quinta-feira, 22 de dezembro de 2022

[Viagens & Destinos] S’oublier à Óbidos


Julien San Frax

Le Portugal est à la mode. Preuve en est avec la Saison France-Portugal 2022 qui, sous l’égide de l’Institut français, a proposé jusqu’à la fin octobre une flopée de manifestations traversées des meilleures intentions pour «  parler d’Europe et d’intégration, des valeurs d’inclusion, de parité et d’égalité, et bien sûr de culture et de patrimoine, sous l’angle des nouvelles technologies et des industries culturelles et créatives (sic)  ».

Au-delà du lénifiant jargon propre à promouvoir cet œcuménisme de bon aloi où «  les jeunes  », «  les femmes », « les océans », « la francophonie », etc., se voient immanquablement portés en étendard, on se prend à rêver de vieilles pierres.

À une heure de Lisbonne, au cœur de l’Estrémadure, non loin de Leiria et de ses célèbres pinèdes, Óbidos, gros bourg proche de l’océan aux bâtisses chaulées de blanc, enchâssé dans une enceinte de remparts, paraît surgir d’un temps pétrifié. Certes, sur le pavé récuré de ses ruelles, le fracas mondialisé des Samsonite à roulettes a définitivement remplacé le roulis des charrettes, la frappe des sabots et le crottin des montures.

Et le patelin de 3 000 âmes a, sans recours, sacrifié sa ruralité paysanne à la rente patrimoniale : élu l’une des « Sept Merveilles du Portugal », le village fortifié est également estampillé « Ville créative » par l’Unesco. Au pied de ses remparts, jouxtant la porte Est dominée par deux imposantes tours médiévales, une vaste librairie-bibliothèque ripolinée a annexé l’église gothique de Saint-Pierre, ainsi sécularisée à l’enseigne de la Culture.

Chaque année, au mois d’octobre, un Festival international de littérature (FOLIO), associé à un projet de réhabilitation de maisons à l’abandon destiné à former un réseau de résidences d’artistes et de pépinières d’« entrepreneurs créatifs », réunit écrivains, éditeurs à Óbidos, et propose toute une batterie de programmes récréatifs… En attendant, dans une Europe où les librairies disparaissent, la première surprise, dans cet îlot patrimonial, c’est leur nombre incroyable.

Pour le reste, Óbidos donne dans le touristico-culturel : expositions d’art visuel au petit musée municipal – qui abrite les œuvres de l’artiste locale Josefa d’Óbidos (1630-1684) ; musique classique avec, la première quinzaine d’août, le Festival international de piano d’Óbidos (SIPO) ; un marché médiéval sur dix jours fin juillet (processions de pénitents, tournois, ménestrels et troubadours, ferme aux bestiaux) ; et même, au mois de mars, un… Festivalinternational du chocolat qui met à l’honneur la ginja, cette fameuse liqueur de cerise qu’on déguste dans des tasses… en chocolat. Bref, l’alibi culturel cautionne le tourisme de masse.

Óbidos, village global ?

Les vestiges archéologiques indiquent une présence humaine depuis le Paléolithique inférieur. Óbidos, qui ne domine plus le rivage maritime – sa lagune ayant été progressivement envasée au fil des siècles – a été un comptoir phénicien puis un oppidum (citadelle fortifiée) romain, avant de devenir une place forte arabe, jusqu’à la reconquête de la ville par Dom Afonso Henriques, au XIIe siècle. Une fois les Maures boutés hors de la péninsule, les murailles ont été restaurées. Le château date de cette époque.

En 1210, le roi Dom Dinis offre Óbidos en cadeau de noces à son épouse la reine Santa Isabel. Dès lors, le village est resté la « Casa das Rainhas » – la propriété des reines portugaises – jusqu’en 1834 ! Hantée par les figures de Dom João II, de Leonor de Lancastre et du malheureux Dom Sebastião – qui meurt à la bataille de Ksar-el-Kébir (Maroc) à 24 ans en 1578 –, la légende d’Óbidos coule dans la geste lusitanienne. Du bourg médiéval, il ne reste pas grand-chose. Le fameux tremblement de terre de 1755 n’a pas seulement ravagé Lisbonne  : la plupart des édifices et églises d’Óbidos se sont effondrés. Paradoxe, l’infrangible beauté de ce joyau baroque et manuélin doit tout à cette catastrophe, du tracé rectiligne de sa Rua Direita (rue principale) à ses façades immaculées, de ses toits de tuiles rutilants au dessin de ses églises ornées de fabuleux azulejos, de leurs autels surchargés de dorures à leurs plafonds somptueusement peints.

Cet écrin du XVIIIe siècle serti dans une maçonnerie féodale peut se visiter en un jour, c’est ce que font la plupart des touristes.

Malgré l’inexorable dégradation du paysage alentour – mitage périurbain dans le loin[1]tain, au milieu des vignobles, un aqueduc routier barre deux collines à l’horizon –, il est encore permis de rêver. Minuscule promontoire enclos dans son colossal appareil défensif, havre préservé du trafic automobile et même des trottinettes (mais jusqu’à quand ?), Óbidos, le soir venu, se recharge de poésie, lorsque, délestée de ses cargaisons de journaliers cosmopolites et de ses milliers de touristes, la bourgade silencieuse, aérée, limpide, s’octroie dans la lumière vespérale un regain de vacance qui la rend providentiellement à elle-même.

Titre Image et Texte: Julien San Frax, CAUSEUR, nº 107, décembre 2022

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