Valérie Toranian
À l’ère des crises identitaires, du retour malheureux vers la race, l’origine et la couleur de peau, alors que ce qui nous divise prend le pas sur ce qui nous rassemble, Romain Gary nous propose une formidable leçon de vie. Un des-tin à rebours des dogmes et du déclinisme victimaire. L’assignation identitaire ? Pour l’auteur des Racines du ciel, elle ne peut exister. Tout homme est un héros en puissance qui se doit de dépasser les limites qu’on lui impose ou qu’il s’impose.
L’existence est d’abord un style. Cette vision esthétique lui vient de sa mère, qui lui avait inculqué « le goût de l’art vivant et vécu ». Et l’avait promis à un grand destin. À l’instar d’Oscar Wilde, Romain Gary, né Roman Kacew, a mis son génie dans ses multiples vies et seulement son talent dans ses œuvres. L’écriture est la promesse d’une perpétuelle réincarnation. La vie devant soi compte plus qu’être soi. Et d’abord être qui ? Romain Gary, Émile Ajar, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat ? L’écrivain aux multiples pseudonymes, le reporter, le diplomate turbulent ? Ou avant tout l’avia-teur de la France libre, l’un des premiers à avoir rejoint Londres après l’appel du 18 juin?
Compagnon de la Libération, « la seule tribu à laquelle j’ai appartenu à part entière », disait-il. Il disait aussi que « de Gaulle avait juste ce qu’il fallait de gisant de cathédrale et d’armure de chevalier pour soutenir notre inspiration », rappelle Jean-Pierre Naugrette. La sienne ne lui fera jamais défaut pour dresser de magnifiques portraits du Général, textes réunis dans le recueil Ode à l’homme qui fut la France.
Sa vie, qu’il achèvera en se tirant une balle dans la tête, sera un éternel pied de nez à la mort. Ses transformations, ses changements d’identité, « ne sont en fait que des stratégies de survie successives », écrit sa biographe Myriam Anissimov. Car Gary « était un juif de Wilno, un survivant qui avait perdu pratiquement tous les membres de sa famille dans les flammes du génocide des juifs ». Du désespoir, on ne guérit jamais vraiment. « J’ai tout le temps mal chez les autres », écrivait Romain Gary.
Cette façon de « souffroter » l’agaçait. Il s’en défendait dans son œuvre par le rire. Et par l’humour juif, qu’il maniait avec jubilation. L’imagination de l’écrivain transfigure le réel pour mieux l’en libérer. Ce « jongleur de langues », comme l’appelle Pierre Assouline, brouillait les pistes et son image, effaçait les traces du passé.
« L’écrivain Roger Grenier, qui fut avec Robert Gallimard pendant vingt ans son éditeur, savait qu’“il affabulait tout le temps” et qu’il “avait besoin de vivre dans le drame” », rappelle Olivier Cariguel. Lucien d’Azay raconte Gary à travers les yeux de sa première femme Lesley, épousée à Londres en 1945. Un « cabotin prestidigitateur, féru de pitreries et de canulars ». « Il adorait prédire des catastrophes, non seulement à l’échelle mondiale, mais aussi celles dont son entourage risquait d’être victime, et il était franchement déçu s’il n’arrivait aucun malheur », s’amuse-t-elle dans ses mémoires. Il la quittera pour l’actrice Jean Seberg, qui se donnera la mort dans des conditions mystérieuses un an avant son propre suicide.
La
légende Gary se
nourrira aussi de cet épisode
dramatique. Sa vie,
sa mort, son
œuvre, ses mystifications expliquent-elles le
succès et le prestige dont il
jouit aujourd’hui encore auprès de la jeunesse ? Indéniablement. Mais
une autre facette
du personnage y
contribue aussi :
Romain Gary, prophète
du respect de
l’environnement. Sa «
conception humaniste d’un
monde meilleur [...]
suppose [...] un traitement respectueux
des êtres dépendant
de notre bienveillance, comme les animaux et les plantes ». « En
laissant voir la complexité et l’ambiguïté
des différents enjeux,
non seulement environnementaux mais aussi sociaux, liés à la protection de
la nature, Les Racines du ciel se révèle comme un précurseur dans le domaine de
l’écologie sociale », écrit Sara Buekens.
Glorifié, décrié,
moqué, méprisé, adulé
de son vivant
(il est irré-sistible
de relire les
critiques littéraires encensant
Ajar pour mieux
assassiner Gary ou
l’inverse), le double
prix Goncourt fut
un passe-muraille, un irrégulier,
un inclassable.Pour Pierre Assouline,
« sa véritable
identité, enfouie sous
son palimpseste d’identités
successives ou parallèles,
est la seule
qui ne souffre
aucune contestation et
qui a la
vertu d’absorber toutes
les autres : écrivain de langue
française. Rien de plus beau ». Et « quelle leçon pour l’étroitesse de notre
temps, la mesquinerie de notre société et la médiocrité de nos débats ! » Pas une seule goutte de sang français ne coule
dans ses veines, seule la France coule en lui. Romain Gary, une leçon de
français.
•
Lourdeur bureaucratique (qui s’est révélée catastrophique lors de la gestion de la pandémie), inflation des dépenses publiques qui représentent largement plus de la moitié de la richesse nationale, un record dans l’OCDE, profusion de fonctionnaires, hypertrophie des réglementations... : la France est-elle devenue un pays communiste ? Ou plutôt la patrie d’un communisme « mou » car notre démocratie n’a évidemment rien à voir avec un État totalitaire et policier ?
Nous avons posé la question à Jacques Sapir et à Agnès Verdier-Molinié. Pour l’économiste, non seulement l’économie de la France n’a rien de communiste mais à ses yeux, les déficiences de l’appareil productif français imposent, au contraire, le retour à un souverainisme économique et industriel. Il préconise pour une politique de l’État plus interventionniste mais qui, selon lui, est impossible en restant dans le cadre de l’euro.
Pour la directrice
de la Fondation pour la recherche sur les administrations et
les politiques publiques,
la passion savamment
entretenue de l’égalité,
l’hypertrophie de l’État-providence, la
mauvaise allocation des
ressources, le refus forcené de la comparaison chiffrée, le volume des agents
publics, toutes ces réalités militent pour recons-truire d’urgence
le modèle d’un
pays fortement bureaucratique. Et
afin d’éviter notre « dérive populo-communiste », il faut, selon Agnès
Verdier-Molinié, « agir au niveau constitutionnel ». Le débat est ouvert !
Titre et Texte: Valérie
Toranian, Revue des Deux Mondes, mai-jui 2021
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