sexta-feira, 7 de janeiro de 2022

Macron l'emmerdeur

La déclaration s'est répandue comme une traînée de poudre dans un pays qui n'attend qu'une étincelle. Le chef de l'Etat emmerde donc les non vaccinés et s'en félicite. Pour Michel Onfray, le mandat macronien se termine comme il a commencé : dans la merde

C’est lui qui le dit et, pour une fois, je lui donne raison, je souscris, j’applaudis, je crie bravo : Emmanuel Macron est un emmerdeur. Cinq ans nous ont permis de le savoir. Pour les plus habiles, c’était visible depuis le début, mais, cette fois-ci, il prend soin de le préciser lui-même. On ne saurait trop l’en remercier ! Macron emmerdeur n’est donc pas insulte mais un constat validé par lui-même, donc une indubitable vérité.

Pour mémoire, en octobre 2018 j’avais consacré un texte ironique, diogénien si l’on préfère, qui a beaucoup fait jaser, sur le doigt d’honneur antillais que le président de la République avait avalisé. Le Rassemblement national avait fait savoir qu’il était difficile de se rendre dans le quartier d’Orléans de l'île de Saint-Martin où le chef de l’État était tout de même allé. Une photo le montrait radieux enlaçant un jeune black luisant et musclé qui faisait en même temps un doigt d’honneur. L’Élysée aurait pu se désolidariser de ce cliché et indiquer un moment d’inattention ayant rendu possible une photo volée, mais pas du tout. Ses communicants firent savoir que ce doigt disait bien ce qu’il voulait dire et qu’il était destiné au fondement du RN qui avait stigmatisé ce quartier.

Le chef d’État ayant donc choisi le doigt d’honneur, j’ai filé sa métaphore pour faire un texte voltairien et politique. Je ne reviens pas là-dessus.

En revanche la fachosphère de gauche, tout à sa tâche de désinformation, a inondé le net en disant que j’étais scatologique, homophobe, grossier, vulgaire, etc. Éternelle variation sur le thème du sage qui montre la lune, si je puis encore me permettre cette image, et de l’imbécile qui regarde le doigt. Si Emmanuel Macron n’avait pas validé ce doigt d’honneur, via ses services, il n’y aurait bien sûr jamais eu ce texte avec lequel je me proposais de lui mettre le nez dans sa métaphore.

J’entends encore parler de ce texte des années après, y compris, la chose m’a été récemment rapportée, de la part d’un qui fut mon éditeur et d’un autre mon agent, qui se scandalisent encore que j’aie pu écrire ce texte - mais ne se trouvent nullement choqués par le fait que leur président de la République ait accepté ce geste bien sûr. C’était donc moi le coupable de ce geste juste parce que je l’éclairais à la lumière ironique d’un texte !

Ce mandat d’Emmanuel Macron se termine comme il a commencé : dans la merde… Qu’on ne recommence pas à me rendre responsable et coupable de mon examen des selles présidentielles, je suis freudien, chacun le sait, je suis donc légitime à parler de ce sujet-là avec tout le sérieux convenu. La fixation sur le stade anal n’est pas mon invention, je n’aurais jamais eu cette audace conceptuelle ni cette hauteur de vue intellectuelle…

Dans un entretien avec Le Parisien, le successeur du général de Gaulle à la tête de la Cinquième République a en effet dit : « Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. » Puis il a ajouté, dans une syntaxe approximative, concernant les non vaccinés : « Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je (sic) deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen ».

Première leçon : c’est la première fois dans l’Histoire de France qu’un homme qui préside aux destinées des Français désigne clairement à la vindicte une catégorie de citoyens en estimant qu’il va les emmerder ! C’est grossier, vulgaire, malpoli, insultant. Étymologiquement, emmerder, c’est couvrir de merde, rouler dans les excréments, barbouiller de matière fécale, couvrir de bouse : c’est ça que veut l’homme qui dispose du bouton nucléaire pour ceux qui, lassés de ses voltefaces arrogantes, de ses errances en matière de gestion du covid, de son impéritie en tout, ne lui font pas confiance - peut-être même pour certains : après lui avoir fait confiance ?

Deuxième leçon : cet homme décide de qui est citoyen, qui l’est moyennement, qui ne l’est pas, qui ne l’est plus ! Quand Hollande a émis l’idée qu’une déchéance de nationalité pourrait être envisagée pour des terroristes binationaux, que n’a-t-il entendu ? Il a dû reculer sous la pression, y compris d’une partie de ses troupes, et ce moment n’est pas pour rien dans son effondrement suivi de son incapacité à se représenter.

Macron prononce donc un genre de déchéance de citoyenneté de ceux qui refusent de se faire vacciner ! Va-t-on entendre crier aussi fort ceux qui ne voulaient pas que des binationaux cessent d’être français après qu’ils eussent perpétré des massacres ?

Alors ministre de l’économie de François Hollande, un certain Emmanuel Macron disait de ce projet de déchéance de nationalité : « J’ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place [que ce débat] a pris, parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l’expulsant de la communauté nationale ». Devenu président de la République, il estime donc que refuser le vaccin c’est beaucoup plus grave que tuer à l’arme lourde les 131 victimes du Bataclan ?

Qui est cet homme pour insulter certains de ses compatriotes et leur dénier le droit d’être des citoyens ? Pour quel chef de l’État français se prend-t-il à sortir de la citoyenneté des individus qui, eu égard à ses errances concernant cette épidémie - pas grave, grave ; pas masque, masque ; pas confinement, confinement ; pas fermeture des frontières, fermeture des frontières ; pas de passe, passe ; pas de contamination chez les enfants, contaminations chez le enfants ; protection par la vaccination, pas de protection par la vaccination ; pas de vaccination des enfants , vaccination des enfants, etc.-, revendiquent le droit de ne pas se faire vacciner.

Se croit-il Louis XIV ? Robespierre ? Pétain ? Emmanuel Macron tient-il à associer son nom à des lois infamantes : celles de la révocation de l’édit de Nantes du 18 octobre 1685, celles sur les suspects du 17 septembre 1793, celles de Vichy du 3 octobre 1940 ? Est-il nostalgique des Dragonnades ? Des charrettes de condamnés à la guillotine ? Des wagons pour l’Allemagne nazie ? Quels autres hommes dans l’Histoire de France ont aussi clairement séparé parmi les citoyens les bons, ceux qui pouvaient continuer à l’être, et les mauvais, ceux qui ne l’étaient plus et, de ce fait, ne pouvaient plus bénéficier de la protection de la loi, de sorte qu’ils se trouvaient en bute aux vexations, parfois mortelles, du chef qui avait décidé de leur relégation ? Les protestants avec le Roi Soleil, les chrétiens avec l’Incorruptible, les juifs avec le Maréchal - bientôt les non-vaccinés avec Macron ? Non-citoyens, puis sous-citoyens, puis non-hommes et sous-hommes, on arrive vite aux comparaisons avec les rats, la vermine, les poux… La suite est connue.

Je suis pour la vaccination, je serais pour qu’on incite intellectuellement et raisonnablement, philosophiquement même, à la vaccination, mais je refuse qu’on fasse des non-vaccinés les boucs émissaires d’une politique maastrichtienne de la santé qui, droite et gauche confondues, et ce pendant plus de trente ans, a paupérisé l’hôpital quand ça n’est pas tiers-mondisé l’entièreté du monde hospitalier… Rappelons que, pendant la crise du Covid, Macron a encore supprimé des lits !

Lors d’un entretien sur LCI digne des grands moments de la télévision soviétique ou cubaine, il a répondu à une question concernant ces fameuses petites phrases méprisantes qui émaillent son quinquennat. Il convient d’avoir blessé des gens et prend l’engagement de ne pas recommencer : « je ne le referai plus », dit-il. Une poignée de jours plus tard, c’est plus fort que lui, il ajoute à la liste.

Il ne pourra arguer d’une caméra qui traînait, d’un propos saisi au vol par un iPhone baladeur, d’une réponse énervée à un interlocuteur agressif, d’un mot mal pesé qui a dépassé sa pensée, d’un propos tenu hors micro à un quidam, non : la chose se trouve dans Le Parisien à la faveur d’un entretien, c’est-à-dire d’un exercice très calibré où les propos tenus et retranscrits sont proposés par celui qui les a tenus afin qu’il les valide avant publication. C’est donc sciemment que les mots ont été choisis, le registre merdique et merdeux également.

La chose est d’autant plus volontaire que son porte-parole Gabriel Attal se répand sur les ondes le lendemain avec cet élément de langage : « Qui emmerde la vie de qui ? » - sous-entendu : ce sont les non-vaccinés qui emmerdent les vaccinés. Du napalm répandu sur le feu ne saurait éteindre   l’incendie. C’est donc qu’il veut l’embrasement.

Il en va donc là d’une stratégie délibérée, comme avec le retrait du drapeau français sous l’Arc du Triomphe pour lui substituer le drapeau européiste. Cet emmerdeur, on peut désormais le dire, est une brute épaisse, un butor cynique. Il n’y a plus aucun doute : avec ce drapeau tricolore mis au rancart et ce projet d’emmerder ceux qui lui résistent, Macron est bel et bien en campagne. On connait son programme ; voici ses méthodes.

Titre et Texte: Michel Onfray, Front Populaire, 6-1-2022

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