Georges Michel
On le savait déjà, mais c’est toujours bien d’avoir la confirmation : Emmanuel Macron est Premier ministre. Alors que Gabriel Attal n’est pas encore monté à la tribune de l’Assemblée nationale pour prononcer son discours de politique générale, le président de la République lui a grillé la priorité en donnant une conférence de presse fleuve, ce mardi 16 janvier. Une récidive : il avait fait à peu près le même coup à Édouard Philippe, le 3 juillet 2017, en prononçant un discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, tout juste la veille du discours de politique générale du Premier ministre.
« D’où nous venons, où
nous allons », déclare-t-il pour introduire l’exercice. Allons droit au but
: au bout de cette très longue conférence de presse, on ne le sait toujours
pas. Durant plus d’une demi-heure, le chef de l’État nous a d'abord délivré un
discours liminaire censé nous tracer une perspective pour les trois ans qui
viennent, une vision pour notre pays, comme on dit, un truc qui fasse « Waouh
», nous transporte au septième ciel. Mais non, au lieu de ça, nous avons eu
droit à des préliminaires fastidieux emplis de détails laissant finalement peu
d’espace au discours de politique générale du Premier ministre.
Une conférence de presse,
une tisane et au lit
Un mot, peut-être, sur l’heure choisie pour l’administration de ce pensum : 20 h 15, c’est-à-dire l’heure du JT, une tisane et au lit. Évidemment, la cible visée était celle de son électorat de prédilection, les seniors, ceux qui iront voter à coup sûr le 9 juin prochain. Du reste, lorsqu'est abordée plus tard la question si centrale du Rassemblement national par Benjamin Duhamel, que dit le Président, en gros (nous citons de mémoire) ? Le RN, c’est le contraire de l’Europe des vaccins ; avec les populistes en Europe, nous n'aurions pas eu les vaccins. Si vous voyez ce que je veux dire. Eh puis, une conférence de presse à l’ancienne, avec les ministres en rang d’oignons qui luttent pour ne pas s’endormir, ça rappelle le bon vieux temps du grand Charles quand est-ce qu’on était jeune. D’ailleurs, le symbole de la République avec la croix de Lorraine est ostensiblement projeté au-dessus de l’estrade présidentielle. Un détail ? Pas tant que ça.
Macron, ministre de
l'Éducation nationale
Emmanuel Macron est Premier ministre, mais il est aussi ministre de l’Éducation nationale. Un long passage sur ce sujet. On ne peut que s’en réjouir, après les zigzags qui nous ont baladés de Blanquer à Attal en passant par Ndiaye. Il est vrai que les ministres ne comptent pas beaucoup, pour Macron. La preuve, lorsque interrogé plus loin sur la valse des ministres de la Santé (six ministres en six ans, sans compter l’intérimaire Le Bodo), il aura cette réponse magique : « Les ministres, c’est la vie politique ! »
L’Éducation, donc. Macron
veut « un choc des savoirs ». Très bien. « On
va revoir tout ça. » On dirait qu’il est arrivé à l’Élysée
avant-hier. « Une instruction civique refondée. » Refondée,
c’est-à-dire ? L’idée : « Faire des républicains. » Elle ne
lui a pas dit, Brigitte, que le verbe « faire » n’est pas joli et qu’on
enseignait, autrefois, aux écoliers de toujours chercher à remplacer ce verbe
par un autre, plus riche ? Et puis, il entre, non pas dans les détails,
puisqu’il laisse ça à son gouvernement, mais quand même, il nous donne presque
le programme : désormais, le théâtre sera un « passage obligé » à
l’école. Là, tout de suite, on comprend à quoi sert Brigitte à l’Élysée. Un
petit coup de focus sur l’uniforme : d’abord, on ne dit pas « uniforme »
mais « tenue unique ». Ensuite, on testera, mais avec les
établissement volontaires. Pourquoi pas.
Un grand moment de cette
longue introduction aura tout de même été le couplet sur la natalité. Là, on se
dit, avec le soi-disant virage à droite, qu’il va nous parler de familles
nombreuses, d’allocations familiales, de bonification de points de retraite, de
quotient familial, que sais-je. Vous rigolez, faudrait surtout pas que les
féministes crient au retour de Pétain ! Non, on va lutter contre l’infertilité.
Cela est sans doute juste et bon, mais avouons que c’est un peu court pour
freiner notre dégringolade démographique. Manquait seulement un couplet sur le
danger des jeans trop serrés. Tiens, au fait, puisqu’on y est : interrogé sur
la question du passage de la franchise médicale de 50 centimes à 1 euro, Macron
justifie cette mesure sur la nécessité de responsabiliser les assurés sociaux.
Très bien. Le même qui, l'an passé, annonçait solennellement la gratuité des
préservatifs pour les moins de 18 ans. Responsabiliser, qu'il disait…
Les émeutes ? Ces petits
s'ennuyaient
Là où on a bien compris qu’on
ne devait pas habiter le même pays, c’est lorsque prit fin ce propos liminaire.
Pas un mot sur l’immigration. Si, très indirectement : « Mieux
contrôler nos frontières. » D'accord. L’insécurité qui explose ? Rien.
Le communautarisme, le séparatisme, comme il dit : rien. Si, lorsque le
journaliste du Figaro Louis Hausalter aborda la question des
émeutes de l’été dernier. Une conséquence de l'immigration ? Pas du tout. Tout
juste, concède-t-il, un léger problème d'intégration. D'ailleurs, la plupart
des émeutiers étaient de nationalité française. Darmanin a bien fait son
rapport. Non, le problème, c’est l’oisiveté. Ces gamins auraient eu école, on
n’aurait pas eu ces émeutes. « Ils s’ennuyaient », nous
explique-t-il. Un milliard de dégâts, ça fait cher le centre aéré. Et les
réseaux sociaux, bien sûr. « La télé ! », disait Madame Mado
dans Les Tontons flingueurs. On va s’arrêter là, la coupe et pleine
et il se fait tard !
Titre et Texte: Georges
Michel, Boulevard Voltaire, 16-1-2024, 23h43
Conférence de presse à l’Élysée : Reporterre accrédité, pas Boulevard Voltaire
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