Le président de la République a
réaffirmé dans son discours télévisé du 14 juin son
attachement aux principes républicains et mis en garde contre les «
séparatistes ». Le combat noble de l’antiracisme « est dévoyé lorsqu’il se
transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du
passé. […] La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son
histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de
statues. » Emmanuel Macron pense qu’il faut « regarder ensemble toute notre
histoire, toutes nos mémoires » mais en aucun cas « revisiter ou nier ce que
nous sommes. »
«
Comment la République universaliste va-t-elle survivre aux dérives des combats
contre l’offense et la discrimination qui se multiplient ? »
La tâche ne va pas être facile tant
aujourd’hui les vérités alternatives ont droit au chapitre et que le respect
des sensibilités des uns et des autres déterminent les nouvelles règles du
vivre-ensemble. Toutes nos mémoires ? Donc toutes nos sensibilités ? Jusqu’où
ce respect doit-il « obliger » la démocratie dans notre monde postmoderne ? Et
comment la République universaliste va-t-elle survivre aux dérives des combats
contre l’offense et la discrimination qui se multiplient ? La confusion est
totale entre le combat antiraciste, légitime, et la dénonciation d’un racisme
d’État français qui aurait été structuré par le colonialisme puis le
néo-colonialisme qui régirait encore les institutions.
À l’appel du collectif Adama
Traoré, on manifeste contre la police et l’État, tous racistes, on traite de vendus les Noirs
qui sont du côté des forces de l’ordre. Le collectif dénonce la «
récupération » de SOS racisme qui appelait à un rassemblement en l’honneur de
George Floyd mardi 9 juin. Le mouvement antiraciste fondé en 1984 est accusé de
ne pas être assez politique, trop proche du PS. Un bon antiraciste se doit
d’être sur la ligne Traoré, sinon il n’est pas un « vrai » antiraciste.
Samedi 13 juin, durant la
manifestation contre le racisme, on a entendu le slogan « sales juifs » lancé
en direction des militants de Génération identitaire qui avaient déployé une
banderole « Justice pour les victimes du racisme anti-blanc » sur un immeuble
place de la République à Paris. Que faut-il comprendre ? Que ces militants sont
les représentants du « privilège blanc », des dominants occidentaux, dont le «
juif » constituerait l’essence même ? Certes, ce
slogan était marginal au sein du rassemblement, mais la confusion règne, on
attise les haines.
« À
force d’effacer les traces historiques, patrimoniales et artistiques de la
ségrégation, on finira par penser qu’elle n’a jamais existé… quelle bêtise. »
Les statues de Churchill, héros de la Seconde
Guerre mondiale, vainqueur des nazis, sont la cible des manifs antiracistes en
Grande-Bretagne. Sa statue à Londres a été taguée « was a racist
». Sa petite-fille s’en est émue, la statue est désormais protégée par un
coffrage… L’homme qui a tenu tête à Hitler aurait eu des comportements racistes
anti-indiens lorsqu’il était en fonction dans l’ancienne colonie de l’empire
britannique. Ironie de l’histoire, ce sont des militants néo-nazis qui se
posaient en « défenseurs » de la statue de Churchill samedi 13 juin, alors que
se déroulait la manifestation « Black Lives Matter ». Le grand homme a dû se retourner dans sa tombe…
Jean-Marc Ayrault veut
débaptiser la salle Colbert de l’Assemblée nationale. Faut-il aussi raser sa bonne ville de Nantes dont
la richesse a pour origine en grande partie le commerce triangulaire ? Le
film Autant en emporte le vent et sa chronique du monde
sudiste durant la guerre de sécession est supprimé
provisoirement de la plate-forme HBO pour aller se refaire une vertu. On avertira
le spectateur supposé imbécile que beaucoup de scènes reflètent un comportement
raciste ségrégationniste. Nul doute que sous peu, quelques ayatollahs
demanderont la mise à l’index définitive du film aux dix oscars. Comme le dit
l’enseignante et essayiste Fatiha
Agag-Boudjahlat sur son compte Twitter, « à force d’effacer les traces historiques,
patrimoniales et artistiques de la ségrégation, on finira par penser qu’elle
n’a jamais existé… quelle bêtise. »
Mona Ozouf, notre historienne nationale, plaide
pour plus de complexité : « Jules Ferry est le père de l’école
laïque, gratuite et obligatoire. On lui doit les libertés sur lesquelles nous
vivons encore : liberté de la presse, liberté syndicale, élection des maires ».
Il a été un colonisateur sans état d’âme, reconnaît-elle, mais pour avoir fait
des écoles partout en Algérie, il a eu « comme principaux ennemis les colons,
arc-boutés contre l’enseignement aux enfants arabes ». La complexité n’est pas
la préoccupation de nos censeurs décoloniaux identitaires. Le révisionnisme ne fait pas dans le détail.
« Jusqu’où ira-t-on ? Bientôt le mot femme risque également de disparaître du vocabulaire pour
non-conformité aux idéaux progressistes de la fluidité des genres. On censure bien l’histoire,
pourquoi pas la biologie ? »
Le terme de « privilège blanc » est devenu en
quelques jours un lieu commun. Il n’y a de racisme que blanc, de
privilège que blanc, et toute autre interprétation est raciste. Jusqu’où
ira-t-on ? Bientôt le mot femme risque également de disparaître du vocabulaire
pour non-conformité aux idéaux progressistes de la fluidité des genres. On
censure bien l’histoire, pourquoi pas la biologie ?
Pour avoir ironisé à propos d’un
article qui parlait de « personnes » ayant des règles, J.K. Rowling est en proie à une violente
polémique sur les réseaux sociaux. La célèbre romancière, auteure
des Harry Potter qui l’ont rendue célèbre et riche
(plus que la reine d’Angleterre !), est devenue, pour une partie de ses fans,
une horrible sorcière transphobe. Certaines
femmes trans (à pénis) n’ont effectivement pas leurs règles. Et des hommes
trans (à vulves) les ont. Pour ces militants trans, il est donc impropre et
stigmatisant de parler de « femmes ayant leurs règles » et l’ironie de J.K.
Rowling est transphobe.
Accablée par ces attaques, J.K. Rowling a publié
un long texte d’explication. Elle y dit notamment que le sexe biologique est
une réalité et que le dire n’est pas de la haine. Elle
raconte avoir entamé des recherches sur l’identité de genre et les personnes
trans, pour les besoins d’un livre.
Elle écrit qu’elle a rencontré des
spécialistes de la dysphorie de genre (ne pas se sentir « né dans le bon sexe
») et des personnes trans, qui sont « profondément préoccupées par la façon
dont un concept sociologique influence la politique, la pratique médicale et la
protection des civils ».
Elle s’inquiète de l’énorme explosion
du nombre de jeunes femmes souhaitant effectuer une transition et également
du nombre croissant de personnes qui semblent « détransitionner » (retourner
à leur sexe d’origine) et qui regrettent d’avoir pris des mesures qui, dans
certains cas, ont irrévocablement modifié leur corps, et les a rendues
stériles.
« Sur
les réseaux sociaux, certains reprochent à JK Rowling, dans le contexte de
l’affaire George Floyd, de mettre en avant de façon particulièrement obscène
son privilège de femme blanche dominante, insensible à la transidentité. »
Il y a dix ans, précise-t-elle, « la majorité des
personnes souhaitant passer au sexe opposé étaient des hommes. Ce ratio s’est
désormais inversé. Le Royaume-Uni a connu une augmentation de 4400% des filles
référées pour un traitement de transition. Les filles autistes sont extrêmement
surreprésentées dans leur nombre. » Certains disent que si on ne laisse pas un
adolescent dysphorique faire la transition, il se tuera. Cet argument, selon
J.K. Rowling, est réfuté par des études psychiatriques. Si j’étais née trente
ans plus tard, s’interroge-t-elle, « moi aussi, j’aurais pu essayer de
transitionner. La tentation de fuir la féminité aurait été
alléchante ayant vécu avec un trouble obsessionnel-compulsif sévère à l’adolescence.
» Il est assez courant, à l’adolescence, ose-t-elle écrire, « de se sentir
confuse, sombre, à la fois sexuelle et non sexuelle, incertaine vis-à-vis de
qui on est ou on n’est pas ». Faut-il pour autant être poussé à la transition
par des associations souvent militantes ?
J.K. Rowling déplore enfin que toute
femme/féministe/homosexuelle, y compris trans, critiquant les énoncés de ces
extrémistes, se fasse immédiatement attaquer, traiter de TERF (trans-exclusionary radical feminist ou féministe
radicale qui exclut les trans). Parfois même interdire de
réseaux sociaux.
Suite à la publication de ce texte,
les injures ont redoublé. Pire, sur les réseaux sociaux, certains lui
reprochent, dans le contexte de l’affaire George Floyd, de mettre en avant de
façon particulièrement obscène son privilège de femme blanche dominante,
insensible à la transidentité. Le casting de
Harry Potter au grand complet s’est désolidarisé de J.K. Rowling. Ouf, sinon on
aurait risqué l’autodafé des livres et le retrait des films. Daniel Radcliff
(Harry Potter), Emma Watson (Hermione) et Rupert Grynt (Ron) ont affirmé : «
Oui, les femmes trans sont des femmes. »
Désormais, se dire femme suffit à
être femme, même si vous avez un pénis, des testicules et de la barbe. Et les femmes n’ont pas leurs règles : ça c’était
le monde d’avant. George Orwell, inventeur de la novlangue qui se propose de
purifier idéologiquement le langage dans son roman 1984, n’aurait pas trouvé mieux.
Titre et Texte: Valérie Toranian, Revue des Deux Mondes, 15-6-2020
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