1415-1498: en moins d’un siècle, le
Portugal jette les bases du premier empire de dimension mondiale de l’histoire
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Foto: José Frade |
Au fond, pour comprendre le
Portugal, il faut lui tourner le dos. L’embouchure du Tage, avec sa geule de
serpent géant ouverte sur l’océan Atlantique, en dit plus long sur son histoire
que la contemplation de la ville de Lisbonne ele-même.
Toute son épopée, car c’en est
une, se trouve là, immortalisée dans la pierre à la pointe occidentale du
Fleuve: du Monument des Découvertes à la tour de Belém et au Monument aux
combattants d’Outre-mer, situés un kilomètre et demi plus loin en direction du
couchant, le fantôme du défunt empire portugais monte toujours la garde côté
rive nord du bout du bout de l’Ancien Monde. “Il y a des lieux où souffle
l’esprit” – l’esprit du large.
Devant les “Combatentes do Ultramar”
1415-1498: en moins de cent
ans, de la prise de Ceuta à celle de Calicut (aujourd’hui Kozhikode en Inde),
le Portugal jetait les bases du premier empire de dimension mondiale de
l’histoire. Dès 1511, ses caravelles – invention portugaise – dominaient
l’océan Indien, quand l’ennemi héréditaire espagnol en était encore à ébaucher
le sien, d’empire.1
Premier dans l’ordre chronologique, il fut aussi le dernier à rendre les armes, le 25 avril 1974.
Pas tant parce qu’il n’était
plus viable (le fut-il jamais?) qu’à cause de la lassitude extreme qui s’était
emparé de ses défenseurs, ces capitaines plus ou moins idéologisés dont le
Mouvement éponyme2 devait
balayer les restes du régime salazariste, ici même à Lisbonne.
La fin d’une aventure débutée
six siècles plus tôt pour écouter le trop-plein de sève d’une nation jeune, à
l’étroit sur sa terre natale; une preuve supplémentaire que les empires
s’effondrent d’abord de l’intérieur.
La place du Carmo est le lieu emblématique de ce coup d’État militaire pas comme les autres: des officiers tirant sur la caserne oú s’était réfugié le veux dictateur Caetano pour offrir la démocratie au peuple. À comparer avec les événements au Chili (1973) et en Argentine (1976).
Des officiers, il faut le dire, pour la plupart “conscientisés”, mais surtout fatigués de faire la guerre en Afrique depuis treize ans sans issue visible – le fusil chinois type 56 et le RPG-7 soviétique ayant vite remplacé les arcs et les fleches dans les mains des rebelles – ni réelle perspective d’avancement.
De retour sur les bords du
Tage, plus question d’ironiser en face du Monument aux combattants d’Outre-mer,
l’équivalent portugais du soldat inconnu apliqué aux guerres de décolonisation.
Érigé dans un angle du Forte do Bom Sucesso, l’édifice, un portique en
forme de chevron émergeant d’un bassin, trahit la date de son inauguration:
1994. En son centre, la “flamme de la nation” y brûle en permanence, veillée
par deux factionnaires sanglés et guêtrés de blanc.
Longez le mur des noms qui
l’entoure sur trois côtés et penetrez dans la chapelle. Arrivée au fond d’une
galerie étroite, recueillez-vous devant la tombe du soldat inconnu, symbole de
tous les “combatentes do Ultramar” tombés depuis 1958 “pela Pátria”,
qui en Angola, qui au Mozambique ou en Guinée portugaise4. Écoutez: une bande enregistrée égrène
leurs patronymes.
Alors vive la folie!
Cela étant fait, vous pouvez
entrer maintenant dans le “fort du bom succès”.
Bel exemple d’ouvrage du XVIIIe, celui-ci accueille dans ses
casemates les collections du musée des Combattants5. Uniformes, matériel, armement: les
opérations de contre-guérilla et celles dites “de paix” menées sous casque bleu
y côtoient sans guère de transition le front des Flandres, où le corps
expéditi8onnaire porugais se mesura à l’armée du Kaiser en 1917-1918 (la
fâcheuse bataille de la Lys).
En bônus, Quelques engins expos és dans la cour et sur le toit du fort, dont un char léger Stuart flambabt Neuf et une superbe Alouette III, le même hélico que les Français utilisaient na Algérie (à noter aussi, la variante locale du camouflage lézard imprimé sur les treillis et ce qui ressemble fot à l’emprunt par les Portugais de la fameuse casquette Bigeard).
À présent, remontons la berge
du Fleuve. Nous voici devant le Monument des Découvertes. Ouvert au public en 1960
(l’Estado Novo de Salazar avait vingt-sept ans), d’aucuns qualifient son
architecture de fasciste, voire totalitaire, ce qui n’empêche pas les touristes
de s’y presser.
Cela ne saute pas aux yeux,
mais le Padrão dos Descobrimentos imite dans ses grandes lignes la forme
d’une Caravelle. Folie des grandeurs? Si oui, alors vive la folie!
Porsuivons: le musée de l’Armée
nos attend.
Copie: JP, 3-8-2023
1) Charles E. Nowell, Histoire du Portugal, Payot, Paris, 1953.
2) Aussi appelé Mouvement des Forces Armées (MFA). Marcio Moreira Alves, Les soldats socialistes du Portugal, Gallimard, Paris 1975; Jean-Claude Racinet, Les capitaines d’avril, France-Empire, Paris 1976.
3) Fernando Pessoa, Lisbonne, 10/18, Paris 1997.
4) Sur ce sujet comme sur la question de la mission civilisatrice du Portugal, voir le três beau film de Manoel Oliveira: Non ou la vaine gloire de commander, ARTE vidéo, 1990.
5) www.ligacombatentes.org.pt
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