Valérie Toranian
Critiquer les excès du transactivisme, est-ce « faire le jeu » de Viktor Orbán, conservateur populiste, chef de file des pays illibéraux au sein de l’Europe ? Doit-on taire les délires de l’idéologie trans sous prétexte que ce serait faire cause commune avec le leader hongrois réactionnaire ? Voilà qui doit trotter dans la tête de bon nombre de militants LGBT, de féministes, de démocrates et de scientifiques qui sont ulcérés par les positions ultra-conservatrices de la Hongrie… mais s’inquiètent également de l’accélération des pratiques radicales irréversibles que subissent bon nombre de mineurs depuis quelques années.
Faut-il se la boucler de peur
de passer pour facho, réac, homophobe, transphobe… ? La méthode n’est pas
nouvelle. George Orwell l’avait parfaitement décrite en 1944. «
C’est une sorte de formule magique ou d’incantation destinée à cacher les
vérités dérangeantes. Quand on vous dit qu’en affirmant telle ou telle chose
vous faites le jeu de l’ennemi, vous comprenez qu’il est de votre devoir de la
boucler immédiatement. » À l’époque, il s’agissait de ne jamais critiquer les
communistes de peur de faire le jeu des fascistes. Tant pis pour les crimes
staliniens. On connaît les variantes actuelles. Ne pas critiquer l’islam politique et l’islamisme de peur de paraître «
islamophobe ». Ne pas critiquer le racialisme woke de peur d’être taxé de
raciste, etc.
« Les droits des homosexuels,
leur liberté d’expression, la non-pénalisation des personnes trans, le respect
de leur identité sexuelle, font partie des marqueurs de tout pays démocratique
qui prétend partager nos principes. L’Europe des valeurs n’est effectivement
pas “à la carte”. »
Aujourd’hui, mettre en doute
la pertinence de faire changer de sexe des enfants/adolescents mal dans leur
peau, est assimilé, par le mouvement radical trans, comme de la transphobie et
peut déclencher via les réseaux sociaux votre mise au ban de la société. Autant
dire que peu s’y risquent. La tendance est plutôt à célébrer la liberté de
pouvoir enfin choisir son identité sexuelle. Si l’on songe aux persécutions
qu’ont subies les LGBT et qu’ils continuent de subir dans le monde, notamment
dans les pays musulmans (1), être dans le camp de ceux qui reconnaissent
leurs droits et les protègent est un honneur et une fierté. Faut-il pour autant
« cacher les vérités dérangeantes », comme l’écrivait Orwell ?
L’Union européenne a eu raison de blâmer l’adoption par le parlement hongrois d’amendements qui entendent « protéger les droits des enfants » en introduisant, pour les moins de 18 ans, une interdiction de « la représentation et de la promotion d’une identité de genre différente du sexe à la naissance, du changement de sexe et de l’homosexualité ». Les droits des homosexuels, leur liberté d’expression, la non-pénalisation des personnes trans, le respect de leur identité sexuelle, font partie des marqueurs de tout pays démocratique qui prétend partager nos principes. L’Europe des valeurs n’est effectivement pas « à la carte ».
D’ailleurs, on aurait aimé que
l’UE pousse les mêmes cris indignés lorsque la police d’Erdoğan réprimait la Marche des fiertés à Istanbul,
samedi dernier. Il faut savoir que les associations LGBT dénoncent la «
campagne de haine » orchestrée depuis des années à leur encontre par Erdoğan.
Mais les discussions en vue du rapprochement avec la Turquie, lors du dernier
sommet européen, ont dégagé d’autres priorités : un nouveau chèque de 3,5
milliards d’euros pour stopper l’arrivée des migrants syriens. L’arc-en-ciel
LGBT peut bien attendre. Après tout la Turquie ne fait pas (encore) partie de
l’Europe. La Hongrie populiste, elle, ne cesse d’irriter les États membres : il
fallait bien que cela explose un jour.
« Si la protection des enfants
est primordiale, ne faudrait-il pas se questionner sur l’accélération
impressionnante du nombre de transitions (changement de sexe) chez les
adolescents et surtout chez les filles ? »
Dans une déclaration commune dont la Belgique a eu
l’initiative, treize États membres – Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France,
Allemagne, Danemark, Estonie, Lituanie, Lettonie, Irlande, Espagne, Suède et
Italie – font état de leur « profonde inquiétude ». La Belgique n’hésite pas à
demander carrément à ce que la Hongrie se retire de l’Union. Plus prudent, le
président Macron souhaite rester ferme (il a condamné comme Angela Merkel l’«
amalgame entre pédophilie et homosexualité ») et en même temps il ne souhaite
pas de rupture.
Les pays de l’Est qui ont
rejoint l’Europe après la chute du mur et la dislocation de l’Union soviétique
n’ont pas le même rapport à l’histoire, à la tradition, à l’identité nationale
et à la religion que les pays de l’Ouest. Ils en ont été privés trop longtemps.
Pour eux, la domination soviétique signifiait la confiscation de toute identité
nationale, l’impossibilité de pratiquer librement sa religion, l’anéantissement
culturel, la perte violente de la transmission. Ils étaient sommés de célébrer
l’avènement de l’homo sovieticus, sans passé et sans histoire. La tragédie
vécue par les Polonais, les Tchèques et les Hongrois a une dimension
civilisationnelle, écrivait Milan Kundera : une partie de l’Occident a été «
kidnappée » par le communisme. L’Occident, quant à lui, a plébiscité le « tout
culturel », le consumérisme débridé et, désormais, la culture woke qui
fait la promotion des races, des religions des communautés sexuelles dans un
radicalisme idéologique étouffant.
La Pologne et la Bulgarie
n’ont pas signé la déclaration commune, la Tchéquie s’est abstenue et la
Slovénie, qui prendra au 1er juillet la présidence de l’UE, a botté en touche.
Peut-on admettre que tous les pays ne soient pas fascinés par notre modèle ? Et
que certains se reconnaissent plus volontiers dans la protection d’une identité
nationale, culturelle et religieuse, même si leurs excès nous déplaisent ? On
ne connaît pas l’utilisation que fera Viktor Orbán de ces amendements qui
s’opposent à la « promotion » des identités sexuelles. S’il s’agit d’un
habillage pour discriminer les homosexuels et les trans (c’est probablement
l’idée), c’est honteux. Mais poser la question de la promotion de la
transidentité, en Hongrie comme ailleurs, n’est pas une question fasciste mais
une vraie interrogation.
« Par quelle folie tant de
médecins sont fiers d’annoncer qu’ils ne refusent jamais la transition à un(e )
patient(e ). Par crainte d’être taxés d’homophobie ? »
Si les pays de l’Union
européenne ont raison de faire état de leur profonde inquiétude face à la
Hongrie d’Orbán, ses excès, ses outrances, ne devraient-il pas également
s’inquiéter face à l’activisme radical trans, ses excès, ses outrances ? Si la
protection des enfants est primordiale, ne faudrait-il pas se questionner sur
l’accélération impressionnante du nombre de transitions (changement de sexe)
chez les adolescents et surtout chez les filles ?
Pourquoi une partie du corps
médical est-il autant fasciné par les discours autour de la transidentité ?
Pourquoi certains psychiatres prescrivent-ils aussi rapidement des bloqueurs de
puberté ? Pourquoi les témoignages d’adolescentes ayant transitionné en hommes
et qui le regrettent sont-ils tabous ? Pourquoi des associations
transactivistes se livrent-elles à un prosélytisme débridé sur les réseaux
sociaux sans que le ministère de la Santé, ou celui de la protection de
l’enfance, ne viennent tempérer l’ardeur militante ?
Au Royaume-Uni, le nombre de transitions a augmenté de 3200 % en dix ans avec une proportion de 70 % de filles. Le Detransition Advocacy Network créé en 2019 a reçu en quelques mois plusieurs centaines de messages de jeunes femmes qui regrettent leur transition. Le plus souvent lesbiennes, autistes, elles déplorent de ne pas avoir été orientées vers un traitement contre leur dépression et leurs troubles alimentaires. Détransitionner après prise d’hormones, ablation des seins, c’est un impossible retour en arrière.
Par quelle folie tant de
médecins sont fiers d’annoncer qu’ils ne refusent jamais la transition à un(e )
patient(e ) (2). Par crainte d’être taxés d’homophobie ?
« Comment tenir compte de la
détresse réelle sans insulter l’avenir ? »
Céline Masson, psychologue et
professeure des universités en psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent,
créatrice de l’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et
l’adolescent (Observatoire de la Petite sirène), veut alerter contre les
dérives du radicalisme trans. « Si l’on considère que ces mineurs ont de graves
troubles psychiques, peut-on certifier qu’ils consentent « de façon libre et
éclairée » lorsqu’ils réclament une transition pour mettre fin à leur malaise ?
»
Comment tenir compte de la
détresse réelle sans insulter l’avenir ? La journaliste américaine Abigail
Shrier a publié en 2020 Irreversible Damage : The Transgender Craze
Seducing our Daughters. Elle y souligne que si les adultes doivent avoir
toute liberté de transitionner, les adolescents ne sont pas dans la meilleure
position pour choisir et qu’ils subissent souvent une « contagion sociale ».
Immédiatement taxée de transphobe sur les réseaux sociaux, elle a été bannie
selon la méthode habituelle. Sans aucun argument sur le fond, avec un message
simple : le livre était un appel à la haine et aucun être humain digne de ce
nom ne devait le vendre, l’acheter ou le lire. Amazon a refusé une annonce
sponsorisée payée par son éditeur. La majorité des journaux et magazines ont
boycotté le livre. Les employés de Spotify ont exigé qu’un podcast, où Abigail
Shrier était interviewée, soit retiré de la plate-forme. En démocratie
d’opinion, la censure sociale ressemble à s’y méprendre à l’ancienne censure
d’État. En plus efficace.
Si l’Europe décide de débattre
sur les questions sociétales (est-ce bien sa vocation ?), alors allons jusqu’au
bout, sans tabou, sans occulter les vérités dérangeantes. Et en posant toutes
les questions. Par exemple : combien d’associations transmilitantes au rôle
plus qu’ambivalent sont aujourd’hui subventionnées par l’Union européenne ?
1 D’après une enquête du
magazine Têtu, les vingt pays les plus homophobes dans le monde sont (par ordre
décroissant) : Nigéria, Arabie saoudite, Malaisie, Malawi, Oman, Jamaïque,
Birmanie, Qatar, Émirats arabes unis, Yémen, Zambie, Tanzanie, Soudan,
Cisjordanie et Gaza, Iran, Ouganda, Maldives, Maroc, Algérie.
2 Lire à ce propos l’enquête de Pauline Arrighi dans Marianne «
Qui sont les personnes transgenres qui regrettent leur transition ? »
Illustration : un groupe de
participants à la Marche des fiertés, le 20 juin 2021, à Paris. Photo
: Pierrick Villette/Avenir Pictures/ABACAPRESS.COM.
Titre et Texte: Valérie
Toranian, Revue
des Deux Mondes, juillet/août 2021
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