Si l’instrumentalisation qui en est faite par la Russie est évidente, l’existence en Ukraine d’une idéologie puisant dans le nazisme est bien réelle, analyse notre lecteur.
Un des principaux objectifs de Vladimir Poutine justifiant son intervention militaire en Ukraine est la « dénazification » du pays. Pour certains, le terme est anachronique et le président Macron a même dit que la guerre contre le nazisme de la Russie était un « mensonge ». Comme pour tant d’autres sujets concernant cette guerre, il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux et nous savons qu’il y a de la propagande dans chaque camp. La réalité est plus complexe comme souvent et il est désespérant de voir nos médias dominants faire de la désinformation plutôt que de mener des enquêtes en bonne et due forme pour nous aider à mieux comprendre la situation.
Si l’État ukrainien actuel n’est pas un État nazi, il n’en demeure pas moins vrai qu’une idéologie puisée dans le nazisme gangrène la société ukrainienne depuis son indépendance en 1991. Pour comprendre cette situation, il faut remonter à la Deuxième Guerre mondiale lorsque le mouvement nationaliste ukrainien a activement collaboré avec le IIIe Reich. Un des principaux chefs du nationalisme ukrainien de l’époque est Stepan Bandera. Il est le dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et a fondé l’Armée de Libération Ukrainienne (UPA). Ses adeptes ont été appelés bandéristes. Bandera veut un État ukrainien indépendant de l’URSS et, malgré quelques différends avec Berlin, s’allie aux nazis. Ses militants commettent de nombreux crimes et certains rejoignent même la 14e division SS Galicie en 1942. Ces bandéristes s’illustrent par des exactions terribles contre tous ceux qui ne sont pas considérés comme de vrais Ukrainiens : Ukrainiens prosoviétiques, Russes, Hongrois et juifs feront partie de leurs principales cibles, mais d’autres peuples ne seront pas en reste. En 2016, la Diète polonaise a voté une loi considérant que le massacre de plusieurs dizaines de milliers de Polonais par les Ukrainiens en Volhynie (ex-région polonaise annexée par Staline à l’Ukraine) constituait un génocide. L’historien polono-allemand Grzegorz Rossoliński-Liebe a documenté la vie de Bandera et son influence importante en Ukraine dans une monographie sortie en 2015. À Alfred Rosenberg, ministre du Reich aux territoires occupés de l’est, Stepan Bandera écrit en 1941 que le nationalisme ukrainien a évolué « dans un esprit similaire aux idées nationales-socialistes ». Il lui dit également qu’il est « vital d’inclure l’Ukraine dans le système spirituel, économique et politique européen ». Les mouvements bandéristes agissent essentiellement dans l’ouest de l’Ukraine.
Ils vont être ressuscités lors
de l’indépendance de l’Ukraine en 1991 et progressivement revenir sur la scène
politique de nouveau dans l’ouest de l’Ukraine et à Kiev. Après la « Révolution
orange » soutenue par Washington et Bruxelles en 2004, le président ukrainien
Viktor Iouchtchenko commence à réhabiliter Stepan Bandera et entame une
réécriture de l’histoire ukrainienne. Iouchtchenko réhabilite également Roman
Choukhevytch, un des commandants du bataillon Nachtingall (première unité
étrangère de la Wehrmacht), ancien de l’UPA et un des instigateurs du massacre
de Polonais en Volhynie et en Galicie. Réfuter leur héroïsme devient une
offense criminelle. En 2010, Iouchtchenko donne le titre de « héros de
l’Ukraine » à Stepan Bandera et fait imprimer un timbre national à son effigie.
Plus tard, l’avenue de Moscou à Kiev sera rebaptisée avenue Stepan Bandera. Des
monuments en l’honneur de Bandera vont pousser partout en Ukraine (surtout à
l’Ouest) comme des champignons après une semaine de pluie. Le président ukrainien
accorde aussi des pensions de guerre aux Ukrainiens ayant choisi la
collaboration avec les Allemands. Après l’Euromaïdan en 2014, le président
ukrainien Porochenko inaugure la « journée des défenseurs de l’Ukraine » le 14
octobre, date historique de la fondation de l’UPA. Une grande partie de
l’Ukraine et notamment la rive gauche du Dniepr et le sud du pays,
majoritairement russophones, réagit vivement à cette réécriture de l’histoire
et rappelle que les bandéristes ont tué de nombreux Ukrainiens antinazis. Le
mouvement de Bandera est caractérisé par son antisémitisme et a participé à de
terribles pogroms notamment lors de la prise de Lvov par les Allemands en 1941.
73 ans plus tard, en 2014, Isi Leibler écrit dans The Jerusalem Post : « La
communauté juive ukrainienne, estimée à environ 200 000 âmes, a de bonnes
raisons d’avoir peur. » De nombreux actes antisémites sont commis
contre des monuments juifs. Tatiana Sojkina, responsable de Praviy Sektor à
Odessa, dit que « l’Ukraine n’appartiendra pas aux youpins » et
le consul d’Ukraine à Hambourg, Vasiliy Marushchinets, dit que c’est « honorable
d’être fasciste ». Les organisations racistes réanimées pour des motifs
politiques principalement antirusses polluent et divisent la société
ukrainienne avec leur discours extrémiste. Lors du mouvement Euromaïdan de
2013-2014, de nouveau orchestré par Washington, Bruxelles et des officines
privées comme l’Open Society de George Soros, les mouvements ultranationalistes
ukrainiens sont en première ligne. On reconnaît très bien dans les
manifestations les drapeaux rouge et noir de l’arme insurrectionnelle
ukrainienne, le drapeau bleu et jaune du mouvement Sloboda (ex-parti
« Social-National d’Ukraine) et toute une symbolique héritée du passé
collaborationniste de l’Ouest ukrainien. Ces ultranationalistes assimilent le
Russe d’aujourd’hui au Soviétique d’antan. Ils promettent notamment d’interdire
l’usage de la langue russe qui est la langue maternelle de nombreux Ukrainiens.
Cette décision est une des principales raisons de la révolte à l’est et au sud
du pays contre le mouvement de l’Euromäidan.
Certains semblent incrédules à
l’idée que Bruxelles et Washington puissent soutenir des mouvements ouvertement
néonazis en Ukraine. C’est très mal connaître la stratégie d’ingérence
américaine mise en place depuis de nombreuses années. En effet, quand
Washington veut changer un gouvernement qui ne lui convient pas, il s’appuie
systématiquement sur des mouvements de jeunes hommes galvanisés par une
idéologie, quelle qu’elle soit, qui vont servir de levier pour éjecter le
pouvoir en place manu militari. Washington a besoin de la force de
la rue, mais s’assure, une fois que le coup de poing est réalisé, de placer ses
hommes liges qui, souvent, n’ont rien à voir avec les mouvements protestataires.
C’est ainsi que Washington a financé, formé et armé les Moudjahidines en
Afghanistan contre l’Union soviétique, les djihadistes bosniaques et les
néonazis oustachis croates contre Miloševic en Yougoslavie et des islamistes
contre Kadhafi en Libye et Bachar al-Assad en Syrie. C’est une constante du
manuel américain du changement de gouvernement étranger. Ce ne sont pas des
jeunes démocrates libéraux qui vont virer un président démocratiquement élu, ce
sont toujours des jeunes extrémistes et Washington sait très bien les
manipuler.
C’est exactement ce qui va se
produire en 2014 à Kiev. La foule des manifestants pro-UE va être encadrée par
les militants extrémistes se réclamant du bandérisme. Lors de l’Euromaïdan, le
portrait de Stepan Bandera est suspendu à l’intérieur de la mairie de Kiev.
Pendant l’Euromaïdan les atlantistes se sont appuyés, entre autres, sur Oleh
Tyahnybok, co-fondateur du Parti Social-National d’Ukraine (devenu Svoboda) qui
avait dans le passé déclaré qu’il était nécessaire que l’Ukraine soit « reprise
à la mafia judéomoscovite ». Ce sont les bandéristes qui vont déloger
le président démocratiquement élu Victor Ianoukovitch dont le principal
« crime » avait été de préférer un partenariat économique majeur avec la Russie
plutôt qu’avec l’Union européenne. Les nouveaux responsables politiques du pays
ne viendront pas des partis néonazis ni des urnes ukrainiennes. Ils seront
choisis par Washington comme l’atteste une conversation privée, mais rendue
publique (certainement par les Russes) entre Victoria Nuland, sous-secrétaire
d’État américaine, et Geoffrey Pyatt, ambassadeur des États-Unis en Ukraine.
Les nouveaux hommes forts de l’Ukraine après le coup d’État ne sont certes pas
néonazis, mais sans ces derniers ils n’auraient jamais pu prendre le pouvoir.
En revanche, les responsables des mouvements bandéristes ne seront pas oubliés
et vont être recyclés au sein de l’État ukrainien. Des leaders nostalgiques de
la collaboration avec le IIIe Reich ont été placés à des postes de haut niveau
comme Andriy Parubiy, ancien co-fondateur du parti Social-National d’Ukraine et
chef de la sécurité pendant l’Euromaïdan, qui est devenu le président du
parlement ukrainien (Rada) de 2016 à 2019. Andreï Biletsky, issu de la même
formation politique est, quant à lui, devenu le commandant du bataillon Azov de
sinistre réputation qui s’affiche ouvertement avec des symboles néonazis. Vadim
Troyan, colonel dans le bataillon Azov, devient le responsable de la police de
Kiev entre 2014 et 2021. Dmitro Yarosh, chef du mouvement Praviy Sektor et
fondateur de l’Armée des volontaires ukrainiens, est nommé conseiller du
commandant en chef des armées ukrainiennes. L’ex-Premier ministre ukrainien
Oleksiy Honcharuk participe même à un concert organisé par le groupe radical
C14 en faveur des vétérans. Les liens entre l’État et les mouvements
bandéristes sont nombreux. Les Ukrainiens antinazis et la Russie voisine ne
peuvent pas accepter une telle idéologie haineuse dans les arcanes de l’État
ukrainien à des postes aussi importants. Un document de l’OSCE d’avril 2016
documente les nombreux cas de torture pratiqués par l’armée ukrainienne et
notamment le bataillon Azov. Pour de nombreux Ukrainiens, ces mouvements sont
insupportables, mais ils vivent dans la peur de représailles de ces groupes
fanatisés.
Les médias atlantistes
rejettent la campagne de dénazification des Russes en prétextant que le
président ukrainien actuel de l’Ukraine Volodymyr Zelensky est juif. C’est un
raccourci que l’on ne peut pas prendre au sérieux. Les relations entre Zelensky
(qui n’est pas pratiquant) et les mouvements extrémistes sont certes
compliquées, et il ne doit pas les aimer dans son for intérieur, mais il en a
besoin. Il dit d’ailleurs : « Stepan Bandera est un héros pour une
certaine partie des Ukrainiens, et c’est une chose normale et cool (sic). Il
était l’un de ceux qui ont défendu la liberté de l’Ukraine. Mais je pense que
quand on nomme tant de rues, de ponts du même nom, ce n’est pas tout à fait
juste. » Pour bien comprendre ce paradoxe, il faut garder à l’esprit
que le coup d’État de 2014 a été soutenu et financé par les États-Unis et des
ONG atlantistes. C’est Washington qui tire les ficelles en Ukraine et les
États-Uniens veulent deux choses qui semblent opposées alors qu’elles sont en
réalité complémentaires. D’un côté, les États-Unis ont besoin d’un président
jovial, sympathique de prime à bord qui va donner une bonne image de l’Ukraine,
mais en même temps Washington a aussi besoin de travailler la rhétorique
ultranationaliste afin de faire monter le sentiment antirusse dans la société
ukrainienne, notamment dans l’armée, et intimider ceux qui veulent d’une
Ukraine apaisée avec Moscou. Zelinsky n’est pas un nazi, certes, mais pour
l’ancien premier ministre ukrainien Mykola Azarov il est une « marionnette
des États-Unis ». Zelensky a été élu avec un score impressionnant sur un
programme où il a promis la paix au Donbass, mais il n’a jamais réussi à
l’imposer, car elle contrecarre le projet américain pour l’Ukraine. Le
président ukrainien est impuissant face à Washington et aux mouvements
bandéristes qui ont pris le contrôle de pans entiers de l’armée et de la
police. Depuis le coup d’État de 2014, de nombreux soldats de l’OTAN sont venus
former les soldats de Kiev. Pour l’ex-soldat américain et ex-inspecteur de la
Commission spéciale des Nations Unies (UNSCOM), Scott Ritter, les groupes
extrémistes ont été complètement absorbés par l’armée. « Il y a des néonazis
partout » dit-il avant de rajouter que lorsque les formateurs britanniques, américains
et de l’OTAN forment les soldats ukrainiens, ils forment en réalité des
« nazis. » La tension entre Zelensky et l’aile dure de l’armée s’est notamment
manifestée en octobre 2019. Le président ukrainien s’était rendu sur la ligne
de front au Donbass à Zolote où il a discuté avec des vétérans de la guerre.
Une scène est enregistrée où le ton monte entre lui et Denys Yantar, chef du
Corps national, un mouvement politique dépendant du bataillon Azov. Zelensky
gourmande Yantar quand il apprend que ses vétérans cachent des armes illégales.
Zelensky ordonne au militaire de les retirer et dit : « Écoute Denys,
je suis le président de ce pays, j’ai 41 ans et je ne suis pas un loser. Je
suis venu vers toi et je t’ai dit : débarrasse-toi des armes. » La
scène filmée devient virale et illustre le poids important des extrémistes au
sein de la société ukrainienne. Tout l’arrière-ban des mouvements bandéristes
est monté au créneau pour insulter Zelensky et le rappeler à l’ordre. Andriy
Biletsky, le commandant du bataillon Azov et du Corps national, s’est même
permis de menacer le président ukrainien et a averti qu’il enverrait encore
plus de vétérans à Zolote si le président tentait de les évincer.
La réalité est que le chef
d’État ukrainien n’a pas le choix que de composer avec les radicaux de l’armée.
Zelensky, qui n’a pas de parcours politique et qui était comédien avant de
prendre la présidence, est complètement perdu dans cet univers militaire et les
méandres de l’État profond ukrainien. Il a cru qu’il était le président, mais
il se rend compte que les États-Unis et l’armée sont plus puissants que lui. Du
coup, il joue leur jeu et les laisse faire. Ces extrémistes, il est vrai, lui
ont également rendu quelques services. Ainsi, le Corps national a attaqué la maison
du principal opposant de Zelensky, originaire de la zone russophone, Viktor
Medvedchuk. Le pouvoir assignera plus tard Medvedchuk à une résidence
surveillée et bâillonnera la presse d’opposition ukrainienne. Les ennemis de
mes ennemis peuvent parfois aussi être mes amis.
Le 17 décembre dernier, les
Nations Unies ont adopté une résolution condamnant le nazisme et toute forme de
racisme. Seuls deux pays ont voté contre : les États-Unis et… l’Ukraine. Ne pas
comprendre que les États-Unis, qui ont fomenté le coup d’État de 2014 à Kiev,
ont besoin de jeunes radicalisés prêts à donner leur vie pour planter un coin
entre la Russie et l’Ukraine et donc avec l’Europe, c’est faire preuve de
beaucoup de naïveté. Dire que les Ukrainiens sont nazis est faux, mais sous-estimer
les formidables réseaux que des groupuscules extrémistes, inspirés du nazisme,
ont tissés au sein même de la société et de l’État ukrainiens l’est tout
autant.
Titre et Texte: Nikola
MIRKOVIC, Front Populaire, 25-3-2022
Merci de remettre l’église au milieu du village. Impossible que les médias occidentaux ne sachent pas ça ! Seraient ils les Idiots utiles du CMI Otannien ??
ResponderExcluirEmouvant témoignage de Maryana Naumova, haltérophile établissant en 2015, lors de la compétition "Arnold Classic", un record du monde en soulevant 150kg. Elle réponds à l' "homme de vérité", Arnold Schwarzenegger au sujet de sa vidéo adressée au peuple russe: https://www.youtube.com/watch?v=HzjZ8UhDYz4
ResponderExcluirD'une dignité exemplaire, elle raconte ce qu'elle a vu au Donbass. Elle respire ce que j'aime dans l'âme russe: un lien indéfectible avec sa terre. C'est beau à vous arracher une larme.