Fatiha Boudjahla
Peut-on dire d’une femme
politique qu’elle profère de parfaites inepties sans encourir les accusations
de har-cèlement et de misogynie ? Quand, comment aurait-il pu
être question d’une
autre femme qu’elle...
lorsque Sandrine Rousseau
parle de rééducation,
de quasi-reprogrammation des
humains et spécialement
des hommes dans leurs rapports à la viande et à son mode
de cuisson ? Le barbecue, acte anthropologique et politique, comme signe et
signifiant virilistes... à déconstruire. Surfant sur toutes les modes
éditoriales et médiatiques, la députée Rousseau, universitaire, rappelons- le,
donne une conférence sur les femmes sorcières, vic-times du patriarcat
incendiaire.
Le mal que Mona Chollet [photo] aura fait à la vérité historique avec son brûlot sur les femmes brûlées... Elles sont officiellement réhabilitées en Écosse. Cela ne coûte pas grand-chose et rapporte un max à la bourse du féminisme intersectionnel...
Quelques historiens
ont soulevé et
relevé les erreurs,
omissions et mensonges de
Sandrine Rousseau comme ceux de Mona Chollet. Que s’est-il
alors passé ?
Des universitaires, professeurs
d’histoire ou de science politique, ont préféré donner des
gages de gauchisme plutôt que de rester dans la science. Ainsi Samuel Hayat
a-t-il pondu le 10 septembre dernier ce fil sur Twitter :
« Est-ce qu’on doit utiliser
notre connaissance des faits pour mettre en question des usages militants du
passé ? Et si oui,
faut-il le faire
indifféremment pour tous
les usages militants ? On est un
certain nombre à penser que non,
tous les usages
militants ne se
valent pas. Et
qu’il faut en
particulier distinguer entre
les usages militants
par des dominantes pour défendre l’ordre social, et les usages militants
de dominé-es pour le subvertir. »
Si vous êtes du bon côté, la gauche radicale, vous pouvez dire n’importe quoi, tordre le passé, parce que c’est pour la bonne cause. Si vous êtes de la bonne couleur de peau, la couleur de peau des « dominé-es », vous pouvez mentir ou accumuler les omissions, oublis, mensonges historiques. Parce que vous êtes la bonne cause.
Mais, attention,
il n’est pas
question que les
gens de droite
et de l’ultra-droite fassent
de même. Eux n’ont pas le droit. Ce professeur de science politique a
supprimé ce fil, avec ce message piteux :
« J’ai supprimé un thread
sur les usages militants de l’histoire, car il était mauvais et pas sympa pour
des collègues. Désolé. Il était surtout nul car il mélangeait 2 choses : les
manières d’utiliser l’histoire,
et les manières
d’en faire. Du coup, 2º essai, pour rater mieux. »
Pour ensuite en développer un qui dit exactement la même chose :
« Se pose la question de
comment on réagit quand un-e militant-e utilise des faits historiques faux pour
justifier ses positions politiques.
D’un côté, rectifier
les erreurs fait partie de notre éthique professionnelle
; d’un autre, ça a des effets politiques, de deux ordres. [...] D’abord, ça
invalide la parole militante tenue (sur la France éter-nelle, la résistance des
femmes, etc.) en sapant une de ses bases. Ensuite, au niveau agrégé, ça pousse
les mili-tant-es à faire attention à ce qu’iels disent (vision opti-miste),
ou... à se passer de l’histoire. »
« Les
usages militants de
l’histoire », soit
tordre le passé
pour le faire
coïncider aux modes
actuelles, aux discours
politiques actuels, jouer aux Procuste et couper tout ce qui
dépasse du cadre, tout ce qui ne
coïncide pas avec
ses convictions... Sur
la colonisation, les
sor-cières, les traites...
Que ce discours
soit tenu par
des militants est
déjà une faute. Qu’il soit désormais repris, légitimé et validé par des
enseignants et chercheurs est juste terrifiant.
Dans la
même logique, mais
inversée, les gauchistes
de la Nupes
s’acharnent contre Fabien Roussel, qui, jouant à domicile, c’est-à-dire
à la Fête de L’Humanité, a tenu ces propos : « La gauche doit défendre
le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux. »
Il a
donc logiquement été
accusé de racisme...
Parce que seuls
les gens de couleur touchent des
aides sans doute. La mauvaise foi y fait beaucoup. C’est
qu’il accumule les
griefs, le père
Roussel. Il aime
la viande, y
compris au barbecue.
Et il bat
le Rassemblement national
dans des terres
qui lui sont
acquises... C’est forcément
qu’il donne des gages à ces électeurs fascistes...
Lui et François Ruffin, autre
élu de terres extrême-droitières, osent
réclamer que la
gauche réhabilite et rapatrie dans son champ idéologique et
politique la valeur travail. Mais les adulescents gauchistes de la Nupes
trouvent la démarche suspecte, droitière. Le
travail, c’est mal.
Le plein-emploi, c’est
mal. La croissance, c’est mal.
L’homme qui
grille de la
viande, c’est mal.
Les faits historiques,
c’est mal. À
force de tordre
le passé, les
valeurs, ils sont
devenus de sacrés tordus. L’écrivain allemand Heinrich
Heine avait écrit : « L’historien est un prophète qui regarde en arrière. »
Rien de plus faux. Rien de pire que la téléologie. Ce qui fait la supériorité
de la science historique réside dans la conclusion de ce que Baudelaire
écrivait :
« Seigneur, ayez pitié des
fous et des folles ! Ô Créateur ! peut-il
exister des monstres
aux yeux de
Celui-là seul qui sait pourquoi ils existent, comment ils
se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire ? »
Ces derniers mots rendent
toute leur liberté, leur marge d’action et
leur responsabilité aux
humains. Non, rien
n’a conduit à
ce que nous vivons. Il en est ainsi mais il aurait
pu en être autrement. Aucune fatalité. Pas même celle de la fin du monde. Ni
celle de la fin du mois.
Dans mes nouvelles fonctions
de principale adjointe dans un collège Réseaux d’éducation prioritaire (REP) de
l’Yonne, je mesure combien ces territoires
sont ultra-périphériques. Le
quart-monde et ses
effets terribles, physiques,
mentaux, psychologiques sur
les familles, les enfants, le territoire. Et je repense au
discours misérabiliste entendu dans toutes les bouches gauchistes et chez les
habitants des quartiers populaires. Eux qui ont accès à la mobilité, aux
équipements. Je suis désormais corsetée par le fameux devoir de réserve...
Mais il faut se rendre compte
du nombre d’enfants
placés depuis qu’ils
sont tout petits
en famille d’accueil,
ou, parce qu’il
n’y a pas
assez de familles
d’accueil, à domicile,
chez des parents
dont les services
sociaux et/ou judiciaires
ont reconnu la
toxicité, voire la
dangerosité. Pas assez
de professionnels de santé ou de
l’Aide sociale à l’enfance. L’école est le seul
repère de ces
gamins, tour à
tour victimes et
abuseurs. Je dis-pose
désormais de l’autorité
de décider des
exclusions du collège.
Je n’ai jamais moins eu envie de
les prononcer.
Quand la « promesse de l’aube
» de l’amour de parents est à ce point trahie, quand son enfance est à ce point
un chemin de croix, la dimension éducative et restau-rative de l’école prend
tout son sens... vital. Ces enfants ont besoin de cadre. Mais ils ont aussi
besoin de se raccrocher à quelque chose. Aucun
autre service public
ne remplit aussi
bien ce rôle
que l’école. Je
suis pourtant étourdie
par l’écart entre
la misère que
j’observe, le déclassement social,
intellectuel, et nos
faibles moyens.
Quand une
mère est emprisonnée
pour une peine
conséquente après avoir
mar-tyrisé sa fille,
mais qu’elle conserve
son autorité parentale
sur elle et
s’oppose à ce que cette petite voie un médecin ou passe simplement le
bilan de santé fait par l’infirmière... Parents toxiques. Cette inégalité-là,
de naissance, d’enfance, d’amour maternel et paternel reçu, condi-tionne tant
de trajectoires de vie... C’est moins sexy que les sorcières à la puissance
invaincue...
Titre et Texte: Fatiha
Boudjahla, Revue des Deux Mondes, novembre 2022, pages 125/129
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