Anne Cheyvialle et Cyrille
Lachèvre
Premier ministre du
Portugal depuis le mois de juin, Pedro Passos Coelho, social-démocrate, analyse
la crise de la zone euro, défend son plan de rigueur et les réformes engagées
pour redresser le pays, placé sous tutelle du FMI et de l'UE.
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Pedro Passos Coelho. Photo: Le Figaro |
LE FIGARO - Vous avez
rencontré vendredi le président Nicolas Sarkozy. Quelle analyse faites-vous de
la crise en zone euro ?
Pedro Passos Coelho - Nos
points de vue sont convergents. Il faut accélérer le processus de ratification
du plan de juillet afin que l'UE parle d'une même voix. C'est essentiel pour
éviter le risque systémique. Comment convaincre les marchés lorsque des leaders
européens expriment des doutes sur l'avenir de l'Europe ! Il faut l'éviter
absolument, il est préférable de se taire que de semer le doute.
Ne serait-il pas préférable
d'organiser la faillite de la Grèce ?
Je refuse de faire des
prévisions, je préfère être patient en espérant qu'Athènes tienne ses objectifs
et mène des réformes viables. Si la Grèce sombre, c'est toute l'UE qui sera en
péril. Nous devons aider la Grèce et en même temps renforcer l'UE, instituer un
gouvernement économique plus intégré qui traitera notamment de fiscalité.
Quelles sont les
conséquences au Portugal de l'aggravation de la crise en Grèce ?
Le Portugal se trouve dans une
situation de vulnérabilité vis-à-vis de la Grèce. Si la crise s'aggrave, cela
rendra notre processus de récupération plus difficile. Ma vision est très
pragmatique: nous devons faire tous les efforts nécessaires pour mener à bien
les réformes et l'assainissement financier.
Les économistes doutent de
votre capacité à tenir les engagements budgétaires sur 2011 ?
Le plan d'aide a été négocié
avant les élections. Depuis, nous avons pris des mesures supplémentaires
préventives et notre calendrier de réduction des dépenses est plus ambitieux.
Nous bénéficions pour cela du soutien politique. Nous tiendrons l'objectif de
5,9% du PIB de déficit en 2011 et visons un excédent primaire (sans service de
la dette) en 2012 pour un équilibre budgétaire en 2015 et un déficit de la
balance extérieure d'un demi-point contre 9% l'année dernière. Outre le volet
dépenses et le plan de privatisations, nous conduirons plusieurs réformes
structurelles, de la justice, du marché du travail, trop rigide, de la
régulation. Nous allons créer un conseil des finances publiques, qui sera
indépendant afin de garantir une totale transparence dans la gestion de l'État.
Où en êtes-vous des
privatisations ?
Nous sommes en train de
supprimer les golden shares que l'État détient dans les
entreprises publiques, puis nous engagerons le processus de privatisation dans
les secteurs de l'énergie d'ici à mi-novembre, en cédant les entreprises
d'électricité, de gaz et de pétrole, dont Galp. Nous procéderons ensuite à la
privatisation de la compagnie aérienne TAP, du gestionnaire d'aéroport Ana, de
la poste, du fret de chemin de fer et de la chaîne de radio télévision publique
RTP. L'ensemble du processus devra être finalisé fin 2012, l'objectif visant à
récupérer au moins 7 milliards d'euros.
Avez-vous reçu des
manifestations d'investisseurs ?
Oui, de nombreuses, provenant
des économies européennes, mais aussi des pays émergents, du Brésil, de la
Chine et de plusieurs pays arabes. Le président de la Banque nationale de
développement économique brésilienne (BNDSE), la présidente du Brésil, Dilma
Rousseff, ainsi que son prédécesseur Lula sont déjà venus nous faire part de
l'intérêt des investisseurs brésiliens.
Cet intérêt se
manifeste-t-il aussi pour la dette de l'État ?
L'achat de dette publique est
soumis à des règles précises, mais l'important est qu'il y ait eu des
manifestations de confiance de ce gouvernement quant à la qualité de la dette
portugaise.
Allez-vous créer un impôt
sur la fortune, comme l'Espagne s'apprête à le faire ?
Nous avons refusé cette
solution, pour ne pas dissuader les grandes fortunes de venir s'installer au
Portugal. En revanche, nous avons créé un impôt spécial de solidarité qui
consistera à relever de 2,5% la tranche marginale d'impôt sur les revenus, qui touchera
les plus hauts salaires et durera deux ans. Nous avons aussi créé une taxe
additionnelle de 3% sur les bénéfices des entreprises supérieurs à
1,5 million d'euros, également pour deux ans. Le but de ces taxes n'est
pas de créer une recette supplémentaire mais de nous permettre de financer des
mesures d'assistance sociale pour les familles les plus durement touchées par
la crise.
Quelles sont ces
mesures ?
Elles sont d'abord liées au
logement. Les ménages qui ne peuvent plus rembourser leurs dettes contractées
pour acheter leur appartement pourront prendre contact avec leur banque pour
que ces prêts soient transformés en loyer modéré, ce qui les soulagera au plan
financier tout en leur permettant de rester chez elles. De même, les personnes
gagnant jusqu'à une fois et demie le salaire minimum bénéficient d'aide pour
les transports publics. En outre, si nous avons été contraints de relever à 23%
la TVA sur le gaz et l'électricité, nous avons créé un tarif social pour les
plus modestes.
Comment relancer la
croissance sachant que la demande interne va rester très faible ?
Il est vrai que l'austérité a
un effet récessif. Les classes moyennes vont subir d'importants sacrifices.
C'est le ticket de sortie de la crise, le prix à payer pour un pays qui a trop
dépensé pendant longtemps. La demande interne aura une contribution négative
jusqu'à fin 2012. Ce sera compensé par les exportations qui se portent déjà
bien. L'ajustement doit se faire très rapidement pour assurer le financement de
l'économie. Les privatisations sont importantes pour augmenter la disponibilité
de liquidités, aider à la recapitalisation des banques. Cela permettra une
meilleure compétitivité, une plus grande ouverture et internationalisation de
notre économie. L'État abondera 12 milliards d'euros de garantie pour les
banques.
La compétitivité reste le
point faible du Portugal ?
D'où l'urgence à lancer les
réformes structurelles, qui auraient dû être faites conjointement à l'entrée
dans l'UE. Le pays compte dans plusieurs secteurs - textile, technologies de
l'information, biotechnologies… des entreprises très performantes.
Anne Cheyvialle et Cyrille
Lachèvre, Le Figaro, le 18 septembre 2011
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