Propos recueillis par Sylvie Perez
Née homme, en Angleterre, il y a
cinquante-deux ans, Debbie Hayton est aujourd’hui une femme, membre du Parti
travailliste et du bureau national du deuxième syndicat d’enseignants de son
pays. Cela ne l’empêche pas de dénoncer l’idéologie transgenre, le militantisme
dogmatique qui récuse la biologie et qui réduit tous ses adversaires au
silence. Elle n’a pas que des copines.
Causeur. Vous avez changé
d’identité mais vous vivez avec la mère de vos trois enfants. Un modèle de
famille nucléaire ?
Debbie Hayton. Lorsque j’ai
changé d’identité, nous étions mariés depuis dix-neuf ans. Pour moi ce fut une
libération, pour Stéphanie, ma femme, ça a été très dur. On a réussi à
traverser cette épreuve ensemble. Notre plus jeune garçon a 18 ans et vit
encore avec nous ; les deux autres sont de retour à la maison pour les
cours d’université en ligne.
Votre désir de devenir une
femme a-t-il été inspiré par la théorie du genre, la littérature de Judith
Butler ou Monique Wittig ?
Je n’avais jamais rien lu de tout ça. Je souhaitais avoir le corps d’une femme, c’est tout. J’ai compris a posteriori que j’étais autogynéphile, une forme d’excitation sexuelle liée au fait de s’imaginer en femme qui, à mon avis, concerne la plupart des trans femmes. J’étais convaincue d’être une femme dans un corps d’homme, ce qui peut sembler étrange pour une scientifique. J’avais la certitude que modifier mon corps résoudrait mes problèmes psychologiques. Et ça a marché ! Cependant, cela a perturbé mon entourage, un aspect qu’il ne faut pas négliger. Trop souvent, les transgenres pensent à eux-mêmes et oublient leurs proches.
Les militants transgenres
tendent à gommer l’aspect érotique de la question. Pourquoi ? D’abord,
pour se présenter comme des victimes. La victimisation confère une forme de
pouvoir : celui qui subit la fatalité doit être soutenu par la société. Or
un fantasme sexuel n’est pas une malédiction. Ensuite, ce n’est pas une
sexualité facile à assumer. L’habiller avec le vocabulaire du genre et
désexualiser la chose atténue la honte. Mais cela nous détourne des vraies
questions, les seules qui vaillent : pourquoi devient-on transgenre ?
D’où vient ce besoin irrépressible d’altérer son corps ? Il faut explorer
ces questions de la façon la plus ouverte possible au lieu de les
instrumentaliser à des fins politiques. C’est comme ça qu’on aidera les
transgenres.
Sait-on combien de
transgenres compte la population ?
L’ONS (l’Office national de
statistiques au RoyaumeUni) estimait la population LGBT à 2 % en 2017
(contre 1,5 % en 2012). Pour le recensement lancé ce printemps, on doit
répondre aux questions « Quel est votre sexe ? » (no 3)
et « Avez-vous une identité de genre différente de votre sexe à la
naissance ? » (no 27). Je répondrai sexe masculin, genre
féminin. Hélas, les activistes ont annoncé qu’ils indiqueraient leur sexe en
conformité avec leur genre, nous privant d’une information précieuse. Aux
États-Unis, un sondage récent Gallup 2020 estime à 5,6 % la part de la
population LGBT (86,7 % hétérosexuels, 7,6 % ne répondent pas) contre
4,5 % en 2017. Mais si l’on prend la tranche d’âge 18-24 ans, 15,9 %
se disent LGBT dont 1,8 % transgenres (dix fois plus que dans ma tranche
d’âge). Peut-être est-ce un effet de mode dû à l’attractivité des prides
arc-enciel. Espérons seulement qu’ils ne modifient pas leur corps alors qu’ils
sont trop jeunes pour prendre des décisions irréversibles.
Pourquoi êtes-vous
intervenue dans le débat public ?
Jusqu’à présent, pour changer
de sexe à l’état-civil, il fallait avoir pris un traitement hormonal ou subi
une opération et avoir l’aval d’un psychologue. Les militants ont réclamé
l’auto-identification, un régime purement déclaratif. Changer de sexe est un
acte protégé par la loi, et grâce à cela j’ai pu garder mon emploi. Changer
d’identité de genre relève du pur sentiment. La loi peut réglementer les actes,
pas les sentiments. C’est pourquoi en 2016, j’ai écrit contre cette réforme qui
allait, selon moi, compliquer l’insertion des transgenres dans la société. J’ai
été immédiatement blacklistée. Je ne disais pas ce qu’on attendait de moi.
Heureusement, l’auto-identification n’est pas passée.
Pouvez-vous préciser la
nature du problème ?
Si un homme peut se décréter femme, les droits
des femmes n’ont plus de sens et cela pose de graves problèmes dans les lieux
réservés aux femmes. Karen White, un homme habillé en femme, inculpé pour
pédophilie et viols, a été admis dans une prison pour femmes et a agressé
sexuellement deux codétenues. En Irlande, ces jours-ci, se pose le cas de
Barbie Kardashian (nom de naissance Alejandro Gentile), un homme qui se sent
femme, lui aussi accusé de violences sexuelles et qui a tenté de tuer sa mère.
Selon son avocat, Barbie Kardashian ne supporterait pas une prison pour hommes.
Des refuges pour femmes battues risquent de perdre leurs subventions s’ils
refusent d’accueillir des trans femmes. Résultat, des femmes victimes de
violences conjugales vont devoir cohabiter avec des hommes…
Les militants ne sont pas
les seuls sur ce terrain. Pour l’ONU, comme pour Joe Biden, une femme trans est
une femme. À l’occasion du mois LGBT, le maire de Londres Sadiq Khan a
tweeté : « Les trans femmes sont des femmes, les trans hommes sont
des hommes, les non-binaires sont non binaires, toutes les identités de genre
sont valides. »
C’est absurde ! Ce n’est pas parce que
quelqu’un de haut placé répète une ineptie qu’elle devient vraie. Une trans
femme est un homme. C’est le premier critère de définition d’une trans femme.
Tout homme peut devenir une trans femme. Vous qui êtes une femme, vous ne
pourrez jamais devenir une trans femme. On peut se demander pourquoi nos
dirigeants prennent pour argent comptant ces mantras. Je crois que c’est pour
être gentil, faire preuve d’empathie envers les « victimes ». Ils ne
s’interrogent pas sur les conséquences de leur « gentillesse ». Et
qui les contredit passe pour une brute.
Vous rappelez à l’envi
qu’il existe deux, et seulement deux, sexes biologiques. Qu’estce qu’être
« non binaire » ?
Il ne faut pas confondre sexe et
genre. L’espèce humaine se caractérise par un dimorphisme sexuel. On est d’un
sexe ou de l’autre, masculin ou féminin. Le genre est un spectre entre
masculinité et féminité, on est tous un mix des deux, plus ou moins viril, plus
ou moins féminin. De ce point de vue, on est tous non binaires. Mais personne
n’est sexuellement non binaire, ça n’existe pas ! Même parmi les cas
rares d’intersexués. Le syndrome de Turner (des femmes avec un seul chromosome
X) : ce sont des femmes. Le syndrome de Klinefelter (des hommes avec un
chromosome X en plus) : ce sont des hommes. Les SICA (syndrome
d’insensibilité complète aux androgènes) peuvent être considérés comme
masculins du fait de leurs chromosomes XY, ou féminins parce que leur corps,
d’apparence féminine, est insensible à la testos- « L’idéologie transgenre est
un dogme, quasi religieux, qui récuse la biologie »41 térone. Mais ils sont
l’un ou l’autre ; il n’y a pas d’autre sexe possible.
Qu’est-ce que l’idéologie
transgenre ?
C’est un dogme, quasi
religieux, qui récuse la biologie : femmes et hommes se distinguent, non
par le sexe, réalité objective, mais par le genre, qui relève du registre
psychologique. Le genre définit le sexe. Cette idéologie exerce une influence
incommensurable sur nos institutions ! Ça a commencé en 2006 lors d’une
conférence à Jogjakarta, en Indonésie. Des professionnels des droits de l’homme
se réunissent dans un endroit exotique, probablement tous frais payés, et
rédigent les « Principes de Jogjakarta sur l’application du droit international
des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de
genre ». Ces principes sont présentés à l’ONU. Ils intègrent le droit
international, puis le droit européen, en dehors de tout contrôle démocratique.
Et ils deviennent dans tous les pays des impératifs moraux. Un jour on
regardera notre époque avec consternation.
Sans surprise, cette
idéologie entend réduire tous ses adversaires au silence.
Faits contre sentiments, le
débat est inégal. Un ressenti, ça ne se discute pas. D’où l’hystérie des
militants. Accusée de transphobie, Selina Todd, professeur d’histoire moderne à
Oxford et féministe, a reçu des menaces d’une telle violence que l’université
lui a payé deux gardes du corps. J. K. Rowling a reçu des menaces de mort pour
avoir affirmé qu’il existait deux sexes biologiques ; des furieux ont
appelé à brûler ses livres. Rowling ou Todd peuvent se défendre. Pas ceux qui
se font licencier pour un tweet s’écartant du catéchisme transgenre. Ils sont
attaqués par des meutes qui prennent soin de citer leur employeur. Lequel, pour
éviter les ennuis, limoge l’hérétique.
Dans le mouvement des
droits civiques, les minorités réclamaient des droits pour elles-mêmes.
Aujourd’hui, elles exigent des interdictions pour les autres, allant jusqu’au
contrôle du langage. Le mot « femme » est devenu problématique. Dans
un projet de loi sur les congés maternité, on parlait de « personne
enceinte » et non de « femme enceinte » pour ne pas froisser les
transgenres.
Il me semble que ce mouvement
a été impulsé par des hommes. Avec la parité, ils avaient perdu leur monopole
politique. Aujourd’hui, ils peuvent prendre la place des femmes. Au Parti
travailliste, les listes de candidatures féminines sont maintenant ouvertes aux
trans. Lorsque cette mesure a été adoptée, David Lewis a présenté sa
candidature, arguant qu’il se sentait femme tous les mercredis. Il a été exclu
du parti… Connaissez-vous Pips Bunce, directeur au Crédit Suisse ? Voilà
un homme qui va travailler certains jours habillé en femme, certains jours
habillé en homme. Il a été distingué sur une liste du Financial Times qui
récompense les 100 meilleures femmes d’affaires du Royaume-Uni ! Il faut
du cran de la part d’un homme pour s’habiller en femme. Il en faut encore plus
pour s’habiller en femme en admettant qu’on est un homme.
Vous ferraillez contre le
lobby trans au sein du Labour. Êtes-vous entendue ?
Je suis en contact avec
plusieurs députés, je ne peux pas les citer, ils risqueraient de perdre leur
siège. Vous savez, sur ces questions, 95 % des gens n’ont pas d’opinion,
tandis que 5 % sont très impliqués et décidés à faire la loi. Personne n’a
envie d’être traité de transphobe. Du coup, les politiciens disent ce qu’on
veut qu’ils disent. Ils ne voient pas que ces « progrès » se font au
détriment de trois groupes particulièrement vulnérables : les femmes, qui
voient leurs droits reniés ; les enfants, à qui on ment en leur racontant
que s’ils n’aiment pas leur corps, ils peuvent en changer ; enfin, les
transsexuels eux-mêmes qui jusque-là vivaient tranquillement et suscitent
aujourd’hui la méfiance légitime des femmes qui voient des minorités actives
envahir leur espace.
Propos recueillis par Sylvie
Perez, CAUSEUR, nº 91 – juin 2021
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