Il exacerbe les passions, mais le polémiste
a le droit d'exprimer ses opinions, et ses analyses mériteraient un débat de
fond plutôt qu'une pluie d'insultes.
Denis Tillinac
Zemmour [photo] à nouveau suscite des
controverses où l'esprit de nuance n'est pas convié. Les délires de Dru-mont,
les ligues des années trente, les idéologues de Vichy sont convoqués pêle-mêle
pour nourrir un procès qui rappelle plutôt ceux de l'Inquisition. Armé à
l'écrit d'une plume trempée dans du vitriol et à l'oral d'une ironie glaçante,
ce polémiste invétéré n'est ni un héros ni un monstre. Il m'est arrivé jadis de
glander un après-midi durant au Palais de justice entant que témoin de
moralité. Des associations manifestement politisées l'accusaient de racisme ;
c'était un mauvais procès et je ne regrette pas de l'avoir défendu face à des
magistrats intoxiqués par l'air du temps.
Il n'est pas devenu plus
respirable depuis lors, et l'énorme succès du livre de Zemmour le Suicide
français l'a métamorphosé en un prophète pour certains, en un “ facho ” pour
les autres, dont la plupart des éditorialistes, des politiques et des intellos.
Sa présence dans les studios ou à la télé exacerbe des passions qui tournent
illico à la haine, tant chez ses laudateurs que chez ses contempteurs. On ne
veut plus le voir, plus l'entendre. Puis on en redemande. RTL le vire et voici
qu'il réapparaît sur CNews. La rafale d'indignations n'aura d'autre effet que
de le rendre encore plus incontournable, parce qu'à l'aune de beaucoup de Français,
surtout les plus humbles, il vise la bonne cible.
Quoi que l'on pense de son
diagnostic sur la menace de l'islamisme dans notre pays, elle a été signalée de
longue date par une profusion d'élus de banlieue, de sociologues, de
politologues, d'éducateurs. La bonne fortune du RN dans les urnes le démontre
surabondamment : les attentats terroristes aidant, l'islam fait peur et ses
fidèles sont perçus comme les membres d'une cinquième colonne. Des flux
migratoires incontrôlés ayant transbahuté des migrants jusque dans nos villes
moyennes, le sujet devient obsédant. D'autant que nos gouvernants, toutes
chapelles confondues, n'ont eu de cesse de l'occulter, par peur d'une
conflagration, par fatalisme, par calcul électoraliste et autres mauvaises
raisons. En sorte que Zemmour est devenu le seul lanceur d'alerte ou presque.
D'où son succès, servi par son talent de bretteur. Ses critiques de livres
attestent une indéniable culture, et souvent un art de débusquer les indigences
de la doxa. Bien qu'entaché d'un esprit de système à mon goût excessif, le
Suicide français déclinait des analyses plutôt pertinentes. En tout cas, il
aurait mérité un débat de fond et non une giclée d'insultes. Entre-temps,
Zemmour a changé, en raison peut-être d'une stigmatisation douloureuse à la
longue. On déteste forcément ceux qui nous détestent. Son dernier ouvrage
reflète une vision de l'histoire de France qui n'est pas la mienne. Surtout les
passages concernant l'histoire du XXe siècle.
En outre, son statut de
commentateur véhément, mais indépendant, a pris du gros plomb dans l'aile avec
ses comparutions d'orateur vedette dans une sphère politique. C'est son droit
de s'engager, on en devinait la tentation, mais son verbe y perd en légitimité
; d'une certaine façon, il donne raison à ses détracteurs qui le bazardaient
indûment à l'extrême de la droite quand il se situait dans un ailleurs
inexpugnable. Pour autant je continuerai de défendre, non ses positions, mais
son droit à les soutenir publiquement. Et aussi son honneur face aux pharisiens
qui le traitent de salaud et décrètent ses propos “ nauséabonds ”. Sa thèse du
“ remplacement ”, qui relaye un roman de Houellebecq, est une opinion, pas une
infamie. Je ne la partage pas, et les milieux dont il semble se rapprocher me
sont étrangers, c'est le moins qu'un gaulliste puisse en dire. Mais Zemmour a
le droit, inaliénable en démocratie, d'exprimer à haute voix des hantises qui
se chuchotent chaque jour au bistrot du coin, dans les commissariats, dans les
chaumières et même dans les salons. Ce Français juif et pied-noir aime la
France à sa façon. Elle ne peut pas être la mienne, parce que ma condition de “
souchard ” au long cours me dispense d'en rajouter : mon patriotisme coule de
source, sans adjuvants idéologues. Mais il aime la France, quand tant de
compatriotes la répudient.
Denis Tillinac, Valeurs
Actuelles, nº 4327, de 31-10-a 6-11-2019
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