sexta-feira, 5 de fevereiro de 2021

À Washington, le Capitole brûle !

Jean-Michel Demetz

À l'été 1814, ce sont des soldats britanniques qui incendient le Congrès, sanctuaire de la démocratie américaine. Ils se retireront très vite, laissant derrière eux un énorme traumatisme.

Ce soir du 24 août 1814, les bâtiments officiels de la capitale des États-Unis sont en feu. Les “habits rouges” sont entrés dans Washington, quelques heures après avoir mis en déroute, à Bladensburg, les miliciens américains commandés par le général William Winder. Ils étaient certes supérieurs en nombre mais sans expérience et n'ont opposé qu'une piètre défense. Le président des États-Unis, James Madison, et son secrétaire d'État, James Monroe, ont échappé à la capture et pu fuir le champ de bataille.

Les troupes anglaises dans Washington, 24 août 1814. Photo: Granger/Bridgeman Images

Ironie des armes, en entrant dans ce qui ne s'appelle pas encore couramment la Maison-Blanche, mais le Presidential Mansion (le manoir du Président) ou l'Executive Residence (la résidence de l'Exécutif), les officiers britanniques trouvent sur place un dîner présidentiel tout prêt, avec quarante couverts, qui avait été prévu pour la victoire ! Ils en profitent pour se restaurer avant de donner l'ordre d'incendier les édifices gouvernementaux. Bientôt, outre la résidence du chef de l'État, le Capitole, siège des deux chambres du Congrès, sa bibliothèque, les différents ministères, l'Arsenal, sont la proie des flammes.

Voilà deux ans que la jeune République a déclaré la guerre au royaume de George III. Le gouvernement américain était excédé par la volonté britannique d'imposer un strict blocus à la France de Napoléon Ier et d'entraver ainsi le commerce entre les États-Unis et les ports français. De nombreux incidents ont exaspéré l'opinion : navires sous pavillon américain arraisonnés par la Royal Navy, arrestation d'anciens marins britanniques embarqués sur les vaisseaux américains et poursuivis pour désertion, vente d'armes par les agents de Londres aux Indiens du sud des Grands Lacs…

Un parti favorable à la guerre s'est formé. Dans un premier temps, les troupes américaines envahissent le Haut-Canada (l'actuel Ontario), puis le Bas-Canada (le Québec), où elles espèrent gagner l'appui des Canadiens français. Mais les opérations militaires sur les rives du lac Érié, dans la péninsule du Niagara, au Vermont, puis dans la vallée du Mississippi, ne sont guère décisives pour un camp ou l'autre.

Sur le littoral atlantique, la Royal Navy, la plus puissante marine de l'époque, assure un blocus efficace. La chute de Napoléon Ier, en avril 1814, permet à Londres d'envoyer des renforts. À l'été, une flottille britannique est dépêchée avec mission de s'emparer de Washington afin de contraindre les États-Unis à négocier la paix. « En quarante- huit heures, la ville peut être à nous », a promis l'amiral George Cockburn.

À Washington, les citoyens fuient

À la mi-août, les vaisseaux britanniques jettent l'ancre dans la baie de Chesapeake et les hommes commencent à se déployer sur la terre ferme du Maryland. La ville de Washington n'est pas défendue. Par une monumentale erreur d'appréciation stratégique, le secrétaire à la Guerre, John Armstrong, s'est convaincu que jamais les Britanniques ne viseraient la capitale mais s'attaqueraient plutôt à Baltimore (dans l'État du Maryland), un port florissant, situé à une soixantaine de kilomètres au nord.

À l'époque, Washington, il est vrai, n'est qu'une petite ville de 15 000 habitants, aux rues non pavées, infestée, l'été, par les moustiques des marais proches, et boueuse l'hiver. La cité, n'abrite le Congrès que depuis 1800 et, malgré les plans somptueux tirés par l'urbaniste français Pierre Charles L'Enfant, elle reste en chantier.

À l'annonce de l'arrivée imminente des soldats britanniques, de nombreux citoyens fuient, n'emportant que quelques objets de valeur. C'est la panique. On s'arrache à prix d'or chevaux et attelages. Au manoir du Président, Dolley Madison, la First Lady, une quaker énergique, ne perd pas son sang-froid : sans nouvelles de son époux, elle ordonne de charger sur un chariot l'argenterie, le portrait de George Washington, le père de la nation, qui était accroché dans le hall d'entrée, ainsi que des documents du bureau présidentiel.

Au même moment, au département d'État, trois employés prennent l'initiative d'emporter dans des sacs de lin les textes de traités et de lois et les originaux qu'ils jugent les plus importants, parmi lesquels ceux de la déclaration d'Indépendance, la Constitution, le Bill of Rights (les dix premiers amendements de la Constitution, qui forment la déclaration des Droits). Eux aussi fuient in extremis.

Au soir de cette journée du 24 août, les “habits rouges” du général Robert Ross et de l'amiral Cockburn défilent sur Pennsylvania Avenue. Quelques heures plus tard, ils allument l'incendie. Le Capitole est encore partiellement en travaux : seules les ailes nord et sud, reliées par un couloir en bois, ont été construites. La partie centrale, avec sa large coupole, reste à bâtir. Dans les deux ailes, les soldats ont entassé tout le mobilier et ajouté quelques barils de poudre. À l'étage, les 3 000 volumes de la bibliothèque du Congrès servent de matériel de combustion.

Un noble édifice incendié

Une statue en marbre, effigie de la Liberté, va fondre sous la chaleur. « Les flammes étaient si intenses qu'on aurait pu lire à leur lueur », rapportera un témoin. La colline du Capitole, le centre de la ville, est désormais un gigantesque brasier qui va brûler toute la nuit. Depuis sa résidence, le ministre plénipotentiaire de la France, Louis Sérurier, note : « Je n'ai jamais contemplé de spectacle plus terrible et en même temps plus magnifique. » Un habitant, le Dr James Ewell, témoigne : « Jamais je n'oublierai mes tourments en voyant ce noble édifice enveloppé par les flammes qui s'élevaient vers les sommets par les fenêtres, ni ce bruit, semblable au tonnerre, qui emplissait la nuit d'une tristesse sombre et lugubre. »

Dans la ville, seules les résidences privées sont épargnées ainsi que l'Office des brevets : son administrateur a plaidé avec succès que sa destruction serait un acte de barbarie. Mais l'amiral Cockburn a insisté pour que les bureaux du National Intelligence, un journal qui l'a attaqué dans le passé, soient proprement détruits.

Le lendemain 25 août, des pluies diluviennes, accompagnées de tornades, s'abattent sur la ville et noient les flammes. Mais le mal est fait. Les Britanniques repartent le jour même. À leur retour, le 27, le président Madison et son secrétaire d'État ne peuvent que constater le triste état de leur capitale en cendres.

Les “tuniques rouges” ont beau alléguer avoir incendié Washington en représailles à l'incendie par des soldats américains, un an plus tôt, de York, la capitale de la colonie canadienne, le choc causé par l'incendie est immense. Ce raid destructeur apparaît comme une revanche mesquine sur ces anciens sujets du roi George III qui, quarante ans plus tôt, ont défié et humilié la Couronne. En visant le Capitole, les Britanniques se sont aussi attaqués à ce qui constitue la raison d'être de la république des États-Unis : le principe représentatif et la foi en la démocratie, appelée à devenir le régime universel.

Dès le 1er septembre, le président Madison dénonce « un mépris délibéré des principes humanitaires et des règles d'une guerre civilisée ». Dans la mythologie nationale, la destruction des bâtiments symboles des institutions de la République restera comme un pur acte de vandalisme impardonnable. Critiqué pour son manque de discernement, le ministre de la Guerre, Armstrong, doit démissionner le 27 septembre.

Dans la mythologie nationale, la destruction des bâtiments symboles des institutions de la République restera comme un pur acte de vandalisme…

Mais l'esprit de résistance va être galvanisé par l'humiliation subie cette funeste nuit du 24 août. Trois semaines plus tard, à la mi-septembre, les soldats du roi George sont tenus en échec devant le fort McHenry, qui défend Baltimore. Au même moment, au nord, une autre offensive britannique est repoussée à Plattsburgh (État de New York). Faute de victoire décisive et inquiets du coût croissant pour les finances publiques des opérations militaires, les deux belligérants signent, le 24 décembre, à Gand, en Belgique, une paix blanche : sans vainqueur ni vaincu, on retourne aux frontières antérieures à la guerre.

Après avoir examiné l'hypothèse d'un déplacement permanent de la capitale à Philadelphie, décision est prise de rebâtir Washington. Le Capitole prend la forme qu'on lui connaît actuellement.

Mais il va subir d'autres outrages. Le week-end du 4 juillet 1915, un ancien professeur de l'université Cornell, Erich Muenter, fait sauter trois bâtons de dynamite dans la salle de réception du Sénat en signe de protestation contre l'aide financière accordée au Royaume-Uni en guerre. Le 1er mars 1954, quatre indépendantistes portoricains déchargent leurs armes semi-automatiques dans la Chambre des représentants, blessant cinq élus. Le 1er mars 1971, c'est un groupe opposé à la guerre au Viêtnam qui fait exploser une bombe dans les toilettes du Sénat. Le 11 septembre 2001, c'était aussi le Capitole qui est visé par les terroristes du vol UA 93, qui s'est écrasé avant d'arriver à destination. La “colline parlementaire” demeure une cible de choix.

Titre et Texte: Jean-Michel Demetz, Valeurs Actuelles, nº 4391, du 21 au 27 janvier 2021

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