Entretien avec Duarte Branquinho – un
identitaire lusitanien
Propos recueillis par Jérémy
Silvares Jerónimo
Duarte Branquinho [photo] est ce que
l’on peut appeler un amoureux de sa Patrie charnelle, toujours prêt à défendre
l’âme portugaise face aux assauts du mondialisme et au déracinement apporté par
l’immigration de masse. Ancien directeur du Journal « O Diabo » (Le Diable),
journal portugais classé à droite, il a dynamisé durant plus de 15 ans divers
cercles identitaires portugais, tels que « Terra e Povo » (Terre et
Peuple antenne portugaise), participé à des projets politiques nationalistes et
il a été invité à discourir lors d’un des fameux Colloques Iliade, plus
précisément en 2015.
Il est un observateur attentif
des changements qui interviennent peu à peu dans la société portugaise (fort
heureusement, assez lentement) : lent commencement d’immigration
extra-européenne, assaut de l’extrême-gauche woke dans certaines universités,
racisme anti-blanc de la part du président de SOS Racisme Portugal, attaques
contre l’Histoire Portugaise par la gauche bien-pensante… Rien n’échappe à
Duarte Branquinho, sentinelle de l’identité lusitanienne.
Parlez-nous de votre
parcours ! Au Portugal le mouvement identitaire est plutôt discret, des
auteurs tels Dominique Venner, Alain de Benoist, Jean Mabire, Guillaume Faye ou
Jean Yves Le Gallou, pour ne citer qu’eux, sont peu connus. À part certains
livres dont « Le Siècle de 1914 » de Dominique Venner, la plupart des
œuvres de ces auteurs n’ont pas été traduites en portugais. Comment avez-vous
découvert ces auteurs et la pensée identitaire ?
Très tôt je fus un lecteur
avide. À l’adolescence j’ai découvert plusieurs auteurs à travers des livres
d’Histoire Militaire d’auteurs français publiés dans les années soixante-dix au
Portugal, comme Les Corps d’Élites du Passé de Venner, Commandos
de Chasse et Les Panzers de la Garde Noire de Jean
Mabire, ou La Division Bleue de Saint-Loup, entre autres.
Ensuite, dans le champ politique, il y a eu deux livres qui m’ont marqué, Vu
de droite. Anthologie critique des idées contemporaines, d’Alain de
Benoist, qui au Portugal a reçu le titre de Nova Direita Nova Cultura (Nouvelle
Droite Nouvelle Culture), publié en 1981, et Europe – un Empire de
400 millions d’hommes, de Jean Thiriart, publié au Portugal en 1965.
Plus tard dans les années
quatre-vingt-dix, les éditions Hugin (éditeur portugais) publièrent des titres
en portugais tels Les Solstices : histoire et actualité de
Jean Mabire et Pierre Vial, certains livres d’Alain de Benoist, entre autres. À
la fin des années quatre-vingt-dix je suis devenu ami de Miguel Jardim,
l’introducteur de la pensée identitaire au Portugal, c’est lui qui me
montra L’Archéofuturisme du regretté Guillaume Faye, ce fut le
début d’un mouvement.
Plus tard vous êtes devenu
ami de certaines des principales figures de la droite identitaire en France. Comment êtes-vous entré en contact
avec eux ? Existe-t-il ce que l’on pourrait appeler une « Internationale
Identitaire » en Occident ? Y a-t-il de réels contacts entre les
figures des différents mouvements identitaires en Occident ?
Le premier contact direct fut lors d’une rencontre identitaire en Espagne et, ensuite, quand j’ai commencé à aller aux Tables Rondes de Terre et Peuple mais aussi à d’autres rencontres en Europe.
Quand j’étais président
de Causa Identitária (Cause Identitaire) et, après cela, de
Terre et Peuple Portugal, j’ai toujours eu comme priorité le lien entre
mouvements congénères pour la formation et le renforcement d’un réseau. À cette
époque j’ai réussi à faire venir au Portugal Faye, Vial, et d’autres figures de
la mouvance identitaire européenne. Hélas, je pense que cette
« Internationale Identitaire » a été par le passé bien plus puissante
qu’elle ne l’est aujourd’hui. Cette
constatation n’est point une lamentation d’un esprit figé dans le passé mais
bien plutôt une alerte pour une nécessité urgente.
L’Europe Occidentale et les États-Unis
d’Amérique subissent une immigration massive extra-européenne. Seuls les
pays de Višegrad réagissent. Le Portugal, contrairement à des pays tels la
France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, est ethniquement assez homogène. Plus de
90 % de la population est européenne native. Comment expliquer que le
Portugal n’ait pas souffert d’une immigration extra-européenne massive, surtout
vu sa proximité avec le Maghreb ?
Comparativement à d’autres pays
européens, comme la France, les chiffres de l’immigration ne reflètent pas
encore une invasion migratoire et la présence musulmane est très réduite. Mais
ça commence… Le gouvernement et l’opposition à gauche et à droite sont
favorables à l’augmentation de l’immigration. Il y a eu des régularisations en
masse en pleine pandémie covid et le Portugal se montre « ouvert » à
recevoir des immigrés et des réfugiés, d’autant plus qu’il y a eu plusieurs
accords avec des pays non européens pour faciliter les entrées…
Dans le cas du Maghreb,
certains s’établissent au Portugal, mais la plupart vont ensuite dans d’autres
pays européens après avoir obtenu des documents portugais. Il commence à y avoir un changement dans
l’immigration vers le Portugal – immigration qui traditionnellement vient de
pays lusophones – notamment avec l’arrivée d’immigrés de pays tels le Pakistan
ou le Bangladesh, par exemple.
Si elle est encore faible,
l’immigration extra-européenne au Portugal augmente surtout depuis 2014,
pensez-vous que la Nation de Camoens va finir par subir les mêmes mouvements de
population que le reste de l’Europe Occidentale ?
Au contraire de ce que les
spécialistes ont toujours affirmé, il n’existe pas « d’exception
portugaise » et le changement est en vue. L’immigration extra-européenne
ne se voit pas que dans les grandes villes, comme Lisbonne, mais aussi en
province, encouragée principalement par l’agriculture intensive qui a augmenté
dans plusieurs régions. Hélas, le Portugal est sur la route des grands
mouvements populationnels et les conséquences ne seront pas différentes. Nous
pouvons pointer du doigt 2015 comme l’année à partir de laquelle nous avons
commencé à assister à un changement profond. Le gouvernement socialiste, qui
est arrivé au pouvoir avec l’appui de l’extrême-gauche et des communistes, a
encouragé une politique clairement immigrationniste. Après avoir célébré un
accord d’immigration avec le Maroc et après avoir approuvé la libre circulation
de personnes des pays de la CPLP (la Communauté des Pays de Langue Portugaise),
le gouvernement portugais a annoncé récemment qu’il va signer un accord avec
l’Inde pour faciliter le flux de travailleurs. Ce sont des exemples qui
montrent que la démographie portugaise va s’altérer profondément et rapidement.
Récemment j’ai lu l’excellent « Paris
bas-ventre. Le RER comme principe évacuateur du peuple français »
de Richard Millet. Il est fort intéressant car il montre que les transports
publics sont une vitrine du Grand Remplacement et de l’effondrement
civilisationnel. Je connais bien le RER B de mes nombreux voyages vers
Paris, mais le plus impressionnant c’est que nous commençons à voir le même
phénomène, mais dans des dimensions moindres, dans de nombreuses villes
européennes. Même à Lisbonne.
Il existe toutefois une
infiltration des thèses racialistes et décolonialistes dans les universités
portugaises. Le parti d’extrême-gauche Bloco de Esquerda (Bloc de
Gauche) est de plus en plus la voix du Wokisme au Portugal. Il existe malgré
cela une résistance à ces thèses, de la part d’intellectuels et de journalistes
portugais. Pensez-vous que la gauche woke va réussir à s’imposer au
Portugal ? Le Wokisme a-t-il de beaux jours au pays de Fernando Pessoa, de
morale si conservatrice ?
Ces idéologies à la mode sont
entrées récemment en force au Portugal, spécialement dans les Universités, à
travers des professeurs de gauche, mais aussi par des chercheurs en sciences
sociales, particulièrement des étrangers. La presse gauchiste sert de milieu
privilégié pour la transmission de cette « nouvelle religion ».
Dans les partis politiques, ce
n’est pas seulement le Bloco de Esquerda le défenseur de
telles idéologies, regardons le cas de la députée Joacine Katar Moreira, qui en
a fait son programme politique, ou le député socialiste qui a défendu que le
Monument des Découvertes devait être démoli. Malgré le fait que le wokisme soit un phénomène urbain et élitiste, son
influence est de plus en plus grande.
Le passé colonialiste et
esclavagiste portugais est de plus en plus attaqué. Pensez-vous que dans un
futur proche nous assisterons aussi à la repentance des jeunes portugais ?
Ou le patriotisme est-il trop fort au Portugal ?
L’Empire portugais mais aussi
les Grandes Découvertes sont de plus en plus attaqués et souvent avec une
ignorance crasse. Mais, comme l’ignorance historique est de plus en plus grande
aujourd’hui et la honte d’être portugais et européen est de plus en plus
commune chez les jeunes, le patriotisme est en déclin. À part pour le football
et les compétitions sportives en général, mais même dans ce cas c’est un
patriotisme qui sert à célébrer un pays multiethnique et multiculturel.
N’existe-t-il pas une
spécificité portugaise, surtout dans les régions du centre, qui va empêcher la
gauche la plus extrême de détruire l’identité portugaise ? Après tout la
population portugaise est encore très attachée au Christianisme, les livres
scolaires d’Histoire ne sont pas infestés d’idéologie de la repentance comme en
France ou au Royaume-Uni !
Cela fait des années que je
partage ma vie entre Lisbonne et un petit village du centre du pays. Ce sont
deux mondes à part ! Mais même à la campagne on commence à noter certaines
différences. L’intérieur subit un vieillissement de sa population et une
décroissance démographique et il y a plusieurs maires qui voient dans
l’immigration une solution pour ce phénomène. Nous connaissons les résultats
désastreux de ce type de politique dans d’autres pays. Cela nous rappelle le
Paradoxe de Thésée, mais dans ce cas précis, les populations allogènes sont si
différentes qu’il est impossible ne pas voir que le navire n’est plus le même.
Il y a encore, il est vrai, une relation
spéciale avec le catholicisme, surtout chez les plus âgés. Quant aux
livres scolaires, en effet ils parlent toujours de Reconquista et
des Grandes Découvertes comme des périodes fondamentales de l’Histoire du
Portugal, mais certains le critiquent. Je pense que très prochainement nous
serons infectés par ce que l’on appelle « L’Histoire Globale », qui
n’est rien d’autre qu’un euphémisme pour la culpabilisation des blancs.
Récemment, le président de l’association
SOS Racisme Portugal a affirmé en direct sur internet qu’il fallait
« tuer l’homme blanc ». Serait-ce le début d’un racisme et d’une
haine anti-blanche au Portugal ? Cela existe-t-il dans le pays ?
Naturellement, ce dirigeant, un Sénégalais
naturalisé portugais, s’est défendu en affirmant qu’il citait Franz Fanon et
que la phrase a été retirée de son contexte. Mais la réalité du racisme
anti-blanc, comme il existe depuis des années en France et dans d’autres pays,
est arrivée au Portugal, avec ses chantres qui, bien sûr, proclamant les
meilleures intentions, imposent la diversité. En effet, dans ce discours, il y
a une culpabilisation des blancs qui étant blancs sont les héritiers d’un passé
maudit et les uniques responsables de tous les problèmes du Monde
non-Occidental. Ainsi cette race de pécheurs selon la religion « woke »
a une obligation morale d’accueillir des immigrés ou de céder sa place
professionnelle, par exemple, pour se racheter. Mais, l’ironie c’est que, peu
importe qu’ils cèdent tout, les blancs ne cessent d’être des blancs pour les
antiracistes de service et seront donc toujours coupables. Selon le Wokisme il
n’y a pas de rédemption possible pour le péché d’être blanc. Les impasses
forcent souvent une réaction.
Au Portugal, pour la première fois depuis la
Révolution des Œillets il y a un parti de Droite Radicale, le Parti Chega qui a
une représentation parlementaire. Pour quelle raison maintenant ?
Préoccupations des Portugais relativement à la situation dans le reste de
l’Europe ? Pensez-vous que le parti a un futur dans le paysage politique
portugais ?
Le régime démocratique post
25 avril a toujours eu un parlement figé qui allait du centre-droit à
l’extrême-gauche. Avec l’élection d’André Ventura, il y a eu un signal que le
panorama des partis politiques allait enfin changer. Les théoriciens de
« l’exception » se sont trompés en Allemagne avec le succès de l’AfD,
ensuite au Royaume-Uni avec la victoire du Brexit, puis l’Espagne avec le
succès du Vox et, maintenant, au Portugal, avec la croissance du Chega. Cela signifie une chose très
simple : les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Dans le cas concret du Portugal, le leader du
plus grand parti du centre-droit a affirmé récemment qu’il est de centre-gauche
et le parti démocrate-chrétien est devenu très libéral. Ainsi, il est
naturel que ce qu’il reste de la droite commence à appuyer le Chega, qui se
présente comme une droite décomplexée, étant le seul parti à aborder des thèmes
tels l’augmentation de la criminalité et de l’immigration. Il y a aussi un
nombre croissant de mécontents qui voient dans le Chega une voix de
protestation contre un système qu’ils considèrent comme bloqué. Tout indique
que le Chega a un futur dans le panorama politique portugais. Le résultat d’André Ventura dans les élections
présidentielles fut impressionnant, avec un demi-million de voix, et maintenant
le Chega va avoir son premier test dans les municipales, ce qui est toujours
difficile pour les petits partis.
De toute façon, il a conquis
sa place et son électorat. Reste à savoir s’il arrivera au pouvoir. Sera-t-il
capable de former dans le futur un gouvernement avec le centre-droit, comme
cela s‘est passé dans des pays comme l’Autriche, ou sera-t-il condamné à
l’ostracisme comme le FN, aujourd’hui RN, l’a été en France ?
Si la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou
même l’Espagne deviennent dans un futur non lointain des Émirats Islamiques, un
Portugal Européen a-t-il un futur ?
Comme la question paraît sortie d’une
continuation de « Soumission » de Houellebecq, je répondrais comme
dans un roman. J’aime penser que oui et que, comme durant la Reconquista,
le Portugal sera une poche de la résurgence européenne.
Pensez-vous que les
Portugais savent ce qui est en jeu ?
La plupart des Portugais se
préoccupent de leurs petites vies et du train-train quotidien. Mais plus la
situation se dégrade, plus les Portugais prennent conscience de ce qui est
réellement en cause, mais l’apathie généralisée et l’individualisme
matérialiste sont, comme dans tout l’Occident, notre plus grand ennemi.
Une dernière question,
celle-ci pas en tant que Portugais mais en tant qu’Occidental. Oswald Spengler
pensait que l’Occident americano-européen était condamné à entrer dans une
lente mais inexorable décadence. Dominique Venner croyait que les Européens se
réveilleraient tôt ou tard. Croyez-vous dans le réveil des Européens ? Ou
Rome finira-t-il par définitivement sombrer… ?
Spengler était un pessimiste,
alors que Venner se disait optimiste. J’ai l’habitude de dire que je suis
pessimiste mais pas défaitiste. Dominique Venner a affirmé que l’Europe devait
s’insurger contre la fatalité. Je crois dans la Renaissance Européenne. Après
l’Hiver viendra le Printemps.
Propos recueillis par Jérémy
Silvares Jerónimo, Eurolibertés,
29-9-2021
Jérémy Silvares Jerónimo est
licencié en sciences politiques et Relations Internationales. Il a soutenu une
Maitrise en sciences politiques en 2013 avec une thèse sur les nouvelles
droites radicales américaines et leur possible conquête du pouvoir dans les
prochaines élections présidentielles.
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