sábado, 10 de setembro de 2011

Loin d'être obscène, photographier une catastrophe sert la mémoire


Alain Genestar
L'anniversaire d'un événement, qu'il soit dramatique ou heureux, est toujours l'occasion de montrer des images, à la manière d'un album de famille que l'on feuillette pour se souvenir.
Dix ans après le 11-Septembre, tous les journaux et magazines, toutes les télévisions du monde commémorent la date des attentats les plus violents de l'histoire moderne, en publiant les photographies et en rediffusant les vidéos de l'époque.
Revoir le célèbre document des frères Naudet, Jules et Gédéon, qui ont filmé en direct l'attaque, puis l'effondrement des tours du World Trade Center. Revoir cette série de photographies prises de Brooklyn par Robert Clark à 9 h 03 au moment où le deuxième avion fonçait vers la tour sud. Ce matin-là, il faisait beau à New York.
Photo: Deutsche Welle
Le ciel est bleu. D'un bleu intense. L'avion, en ombre noire, se détache au-dessus des buildings de la pointe de Manhattan et trace dans le décor une trajectoire impeccable. Les couleurs, l'éclairage, les lignes, les verticales des immeubles, le vol horizontal de l'avion, les courbes des haubans du vieux pont suspendu au-dessus de l'East River...
Tout est parfait. Et c'est l'horreur.
D'où le trouble, en revoyant cette scène fantastique, qui a fait dire au compositeur allemand Karlheinz Stockhausen qu'il s'agissait là de "la plus grande oeuvre d'art jamais produite". Ces propos firent scandale et, dix ans après, dérangent encore par la brutalité du constat. Oui, il y a dans cette scène incroyable, inimaginable, une dimension esthétique. Effroyablement esthétique.
Comme l'on peut dire d'un crime qu'il est parfait, les attentats du 11-Septembre à New York ont cette perfection dans la représentation de l'horreur. Une oeuvre, donc. Non pas de création. Mais une oeuvre de destruction immortalisée sur la pellicule et dans la mémoire du numérique.
Alors, revisionner, dix ans après, ces images, comme l'on revoit un film à grand spectacle ?

Je me souviens, dans mon enfance, à la télévision, chaque soir du 11 novembre, l'une des chaînes rediffusait l'adaptation du roman de Roland Dorgelès, Les Croix de bois (Le Livre de poche, 2010), ou la même histoire avec d'autres uniformes, A l'Ouest rien de nouveau (Le livre de poche, 1973), tiré de l'oeuvre d'Erich-Maria Remarque. Combien de fois, le 6 juin, avons-nous vu et revu Le Jour le plus long, superproduction de Darryl Zanuck, au point d'en connaître par coeur les répliques. Dont celle-ci, fameuse, du général Taylor, interprété à l'écran par Robert Mitchum, qui arpentait Omaha Beach en hurlant : "Il y a deux types d'hommes sur cette plage, ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir !"
Il faut sauver le soldat Ryan, de Steven Spielberg, a, depuis, renouvelé le genre. Mais toujours ce besoin, rituel, de célébrer par l'image, dans une sorte de communion cathodique, un grand événement, une guerre, une bataille. Sauf que les images du 11-Septembre ne sont pas tirées d'un film de fiction. Les victimes ne sont pas des acteurs qui jouent un rôle sur une plage, mais des vivants qui meurent d'être là, dans les tours.
Ce que l'on voit, sur les photos de Robert Clark, de Klaus Reisinger, d'Allan Tannenbaum, de James Nachtwey ou dans le film des frères Naudet, c'est la mort qui va frapper dans quelques secondes, quand l'avion va atteindre la tour, ou la mort qui vient de frapper il y a quelques secondes quand l'explosion, dans une boule de feu multicolore, enflamme les étages, dégageant une fumée épaisse qui dessine un crêpe noir dans le ciel bleu de New York, puis les victimes qui sautent, l'effondrement des deux tours, l'une après l'autre, lentement, comme dans un film au ralenti, le nuage de poussière qui obscurcit l'écran et cette vision fantomatique de carcasses brisées de cathédrales dressées dans un geste de prière.
Ce que l'on voit sur ces images, c'est la mort en direct, photogénique et cinématographique, ressentie intimement avec d'autant plus de violence que l'oeuvre monumentale de destruction est réelle.
Dès lors, dans le tumulte actuel des images numériques, les unes chassant continuellement les autres, montrer et repasser, lors d'un anniversaire, les photographies et les vidéos du 11-Septembre, c'est entretenir la mémoire. Afin que ces images vraies restent, dans la conscience de l'humanité, à jamais inoubliables.
Alain Genestar, Directeur de “Polka Magazine”, Le Monde, le 10-09-2011
Edition: JP

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