Valérie Toranian
Faut-il dissoudre l’Unef ? Ce syndicat de gauche, autrefois féministe et laïc, a opéré depuis plusieurs années une lente dérive radicale pour coller à la mode islamo-gauchiste, racialiste et néo-féministe qui sévit à l’université. La confirmation, par sa présidente Mélanie Luce au micro de Sonia Mabrouk, qu’existaient des réunions « non-mixtes racisées » (interdites aux Blancs), braque de nouveau les projecteurs sur les turpitudes post-modernes du syndicat étudiant.
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Mélanie Luce, présidente de l'UNEF, lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 20 février 2020. Photo: Florent Bardos/ABACAPRESS.COM |
Séparer les Noirs des Blancs, c’était le programme du Ku-Klux-Klan et de l’État apartheid d’Afrique du Sud, voilà qu’il nous revient par la gauche, au nom du bien et du progrès. On crie, on s’indigne, à juste titre. Mais que faut-il encore attendre de l’Unef, le syndicat qui a porté à sa vice-présidence une militante du voile islamique, Maryam Pougetoux et qui vient de désigner nommément à la haine publique deux professeurs de Sciences-Po Grenoble accusés, selon la section locale du syndicat, d’être fascistes car « islamophobes » ? Il n’en a pas fallu beaucoup plus à Samuel Paty pour se faire décapiter…
« Pire qu’une dérive, l’histoire de l’Unef est celle d’un
naufrage […] Aujourd’hui, l’organisation est à la pointe du combat pour les
droits des minorités qu’elle a substitué aux luttes pour les droits des
étudiants. »
Pire qu’une dérive, l’histoire
de l’Unef est celle d’un naufrage. Les positions laïques du syndicat, qui
s’était prononcé contre le port du voile à l’université en 2013, sont enterrées
depuis belle lurette. Aujourd’hui, l’organisation est à la pointe du combat
pour les droits des minorités qu’elle a substitué aux luttes pour les droits
des étudiants. Lutte des races, nouvelle lutte des classes, nouvelle lutte des
femmes.
Rétablir en France le délit de blasphème via la lutte contre « l’islamophobie », voilà le nouveau combat ! L’Unef était au premier rang de la manifestation contre «l’islamophobie » en novembre 2019, au cours de laquelle on avait scandé « Allahu akbar ». La même année, le syndicat étudiant s’était associé aux militants « antiracistes » de la Sorbonne qui demandaient l’annulation de la représentation des Suppliantes d’Eschyle parce que le metteur en scène utilisait des masques de couleur cuivre pour représenter les Danaïdes. Rétablir la censure, voilà un autre des nouveaux objectifs de l’Unef !
« Ce n’est plus un syndicat »,
déplore Jean-Christophe Cambadélis qui a présidé l’Unef-ID de 1980 à 1984. «
Ces militants sont devenus les gardes rouges du woke ». La
dérive de l’Unef a une cause. Son nombre d’adhérents est en chute libre. Cette
fuite en avant idéologique est censée les remettre en selle. Depuis 2017, la
Fage a ravi la première place à l’Unef. Les deux syndicats de gauche se sont
lancés dans une surenchère pour ravir les voix des racialistes, des promoteurs
de l’identité de genre et de l’écriture inclusive.
« Pour protéger son business syndical, l’Unef n’hésite
pas à se rallier à la cause de l’islam politique. »
Pour protéger son business
syndical, l’Unef n’hésite pas à se rallier à la cause de l’islam politique. Ces
dernières années, l’Unef s’est rapprochée des Étudiants musulmans de France
(Emf), organisation proche des Frères musulmans, implantée dans 26 universités. À Lyon 3,
les deux organisations ont fait liste commune pour les élections étudiantes. À Orléans,
l’Emf interdite de locaux et de subventions, car ne respectant pas le principe
de laïcité, a été abritée pendant plusieurs mois au sein des locaux de l’Unef.
De vraies affinités progressistes ! Comme l’explique Mohamed Louizi, ex-membre des Frères
musulmans, et ancien cadre de l’Emf : « Tous les débats que l’on voit
aujourd’hui au sujet de la laïcité, du voile, toutes les revendications
communautaristes prônées par les Frères musulmans ont déjà été abordés dans
leurs congrès étudiants dès les années 1991-1992 ».
Tandis que Jean-Luc Mélenchon,
converti au ségrégationnisme après son reniement laïc, témoigne à l’Assemblée
nationale de sa solidarité avec l’Unef, certains, à l’instar d’Éric Ciotti (LR)
demandent la dissolution de l’organisation. Jean-Michel Blanquer dénonce une dérive qui « ressemble
au fascisme ». Le ministre de l’Éducation veut rendre illégal le fait
d’organiser des réunions « en réalité racistes ». Christophe Castaner, patron
de LREM, réclame aussi des moyens judiciaires. Bruno Retailleau (LR) dénonce
une « provocation à la haine raciale » qui doit être sanctionnée par la loi.
Mais plutôt que de dissoudre
une organisation syndicale, ce qui n’est ni facile, ni souhaitable, mieux vaut
s’en prendre au nerf de la guerre. L’Unef reçoit chaque année des subventions
de l’État, proportionnellement aux sièges obtenus lors des élections étudiantes
du Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires) et du Cneser
(Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche). 458 850
euros en 2019. Cette somme est officiellement utilisée à la formation des
étudiants élus dans ces instances. Et sert dans la pratique au fonctionnement
de l’organisation.
« Si l’État ne finance aucun culte, pourquoi diable
irait-il financer l’idéologie ségrégationniste ? Doit-on financer avec nos
impôts les réunions en non-mixité de l’Unef ? »
Si le syndicat n’est plus un
syndicat mais un groupement politique racialiste, n’est-il pas logique de
réfléchir à ces allocations ? Imaginons un syndicat qui refuserait d’organiser
des réunions avec les Noirs. Accepterions-nous que nos impôts le subventionnent
? Si l’État ne finance aucun culte, pourquoi diable irait-il financer
l’idéologie ségrégationniste ? Doit-on financer avec nos impôts les réunions en
non-mixité de l’Unef ?
Les réunions en non-mixité et
non racisées existent depuis longtemps. Au sein de l’Unef et ailleurs. Elles
étaient au départ l’apanage d’associations radicales féministes excluant la
présence des hommes, de groupes antiracistes revendiquant l’entre-soi pour
parler de discriminations. La pratique s’est répandue et n’a plus grand-chose à
voir avec l’idée d’un « safe space » pour parler librement. L’essentialisation
des luttes qui passe par le refus de tout espace commun, de tout universalisme,
c’est la dérive dans laquelle veut nous entraîner la radicalité racialiste. Non
pas défendre ensemble les plus faibles ou les plus discriminés, mais refuser à
l’autre, sur des bases raciales, le droit de s’immiscer dans un combat qui «
n’est pas le sien ». Attiser copieusement les haines et le ressentiment. Et surtout
empêcher chacun de se détacher de ses appartenances pour faire société.
En antidote à cette bêtise
rétrograde, il faut lire le lumineux essai de Rachel Khan, Racée (Éditions
de l’Observatoire). Juriste, scénariste, actrice, écrivain, femme, noire,
sénégalaise et gambienne par son père, juive polonaise par sa mère (sans ordre
de préséance), elle se livre avec intelligence à un saccage joyeux des idéologies
racialistes et intersectionnelles. Elle croit, à l’instar d’Édouard Glissant,
que c’est la relation à l’autre qui crée l’identité. Et, dans le droit fil
de Romain Gary, que ne pas avoir d’identité est une identité.
Contre l’assignation identitaire et le « droit à être victime », contre le
terme « racisé » qui enferme dans une identité qu’on vous impose et qui
stigmatise, elle se bat pour la liberté d’être soi. « Seront désaliénés Nègres
et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée
du Passé. » Frantz Fanon.
Titre et Texte: Valérie
Toranian, Diretrice de la Revue des Deux Mondes, 22-3-2021
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