Dans
son dernier ouvrage, l'historien Thierry Lentz rappelle aux Français qui était
vraiment l'empereur, et n'hésite pas à déconstruire les idées reçues de
l'enseignement bien-pensant
François Gerfault
Non, ce livre est destiné à la majorité silencieuse, aux gens de bonne
foi qui n’eurent pas la chance de faire certaines rencontres (un bon livre est
toujours une rencontre), et ne se sentent pas autorisés à exprimer publiquement
un avis, mais qui, au fond d’eux-mêmes, gardent le sentiment d’une dette, voire
une confuse admiration, à l’égard de l’une des plus grandes figures de notre
histoire nationale. Ce livre a donc vocation à proposer au grand public un contre-poison
à la propagande assénée par les médias et universitaires autorisés.
Car nous sommes à un tournant : la situation de Napoléon en France est
telle que nous avons atteint ce ridicule paradoxe : l’Empereur est davantage
connu et admiré partout dans le monde que dans son propre pays. Sa mémoire nous
est devenue à ce point encombrante que « la jurisprudence Chirac »
– cette piteuse manie qu’ont nos gouvernants, depuis l’escamotage de la
célébration d’Austerlitz en 2005, de refuser par principe de commémorer le
grand homme – s’applique systématiquement.
Cette réticence française à son égard est surtout révélatrice d’une crise morale sans précédent : Napoléon est devenu incompréhensible à une part croissante de l’opinion, laquelle, abusée par soixante-quinze ans de paix en Europe, est contaminée par cette « morale de midinette » jadis conspuée par Montherlant, ce penchant femmelin à toujours opter pour l’hypothèse la plus conformiste, lacrymale et rassurante. Elle est désormais l’air que nous respirons. C’est un comble : Napoléon, dont l’épopée fut pour des générations pourvoyeuse d’énergie, assure désormais la fonction de « baromètre des lâchetés de notre temps ».
Ce livre est une parfaite petite machine de guerre contre les lieux
communs qui salissent la mémoire de Napoléon. Il rappelle d’abord quelques
évidences. Napoléon, ce « guerrier législateur », est de la
trempe des grands fondateurs au point que son œuvre constitue un « cadre
normatif intériorisé » par tous les Français. Son importance fut cruciale : à
un moment charnière de l’histoire de France il sut s’imposer comme l’homme des
« synthèses essentielles ». Il rappelle également quelques
lois élémentaires du travail d’historien comme celle qui oblige à
contextualiser les actes et pensées de chaque protagoniste des évènements
passés. Bref, M. Lentz heurte de front ce que Finkielkraut appelle « le
chauvinisme de l’instant présent ».
Il passe ensuite en revue chacun des lieux communs les plus courants
sur Napoléon : la reductio ad hitlerum,
le Napoléon esclavagiste, les millions de morts des campagnes napoléoniennes,
le Napoléon fossoyeur de la Révolution, le Napoléon dictateur, l’État
napoléonien tout-puissant. Chacun est rigoureusement discuté. M. Lentz ne
cherche pas à masquer les épisodes les plus troubles du règne napoléonien mais
nuance, argumente. Et, l’un après l’autre, fait choir tous les poncifs.
C’est un comble : Napoléon, dont
l’épopée fut pour des générations pourvoyeuse d’énergie, assure désormais la
fonction de « baromètre des lâchetés de notre temps »
L’enjeu du combat est immense car attaquer Napoléon c’est frapper la
France, et cette dévaluation du grand homme, à laquelle consentent avec une
impardonnable légèreté nos responsables politiques, peut constituer à terme une
atteinte mortelle à notre identité nationale. C’est d’ailleurs l’objectif des
déboulonneurs en chef : arracher des consciences françaises le souvenir de leur
histoire, de leurs héros, pour y substituer un autre récit, « correct »
celui-là, c’est-à-dire : fadasse, lénifiant, de nature à réconforter les
esprits souffreteux, les petits formats, tous ceux qu’anime le ressentiment. En
pure perte bien entendu : le propre du désir de vengeance est d’être
insatiable. Et puis, pourquoi ces nains renonceraient-ils à leurs pauvres
passions, eux qui, en notre époque de cynisme vulgaire, tiennent leur pouvoir
de n’admirer rien ?
Essentiel au réarmement intellectuel du grand public, ce petit livre le ramènera à l’admiration de celui qui fut, comme l’écrivait Bainville, « un incomparable météore ».
Titre et Texte: François Gerfault, L’Incorrect, nº 42,
mai 2021
Anteriores:
A nova síndrome de Vichy
[Livros & Leituras] Les tyrannies de l’épidémie – Un livre féroce et nécessaire
Jean-Luc Jenner : Pour en finir avec la Liberté
L’arnaque antiraciste expliquée à ma soeur – Réponse à Rokhaya Diallo
As seis lições
O Manuscrito de Birkenau
[Livros & Leituras] Le règne de l’éphémère
Nenhum comentário:
Postar um comentário
Não aceitamos/não publicamos comentários anônimos.
Se optar por "Anônimo", escreva o seu nome no final do comentário.
Não use CAIXA ALTA, (Não grite!), isto é, não escreva tudo em maiúsculas, escreva normalmente. Obrigado pela sua participação!
Volte sempre!
Abraços./-