’égocentrisme
libéral mondialiste américain vers un monde multipolaire. Un monde qui ne
repose pas sur des règles égoïstes inventées dans le seul but de poursuivre
l’hégémonie; ni sur des doubles standards hypocrites, mais sur la base du droit
international et de la souveraineté des peuples et des civilisations. Sur leur
désir de vivre leurs destinés historiques avec leurs valeurs et traditions et
coopérer sur les bases de la démocratie, de la justice et de l’égalité. »
Moscou étend son influence au sein du « reste du monde » qui ne veut plus de la
domination, de l’hypocrisie et de l’ingérence des atlantistes. L’Université de
Brown a démontré que les guerres américaines ont coûté la vie de presque un
million de personnes depuis 2001. Washington a toujours menti pour déclencher
ces guerres sans aucun respect du droit international ni de la souveraineté des
nations. Tant que la force était du côté états-unien, le « reste du monde »
s’est tu mais maintenant qu’il y a un semblant d’équilibre des forces, les volontés
se libèrent. À la suite de la Russie, des États se lèvent contre la tutelle
économique et militaire de Washington mais aussi contre sa propagande woke issue
de la cancel culture que les US et les capitales européennes
et anglo-saxonnes veulent imposer à la planète. Le rejet du « reste du monde »
est économique, politique et culturel.
Face à cette fébrilité, les US
et leurs satellites de l’OTAN sont face à un dilemme historique : avouer leur
affaiblissement et reconnaître qu’une alternative à leur ordre mondial est en
train de prendre forme, ou bien tenter le tout pour le tout dans un affrontement
militaire qui risque d’être mondial et nucléaire. N’oublions pas que les USA
ont relancé leur économie deux fois grâce aux deux dernières guerres mondiales.
Joe Biden ne contrôle quasiment rien dans la Maison Blanche et le risque que
l’Etat profond belliciste des États-Unis le pousse à un affrontement militaire
n’est pas à prendre à la légère. Le problème cette fois-ci est que des
concurrents des Américains ont des armes nucléaires et des vecteurs
hypersoniques que les US ne maîtrisent pas encore. Espérons donc que les
Américains aiment leurs enfants plus qu’ils n’aiment leur Empire.
Quant à la Russie, la France a
eu tort de la sous-estimer. L’heure est donc venue de retrouver la voie
diplomatique et le chemin de la paix. La place de la France doit être parmi les
grandes nations souveraines et indépendantes de toute tutelle. Le modèle
atlantiste a vécu, il est urgent de tourner la page.
Titre et Texte: Nikola
MIRKOVIC, Front Populaire, 29-7-2022
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