Edouard Husson
L'organisation d'une cérémonie
“amazonienne” d'adoration de la nature dans les jardins du Vatican, en
ouverture du synode panamazonien, a ravivé les tensions entre tenants de la
tradition catholique et partisans du progressisme à tout crin. Au risque d'aller
jusqu'au schisme ?
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Le Pape François, assistant à
une cérémonie « amazonienne » d’adoration de la nature, le 4 octobre dans les
jardins du Vatican. Photo © Grzegorz Galazka/SIPA
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Il régnait une atmosphère très
bizarre à Rome en ce 13 octobre 2019, jour de canonisation du Bienheureux John
Henry Newman. Les « vertus héroïques » du grand théologien anglican,
converti spectaculaire au catholicisme en 1845, fait cardinal en 1879, avaient
été reconnues dès 1991 par Jean-Paul II. Benoît XVI, qui n’aimait pas voyager,
s’était déplacé en Grande-Bretagne pour le béatifier en 2010. Des observateurs
romains ont fait remarquer avec ironie que cela ne manquait pas de sel de voir
François porter sur les autels un converti spectaculaire en plein « synode
panamazonien » où certains participants déclarent au contraire que
l’évangélisation doit laisser place à « l’écoute ». D’autres, plus
inquiets, espèrent que saint John-Henry Newman ramènera un peu de sérénité dans
une Ville Eternelle très secouée par les événements des derniers jours.
Un rituel païen devant le Pape, autour de trois idoles en
bois
Vendredi 4 octobre, en effet,
le pape a assisté dans les Jardins du Vatican, en compagnie de plusieurs
cardinaux et évêques à une cérémonie « amazonienne » d’adoration de
la nature. Officiellement, il s’agissait d’honorer Saint François d’Assise et
de marquer le respect des catholiques pour la Création. En pratique, un rituel
païen s’est déroulé devant le pape, autour de trois idoles en bois,
représentant deux femmes enceintes et nues ainsi qu’un personnage masculin dans
une posture que la morale interdit de décrire. Les médias du Vatican et
quelques autres ont bien essayé d’expliquer qu’on avait voulu vénérer
« Notre-Dame d’Amazonie » et sa cousine Elisabeth, toutes les deux en
version « indienne », les jours suivants ont aggravé le
malaise : les idoles féminines ont été apportées dans Saint Pierre de Rome
lors de la messe marquant le début du synode. Dans la foulée, l’église Santa
Maria Traspontina, à deux pas du Vatican, a été investie par les mêmes
« Amazoniens » — en fait un mélange de Latino-américains et
d’Européens encadrant des Indiens d’Amazonie avec une attitude très
néo-colonialiste —, les mêmes objets de culte païens ont été déposés
devant l’autel du Christ. Un photomontage a fait le « buzz » sur les
réseaux sociaux : on y voit un panneau installé dans cette même église
avec la photo d’une femme dont le sein est tété par un animal. Avec cette
citation fourre-tout du pape François : « Tout est
connecté ! »
Ces manifestations
stupéfiantes de paganisme en plein cœur de la catholicité ne surprennent pas
ceux qui avaient lu attentivement le « Document de Travail »
préparatoire au synode. Dès le mois de juin, les Cardinaux Burke, Brandmüller
et Sarah, Monseigneur Schneider, de nombreux théologiens, des laïcs ont dénoncé
un texte qui nie toute la dynamique de la révélation judéo-chrétienne puisqu’il
confond le sacrement eucharistique et la communion avec la nature, érige la
« sagesse amazonienne » et les peuples de la région en porteurs du
christianisme nouveau appelé « écologie intégrale ». Au milieu de ce
néo-rousseauisme qui nie toute la tradition catholique (Vatican II inclus), on
observe le recyclage de la théologie de la libération : les théologiens
condamnés par Jean-Paul II et Benoît XVI, Leonardo Boff et Gustavo Guttierez
ont été actifs dans les coulisses du synode, en appui de leur confrère, le père
Paolo Süss, plume du « Document de travail ». En première ligne, on
trouve Erwin Kräutler, un Monsignore de nationalité autrichienne longtemps
actif à Xingu au Brésil et le Cardinal Hummes, archevêque émérite de Sao Paolo.
Aucun ne se cache d’avoir un agenda : faire avancer l’ordination d’hommes
mariés, l’ordination des femmes, en justifiant par le manque de vocations dans
les régions amazoniennes. Convertir les chrétiens à une « théologie
indienne », réincarnation de la théologie de la libération, où l’on
retrouve le pire de l’anticapitalisme militant et de la haine de soi
occidentale et où Jésus n’est plus qu’un gentil gourou protecteur de Greta
Thunberg.
François choisit l'ambiguïté
Il n’a pas manqué de voix pour
dénoncer ces manipulations. Ainsi Jonas Marculino Macuxi, chef de tribu amazonienne,
invité d’un symposium organisé par des catholiques conservateurs américains à
Rome, a-t-il raconté comme il est passé à l’évangélisme il y a quelques années,
après avoir été baptisé comme catholique : il ne pouvait plus supporter,
dit-il, la manière dont les théologiens de la libération montaient les Indiens
contre les autres Brésiliens et voulaient les couper de tout progrès. Au
synode, des voix se font entendre qui rappellent les magnifiques succès de
l’évangélisation de l’Amérique latine, la manière dont les ordres religieux et
le clergé ont fréquemment protégé la population des abus de la colonisation.
D’autres insistent, tel le prêtre salésien Martin Lasarte, sur le mépris des
conceptions consistant à dire que les Indiens d’Amazonie seraient incapables
d’accepter le célibat des prêtres.
Et François, dans tout
cela ? Il reste le maître de l’ambiguïté. Confronté à la cérémonie
néo-païenne des Jardins du Vatican, il a renoncé au discours qu’il voulait
prononcer, se contentant de réciter un « Notre Père ». En ouvrant le
synode, il a demandé qu’on soit dans l’écoute ; et ses partisans,
aussitôt, de répéter que les critiques du synode sont intolérants voire
racistes vis-à-vis des Indiens d’Amazonie. C’est le même François qui a invité,
la veille du synode, son prédécesseur, le pape émérite Benoît, à rencontrer les
nouveaux cardinaux. Comme pour ajouter à la confusion, Eugenio Scalfari,
fondateur de La Reppublica et intervieweur régulier du pape, a
cité cette semaine des propos qu’aurait tenu François, niant la divinité du
Christ. Démenti aussitôt du Vatican ; mais tout cela n’est pas fait pour
apaiser les esprits. Quand on se promène dans la ville, on entend beaucoup de
Romains manifester leur incrédulité devant ce qui se passe et leur détestation
croissante du pape argentin. Toute la journée on peut croiser des pèlerins en
prière, disant le Rosaire et priant pour l’unité de l’Eglise et son orthodoxie.
Avant le Synode, un François patelin a dit son inquiétude que les catholiques
conservateurs, en particulier américains, provoquent un schisme. Force est de
constater que, pour l’instant, ceux qui s’éloignent de la Tradition sont plutôt
au synode. Sont-ils majoritaires ? Sans doute pas. Mais il s’agit
d’activistes formés à la double école du marxisme latino-américain et de
l’écologisme allemand, et qui sont rompus aux manœuvres de prise en main des
assemblées. La majorité saura-t-elle faire entendre la voix de la raison ?
Réponse le 27 octobre, jour de clôture du synode.
Titre et Texte: Edouard
Husson, Valeurs
Actuelles, 14-10-2019
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