terça-feira, 11 de novembro de 2025

New-York: qui sont ces juifs progressistes qui ont voté pour M. Zohran Mamdani?

L'aveuglement des élites juives américaines progressistes face à Israël

Charles Rojzman

De gauche à droite, Lincoln Restler, le rabbin Moshe Indig et Zohran Mamdani pendant la campagne municipale à New York, 2 novembre 2025. RS.

Le fait qu’en 2025, près de 30% des Juifs new-yorkais aient voté pour un candidat musulman ouvertement antisioniste n’est pas seulement un événement électoral : c’est un symptôme historique. Il marque la dislocation d’un lien de conscience qui unissait depuis plus de soixante-dix ans la diaspora juive américaine à Israël, et au-delà, la rupture entre la mémoire du tragique et la morale contemporaine.

Car ce geste politique n’est pas un accident. Il est l’expression d’un déplacement profond : la substitution du devoir de lucidité par l’exigence de pureté morale. Là où la fidélité à Israël incarnait jadis la conscience d’un peuple ayant tiré les leçons du mal absolu, s’impose aujourd’hui une nouvelle religion sécularisée — celle de la compassion abstraite, de la repentance universelle, et du refus du tragique.

Dans l’Amérique progressiste, le Juif éclairé se veut désormais plus moral que fidèle, plus universel que particulier. Il craint d’être confondu avec la force qu’il condamne ; il se veut au-dessus des nations et des conflits, comme si la mémoire du mal pouvait justifier la fuite devant le réel. Mais cette fuite n’est pas la paix de l’esprit : elle est une abdication du sens.

Car Israël n’est pas seulement un État : il est le symbole d’un monde où l’histoire n’a pas abdiqué. Sa simple existence rappelle que la survie suppose le courage, la frontière, la force, et la responsabilité. Et c’est précisément cela que rejettent ces électeurs new-yorkais — non pas Israël en tant que tel, mais ce que son existence continue d’affirmer contre l’air du temps : que la liberté est tragique, que la paix se conquiert, et que l’identité ne se négocie pas.

Leur choix révèle une fracture bien plus vaste : celle d’une civilisation qui, croyant se purifier par la morale, s’aveugle sur les conditions de sa survie. C’est cette cécité des « demi-sachants », selon le mot de Jacques Ellul, que ce texte explore : celle des élites juives progressistes, cultivées mais désorientées, moralisatrices mais sans mémoire, qui confondent l’universalisme avec le déni du réel.

Le paradoxe des consciences indignées

Comment comprendre qu’une part significative — près de 40 % selon certains sondages — des Juifs américains se disent « choqués » par ce qu’ils appellent les « crimes de guerre » de l’armée israélienne à Gaza, et que certains osent même employer le mot de « génocide » ? Comment expliquer que, dans ce peuple dont la mémoire est saturée du mot Shoah, on en vienne à l’utiliser contre l’État d’Israël lui-même?

Ce paradoxe n’est pas accidentel. Il révèle une faille de civilisation : celle d’un Occident arrivé à ce point d’épuisement où la morale a remplacé la pensée, où la compassion tient lieu de jugement, et où la mémoire des crimes passés empêche de comprendre les périls présents. Ces Juifs américains, héritiers d’un monde saturé de bonne conscience, sont les enfants d’une culture qui croit penser mais ne sait plus voir.

Le règne des demi-sachants

Jacques Ellul appelait demi-sachants ces êtres qui croient savoir parce qu’ils ont lu, entendu, débattu, mais dont la connaissance ne déborde pas les frontières mentales que leur époque a tracées pour eux. Ils parlent avec assurance, mais leur intelligence s’est laissée confisquer par l’air du temps.

La majorité des élites juives américaines appartient à cette catégorie : cultivées, informées, mais prisonnières d’un paradigme moral où le monde n’existe plus que sous la forme du bien et du mal, du dominant et du dominé. Leur rapport à Israël s’inscrit dans ce schéma : elles voient en lui la puissance arrogante, et en l’autre, la victime rédemptrice. Ce qu’elles jugent, en réalité, ce n’est pas Israël, mais leur propre impuissance à penser hors des catégories de la morale progressiste.

L’universalisme devenu idéologie

L’universalisme, jadis grandeur de l’Occident, s’est retourné contre lui. Né du christianisme et des Lumières, il portait en lui la promesse d’une humanité réconciliée dans la raison et la liberté. Mais détaché de ses racines historiques, il s’est transformé en idéologie : une religion séculière qui prétend abolir la tragédie.

Dans cet universalisme dévoyé, Israël fait figure de scandale. Car il rappelle que la survie d’un peuple suppose la force, la frontière, le conflit, et que la liberté n’est pas un état de grâce mais une conquête. Ce rappel du tragique choque des consciences dressées à croire que la paix est le nom de la morale.

En ce sens, Israël n’est pas seulement jugé : il est excommunié.

Le manichéisme progressiste

Le monde contemporain se pense à travers la figure du « dominé ». C’est là le fruit d’une longue déchristianisation : l’Occident n’a pas cessé d’être chrétien, il a seulement remplacé Dieu par la Victime. La compassion s’est faite dogme, et la morale, instrument de domination symbolique.

Ainsi, tout conflit est réduit à une opposition simple : le fort a tort, le faible a raison. Dans cette logique, l’État juif ne peut qu’incarner le mal. Sa puissance militaire, son attachement à la souveraineté, sa fidélité à l’idée de peuple heurtent une culture occidentale qui ne supporte plus ni la hiérarchie, ni la frontière, ni la virilité.

Mais cette culture morale et abstraite, tournée contre la réalité, n’a pas seulement faussé le regard sur Israël : elle a désarmé tout un continent face au danger d’une islamisation rampante, longtemps sous-estimée. En refusant de nommer la violence issue d’un islam politique conquérant, en niant la logique d’emprise qui traverse certains courants religieux, l’Occident s’est condamné à l’aveuglement. Et les élites juives progressistes, par peur d’être confondues avec leurs adversaires idéologiques, se sont souvent faites complices de ce déni. Elles ont préféré accuser Israël plutôt que de reconnaître que la haine qui s’y déchaîne est la même qui grandit sur leurs propres terres.

Ce manichéisme satisfait les âmes fatiguées : il leur offre la paix du jugement moral. Il dispense de la complexité, il abolit la responsabilité. Il permet de condamner sans comprendre, d’aimer sans agir, de croire sans penser.

Le divorce entre le peuple et les élites

Mais ce discours n’a pas conquis tout le monde. Il s’est imposé dans les universités, les rédactions, les institutions culturelles, mais il n’a pas pénétré jusqu’au fond des peuples. Ceux-ci continuent, confusément, à sentir ce que leurs élites refusent de penser : que la civilisation n’est pas immortelle, que la paix n’est pas naturelle, que la violence, si elle n’est pas contenue, finit toujours par revenir. Ce peuple, qu’on dit « populiste », sait d’instinct ce que les demi-sachants ont oublié : que le monde n’est pas un espace moral, mais un champ de forces. Que la survie n’est pas un scandale, mais un devoir. Que la peur n’est pas un crime, mais une émotion civilisatrice.

Culpabilité post-Shoah et effacement identitaire

Chez les Juifs américains, cette fracture se double d’une blessure particulière : la culpabilité post-Shoah. L’horreur de l’extermination a laissé une empreinte telle qu’elle a engendré une méfiance métaphysique envers toute forme de puissance juive. Israël, en assumant sa souveraineté, rompt ce pacte implicite avec la faiblesse. Il scandalise les héritiers de la victime parce qu’il lui substitue le sujet.

Là où l’Europe juive avait appris à se taire pour survivre, Israël a appris à frapper pour vivre. Et cette mutation anthropologique est insupportable à ceux qui ont fait de la souffrance une identité. La culpabilité post-Shoah, au lieu d’engendrer la vigilance, a engendré la fuite devant la réalité. On confond aujourd’hui fidélité à la mémoire et refus du présent. Ce n’est pas l’État d’Israël que ces Juifs rejettent, mais la métamorphose du Juif qu’il incarne : de témoin à acteur, de victime à combattant.

Israël, miroir du monde déchiré

Israël est devenu, pour l’Occident, un miroir. Ce petit pays, constamment sommé de justifier son existence, reflète l’état d’une civilisation qui ne sait plus pourquoi elle existe. Sa guerre permanente est l’image renversée de notre paix épuisée. Sa détermination à vivre, malgré la haine, révèle notre résignation à mourir, par lassitude.

Israël rappelle à l’Occident ce qu’il fut : une civilisation du risque, de la volonté, de la continuité. Et c’est précisément ce rappel que l’Occident ne supporte plus. Il veut croire que l’histoire est finie, que la morale a remplacé le tragique, que la parole suffit à conjurer la guerre. Israël dément cette illusion. Son existence même prouve que la violence n’a pas disparu, qu’elle demeure au cœur du monde, et qu’elle exige d’être comprise, non niée.

C’est pourquoi l’hostilité envers Israël déborde largement le champ politique. Elle est d’ordre métaphysique : Israël incarne, à sa manière, la survivance de l’histoire dans un monde qui voulait en finir avec elle.

L’Occident regarde Israël comme on regarde un miroir où se reflète ce que l’on ne veut plus voir de soi : la nécessité du courage, la brutalité du réel, la persistance du mal. Sa condamnation d’Israël est une tentative de se purifier de sa propre impuissance.

La leçon d’Israël

Ce que nous enseigne Israël, à travers la haine qu’il suscite, c’est qu’aucune société ne se maintient sans conscience de son tragique. La paix n’est pas un état naturel, mais un effort constant. La morale n’est pas un substitut à la politique, et la compassion ne saurait tenir lieu de clairvoyance.

Il y a, dans le rapport de l’Occident à Israël, quelque chose d’un drame de la modernité : la fuite devant le réel, la peur de la puissance, la honte d’exister. Israël, par sa simple présence, contredit cette honte. Il dit : nous voulons vivre. Et ce vouloir-vivre, au lieu d’être admiré, est haï, parce qu’il rappelle ce que nous avons perdu — le sens de la continuité, le courage du particulier, la fidélité à soi-même.

Israël n’est pas seulement une nation ; il est devenu le test spirituel du monde moderne. L’aimer, c’est encore croire à l’histoire. Le haïr, c’est déjà vouloir en sortir.

Titre et Texte: Charles Rojzman, CAUSEUR, 11-11-2025 

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