Comme Domenech en son temps,
il y a des coachs qui, par le simple effet de leur façon de diriger,
parviennent à tirer le plus mauvais d'une équipe.
La télévision fait de plus en
plus appel à des coachs. Qu'il s'agisse de séduire, de corriger son look, de sa
vie familiale, de l'éducation des enfants, de sa vie professionnelle ou
sentimentale ou de la décoration de sa maison. Le coach devient un personnage
incontournable pour les producteurs. En même temps, la télévision a toujours
été un indicateur d'ambiance. Lorsque l'on voit, un an après son élection, des
sondages où Hollande serait éliminé au premier tour, cela donne le vertige.
Aujourd'hui, Roger Gicquel ne
dirait pas "La France a peur" mais "La France a honte". Le
Monde ne titrerait pas, comme à la veille de mai 68, "La France
s'ennuie", ce serait plutôt "La France n'en peut plus". Il y a
un rejet manifeste qui mêle bien des ingrédients variés et complexes. Pour en
faire une synthèse, je ne vois qu'une métaphore. La dernière fois que j'ai
ressenti ça, c'était en 2010, lors de la Coupe du monde de football en Afrique
du Sud. C'était déjà, justement, un problème de coaching.
Durant les quelques jours du
plus grand fiasco de l'histoire du football français, nous avons assisté à un
"Domenech bashing" sans précédent. Je ne suis pas sûre qu'à l'époque
le mot était déjà utilisé, mais c'était bien une campagne de dénigrement
généralisé qui suivait la prise de conscience de sa responsabilité dans ce
désastre. C'était incompréhensible au départ. On l'aimait bien, Domenech, il
était sympathique, doté d'un humour au second degré qu'on appréciait. L'équipe
de France était remarquable, avec des stars internationales que les grandes
capitales européennes s'arrachaient à prix d'or et qui ont confirmé depuis
qu'elles jouaient au plus haut niveau.
Alchimie
Le problème, ce fut la
rencontre entre cet homme et cette équipe à ce moment-là. Ils avaient tout
faux. Le résultat fut un échec cuisant, une image de désordre, d'indiscipline,
d'insultes, affligeante et, pour finir, la honte devant les caméras du monde
entier. Nous sommes en train, toutes proportions gardées, de revivre un peu
cette situation avec notre coach politique, François Hollande. On l'aime bien,
on le trouve sympathique, mais son coaching de la France est une catastrophe.
Pourtant, tout le monde en est convaincu, la France est un pays extraordinaire,
doté de capacités exceptionnelles, d'un peuple dont l'intelligence politique
est démontrée par son histoire. Mais là, c'est l'échec sur toute la ligne, les
records de chômage, de fermetures d'usines, d'impôts, de dépenses publiques, de
fuite des entrepreneurs, de mécontentement dans toutes les couches sociales et
d'une montée spectaculaire de Marine Le Pen, dont on se dit qu'à ce rythme-là
elle sera présidentiable aux élections de 2017.
Il y a des coachs comme ça,
qui, par le simple effet de leur façon de diriger, parviennent à tirer le plus
mauvais d'une personne, d'une équipe, d'un collectif, d'une nation. C'est une
question d'alchimie. Elle dépasse souvent les coachs des coachs eux-mêmes. Car,
en plus, ils en ont (des coachs). Les derniers signaux envoyés n'arrangent pas
les choses. Les revirements incessants, comme le faisait Domenech, ne font
qu'exaspérer un peu plus ceux qui reçoivent des messages de plus en plus
embrouillés. Pendant un an on vilipende les patrons, le pouvoir de l'argent,
puis, brusquement, ils deviennent les "chouchous", et la colère des travailleurs
condamnés au chômage est renvoyée devant les tribunaux.
Et puis nous sommes partis
pour une avalanche d'affaires, des tableaux de Guéant à l'appartement du fils
Fabius. Pourquoi ne pas avoir admis que la nomination de Cahuzac était une
erreur fatale de coaching qu'aucune transparence ne pourra rattraper ? On
explique aux Français qu'"on va voir ce qu'on va voir", que la France
ne signera pas le traité européen de rigueur budgétaire, pour finalement
l'accepter et, en bout de course, feu d'artifice final, envoyer un signal
hostile à l'Allemagne qui nous éloigne tous un peu plus d'une Europe politique.
Ça m'a fait penser au refus de Domenech de serrer la main du coach de l'équipe
d'Afrique du Sud à l'issue du dernier match de la défaite, toute honte bue.
Titre et Texte: Nathalie Rheims, Le Point, le 1er mai 2013
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