sábado, 1 de maio de 2021

Aimer la France

Valérie Toranian

À l’ère des crises identitaires, du retour malheureux vers la race, l’origine et la couleur de peau, alors que ce qui nous divise  prend  le  pas  sur  ce  qui  nous  rassemble,  Romain  Gary nous propose une formidable leçon de vie. Un des-tin à rebours des dogmes et du déclinisme victimaire. L’assignation  identitaire  ?  Pour  l’auteur  des  Racines  du  ciel,  elle  ne  peut  exister.  Tout  homme  est  un  héros  en  puissance  qui  se  doit  de  dépasser  les  limites  qu’on  lui  impose  ou  qu’il  s’impose.  

L’existence  est  d’abord  un  style.  Cette  vision  esthétique  lui  vient  de  sa  mère,  qui  lui  avait inculqué « le goût de l’art vivant et vécu ». Et l’avait promis à un grand destin. À l’instar d’Oscar Wilde, Romain Gary, né Roman Kacew, a mis son  génie  dans  ses  multiples  vies  et  seulement  son  talent  dans  ses  œuvres. L’écriture est la promesse d’une perpétuelle réincarnation. La vie  devant  soi  compte  plus  qu’être  soi.  Et  d’abord  être  qui  ?  Romain  Gary, Émile Ajar, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat ? L’écrivain aux multiples pseudonymes, le reporter, le diplomate turbulent ? Ou avant tout l’avia-teur de la France libre, l’un des premiers à avoir rejoint Londres après l’appel du 18 juin? 

Compagnon de la Libération, « la seule tribu à laquelle j’ai appartenu à part entière », disait-il. Il disait aussi que « de Gaulle avait juste ce qu’il fallait de gisant de cathédrale et d’armure de chevalier pour soutenir notre inspiration », rappelle  Jean-Pierre  Naugrette.  La  sienne  ne  lui  fera  jamais  défaut  pour dresser de magnifiques portraits du Général, textes réunis dans le recueil Ode à l’homme qui fut la France.

Sa  vie,  qu’il  achèvera  en  se  tirant  une  balle  dans  la  tête,  sera  un  éternel  pied  de  nez  à  la  mort.  Ses  transformations,  ses  changements  d’identité, « ne sont en fait que des stratégies de survie successives », écrit  sa  biographe  Myriam  Anissimov.  Car  Gary  «  était  un  juif  de  Wilno, un survivant qui avait perdu pratiquement tous les membres de sa famille dans les flammes du génocide des juifs ». Du désespoir, on ne guérit jamais vraiment. « J’ai tout le temps mal chez les autres », écrivait Romain Gary. 

Cette façon de « souffroter » l’agaçait. Il s’en défendait dans son œuvre par le rire. Et par l’humour juif, qu’il maniait avec jubilation. L’imagination de l’écrivain transfigure le réel pour mieux l’en libérer. Ce « jongleur de langues », comme l’appelle Pierre Assouline, brouillait les pistes et son image, effaçait les traces du passé. 

« L’écrivain Roger Grenier, qui fut avec Robert Gallimard pendant vingt ans son éditeur, savait qu’“il affabulait tout le temps” et qu’il “avait besoin de vivre dans le drame” », rappelle Olivier Cariguel. Lucien d’Azay raconte Gary à travers les yeux de sa première femme Lesley, épousée à Londres en 1945. Un « cabotin prestidigitateur, féru de pitreries et de canulars ». « Il adorait prédire des catastrophes, non seulement à l’échelle mondiale, mais aussi celles dont son entourage risquait d’être victime, et il était franchement déçu s’il n’arrivait aucun malheur », s’amuse-t-elle dans ses mémoires. Il la quittera pour l’actrice Jean Seberg, qui se donnera la mort dans des conditions mystérieuses un an avant son propre suicide.

La  légende  Gary  se  nourrira  aussi  de  cet  épisode  dramatique.  Sa  vie,  sa  mort,  son  œuvre,  ses  mystifications  expliquent-elles  le  succès  et le prestige dont il jouit aujourd’hui encore auprès de la jeunesse ? Indéniablement.  Mais  une  autre  facette  du  personnage  y  contribue  aussi  :  Romain  Gary,  prophète  du  respect  de  l’environnement.  Sa  «  conception  humaniste  d’un  monde  meilleur  [...]  suppose  [...] un traitement  respectueux  des  êtres  dépendant  de  notre  bienveillance,  comme les animaux et les plantes ». « En laissant voir la complexité et l’ambiguïté  des  différents  enjeux,  non  seulement  environnementaux  mais aussi sociaux, liés à la protection de la nature, Les Racines du ciel se révèle comme un précurseur dans le domaine de l’écologie sociale », écrit Sara Buekens.

Glorifié,  décrié,  moqué,  méprisé,  adulé  de  son  vivant  (il  est  irré-sistible  de  relire  les  critiques  littéraires  encensant  Ajar  pour  mieux  assassiner  Gary  ou  l’inverse),  le  double  prix  Goncourt  fut  un  passe-muraille, un irrégulier, un inclassable.Pour  Pierre  Assouline,  «  sa  véritable  identité,  enfouie  sous  son  palimpseste  d’identités  successives  ou  parallèles,  est  la  seule  qui  ne  souffre  aucune  contestation  et  qui  a  la  vertu  d’absorber  toutes  les  autres : écrivain de langue française. Rien de plus beau ». Et « quelle leçon pour l’étroitesse de notre temps, la mesquinerie de notre société et la médiocrité de nos débats !  » Pas une seule goutte de sang français ne coule dans ses veines, seule la France coule en lui. Romain Gary, une leçon de français.

Lourdeur bureaucratique (qui s’est révélée catastrophique lors de la gestion  de  la  pandémie),  inflation  des  dépenses  publiques  qui  représentent largement plus de la moitié de la richesse nationale, un record dans l’OCDE, profusion de fonctionnaires, hypertrophie des réglementations... : la France est-elle devenue un pays communiste ? Ou plutôt la patrie d’un communisme « mou » car notre démocratie n’a évidemment  rien  à  voir  avec  un  État  totalitaire  et  policier  ?  

Nous  avons  posé  la  question  à  Jacques  Sapir  et  à  Agnès  Verdier-Molinié.  Pour  l’économiste, non seulement l’économie de la France n’a rien de communiste mais à ses yeux, les déficiences de l’appareil productif français imposent, au contraire, le retour à un souverainisme économique et industriel. Il préconise pour une politique de l’État plus interventionniste mais qui, selon lui, est impossible en restant dans le cadre de l’euro. 

Pour la directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations  et  les  politiques  publiques,  la  passion  savamment  entretenue  de  l’égalité,  l’hypertrophie  de  l’État-providence,  la  mauvaise  allocation des ressources, le refus forcené de la comparaison chiffrée, le volume des agents publics, toutes ces réalités militent pour recons-truire  d’urgence  le  modèle  d’un  pays  fortement  bureaucratique.  Et  afin d’éviter notre « dérive populo-communiste », il faut, selon Agnès Verdier-Molinié, « agir au niveau constitutionnel ». Le débat est ouvert !

Titre et Texte: Valérie Toranian, Revue des Deux Mondes, mai-jui 2021

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