quarta-feira, 22 de março de 2023

Occident, Russie, Chine… Qui a piégé qui ?

Régis de Castelnau

L'histoire mondiale est désormais en marche à toute vitesse. Au grand dam d'un Occident soumis à l'hégémonie américaine et en pleine perte d'influence.


Au-delà de son ineptie juridique, judiciaire et politique, l’émission par la Cour Pénale Internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine qu’elle entend poursuivre pour « crimes de guerre » a au moins un mérite. Celui d’agir comme un symptôme et de nous donner à voir dans quel état se trouve aujourd’hui l’Occident collectif dans son affrontement avec le reste du monde. 

Un mandat d’arrêt juridiquement et judiciairement inepte 

Sur le fond, cette institution s’est saisie d’une polémique relative à l’évacuation d’enfants du Donbass des zones de guerre pour leur mise à l’abri sur le territoire de la Russie, sous la responsabilité du ministère russe de la famille. La propagande occidentale en a fait une « déportation » en oubliant que le président ukrainien avait donné l’ordre de faire la même chose dans les territoires qu’il contrôle. À l’évidence, ce choix d’une incrimination tordue était pour éviter une mise en cause sur de réels crimes de guerre dans les combats dont il semble bien qu’il en existe de documentés des deux côtés. Dans la mesure où la CPI entendait ne viser que Vladimir Poutine, il fallait que le caractère unilatéral n’apparaisse pas trop voyant. Encore raté, puisque pour qualifier « l’impartialité » de la juridiction, il faut rappeler que l’accusation repose sur l’interprétation que fait le gouvernement de Kiev des efforts déployés par les Russes pour évacuer les civils des zones de la ligne de front que l’armée ukrainienne prenait pour cible, souvent avec des armes fournies par l’OTAN.

Qu’en est-il de la valeur juridique de cette démarche ? Voisine de zéro. Lors de sa création, la CPI avait suscité certains espoirs, et c’est la raison pour laquelle 123 états avaient signé le « Statut de Rome » qui prévoyait sa mise en place. Le problème, c'est que 41 pays (et pas des moindres) ne l’ont pas fait ou s’en sont retirés : la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite, la Turquie, Israël, le Soudan et la Russie. Les États-Unis sont un cas particulier, puisqu’ils ont refusé d’adhérer au statut de Rome et ont fait adopter en 2002 par le Congrès une loi interdisant toute coopération avec la Cour et autorisant « tous les moyens nécessaires et appropriés » pour libérer tout Américain – ou ressortissant d’un pays allié – de La Haye, par la force militaire si nécessaire. C’est-à-dire, potentiellement, une intervention militaire. On n’est pas plus coopératif…

En conséquence, tous les actes de la CPI ne sont ni opposables ni exécutoires, non seulement vis-à-vis la Russie mais aussi de tous les pays non-signataires. Il n’y a donc aucune chance que ce « mandat d’arrêt » reçoive la moindre exécution. Alors pourquoi cette initiative, si ce n’est pour réaliser une pitoyable opération de communication de la part d’une institution qui s’est surtout signalée par les poursuites contre les adversaires des États-Unis dans les Balkans et contre les dirigeants africains qui avaient eu le malheur d’essayer de s’affranchir de la domination occidentale ?

On ajoutera le télescopage fortuit du calendrier avec le 20e anniversaire de l’invasion américaine de l’Irak par les États-Unis. Invasion qui constitue incontestablement un « crime contre la paix » et un « crime de guerre » au regard du droit international. George Bush dort dans son lit, et ses complices n’ont bien sûr jamais été inquiétés. Ce qui n’a pas empêché, comble de ridicule, l’ineffable Joe Biden de bredouiller que le « mandat d’arrêt » était justifié. Histoire de participer à la farce, le « Comité d’enquête pénale » de la Russie a lancé des procédures nominatives contre les membres de la CPI pour « l’engagement de poursuites pénales contre une personne innocente », ainsi que la « préparation d’une attaque contre un représentant d’un État étranger bénéficiant d’une protection internationale, dans le but de compliquer les relations internationales ». 

Pendant ce temps, le monde multipolaire avance  

Le système médiatique occidental s’est précipité sur cette information, sans mesurer les limites évidentes d’une opération qui n’a fait que nourrir l’exaspération du Sud global devant cette nouvelle manifestation du « double standard » qui lui est désormais insupportable. Sans compter malheureusement la disqualification du système institutionnel issu du droit international après la deuxième guerre mondiale. Et qui en voit tous les organes se disqualifier les uns après les autres.

Pendant que la CPI acceptait de se faire l’instrument d’une manipulation uniquement destinée à la communication, le monde continuait de tourner dans la dynamique d’accélération enclenchée depuis le 24 février 2022. Il s'agit bien sûr l’événement (considérable de part sa portée, en témoignent le protocole, la composition des délégations, la durée des entretiens, la couverture médiatique hors Occident) de la visite du président chinois à Moscou. Comme le disent les dirigeants chinois, le partenariat Chine-Russie n’a « aucune limite ». C’est aussi le sommet Russie Afrique à Moscou en présence de 40 chefs d’État, à qui Vladimir Poutine a annoncé la remise de 30 milliards de dollars de dettes. Ce sont les suites de l’accord irano-saoudien, la visite après Moscou de Bachar al-Assad aux Émirats arabes unis, et ses liens rétablis avec Erdogan. Ce sont l’Iran et l’Irak qui signent un accord de coopération en matière de sécurité qui mettra fin aux activités kurdes parrainées par la CIA contre l'Iran. C’est le président de la Bolivie qui possède la plus grande réserve de lithium du monde qui appelle Vladimir Poutine pour l’assurer de son soutien. C’est le président indonésien qui affirme la nécessité de se passer désormais du dollar. À ce résumé de la dernière semaine, il faut ajouter aussi la crise financière occidentale qui vient de frapper à la porte et dont les conséquences économiques et sociales pourraient être dévastatrices.

C’est au regard de cette situation que le mandat d’arrêt lancé contre Vladimir Poutine au-delà de son ineptie juridique affiche son caractère dérisoire. L’Occident collectif qui a poussé la Russie à la guerre était persuadé, comme notre Bruno Lemaire à nous, que les sanctions détruiraient l’économie de la Russie, provoqueraient la chute de Vladimir Poutine et l’installation à sa place d’un gouvernement vassal. Raté, essaye encore. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France ont fait échouer ensuite l’accord élaboré par la Russie et l’Ukraine dans les premiers jours du mois de mars 2024. Persuadés là encore de mettre militairement la Russie à genoux. Celle-ci poursuit aujourd’hui méthodiquement son opération militaire contre l’OTAN et des États-Unis par proxys ukrainiens interposés. C’est une guerre industrielle, dont le résultat est désormais acquis : l’Ukraine n’existe plus en tant qu’État viable et l’Occident militaire est à l’os. Alors les seules choses qui nous restent seraient ces opérations de communication imbéciles ?

Persuadés en 1991 de leur victoire définitive dans la guerre froide, suivis par leurs vassaux européens, les États-Unis se considérant comme gendarme du monde, ont multiplié les exactions brutales tout en se vautrant avec leur dette, dans une formidable pyramide de Ponzi. Financiarisation tous azimuts sur fond de désindustrialisation et de corruption géante de leur complexe militaro-industriel, gangrenés par des clivages politiques irréductibles et par des idéologies folles, les USA sont aujourd’hui un singulier colosse aux pieds d’argile. 

Qui est tombé dans un piège ? 

J’ai dit dans ces colonnes en février 2022 que nous assistions au début de la fin d’un cycle multiséculaire de domination occidentale, dont la globalisation était la forme moderne. À aucun moment je n’ai pensé alors assister à une telle accélération de l’histoire, dont témoigne la désintégration de la sphère occidentale. La messe serait-elle dite ?

On a beaucoup entendu l’hypothèse selon laquelle en intervenant en Ukraine le 24 février 2022, Vladimir Poutine serait tombé dans un piège. Et si c’était précisément le contraire ? Si c’était l’Occident collectif, tout à son arrogance, ses prétentions, ses illusions, à sa massive médiocrité qui s’était rué dans celui que Russie et Chine lui tendaient ?

Au mois de mars 2021, quelques semaines après la prise de fonction de Joe Biden, un sommet americano-chinois était prévu. Les États-Unis souhaitaient qu’il se déroule à Washington, les Chinois refusèrent et il fut donc fixé en Alaska, c’est-à-dire à mi-chemin entre les deux capitales. Les Chinois insistèrent pour que les journalistes assistent à la rencontre (!). Le nouveau secrétaire d’État aux affaires étrangères Anthony Blinken procéda à l’américaine, en oubliant le langage diplomatique pour mettre en cause ses interlocuteurs « les Ouïghours, Hong Kong, Taïwan, les cyber-attaques contre les États-Unis, la coercition économique contre nos alliés, tout cela menace l'ordre et la stabilité mondiale ». Pour être interrompu au bout de deux minutes par une diatribe cinglante de plus d’un quart d’heure, visiblement très préparée, où le MAE chinois asséna, entre autres : « Les États-Unis ne représentent pas l'opinion internationale, l'Occident ne représente pas le monde non plus, et, concernant les cyberattaques, tant sur la capacité d'en lancer que sur la technologie, les États-Unis sont les champions. » Difficile de faire plus clair.

Le reste fut à l’avenant, et le pauvre Blinken quitta l’Alaska un peu secoué. Dès ce moment-là et de façon parallèle, le ton des diplomaties russes et chinoises changea très nettement. Puis ce furent les démarches russes de l’automne 2021 et la demande écrite de négociations sur la sécurité en Europe devant aboutir à un traité. À laquelle les États-Unis ne donnèrent aucune suite. Le 4 février 2022 fut publié une déclaration commune signée de Vladimir Poutine et de Xi Jiping, déclaration extrêmement sévère envers les stratégies américaines et soulignant la nécessité pour la sécurité du monde de s’y opposer. Pour un lecteur sérieux, le partenariat sino-russe apparaissait clairement, tout comme la probabilité de la déclaration de guerre qui interviendra trois semaines plus tard.

Il y eut ensuite la surprise face à l’échec de la guerre économique occidentale et l’isolement politique et stratégique de l’Occident. Puis l’erreur du sabotage du traité de paix et les difficultés face à la guerre industrielle de haute intensité imposée par la Russie. À tout ceci depuis 2014, ceux-ci s’étaient préparés stratégiquement, militairement, politiquement, industriellement, et diplomatiquement. 

En parallèle dans une subtile répartition des rôles, les Chinois, tout en développant un discours contre « l’hégémon américain » de plus en plus dur et en multipliant les déclarations d’amitié « sans limite » vis-à-vis des Russes, poursuivaient sans relâche leur travail diplomatique. Avec les succès que l’on connaît. Sans oublier bien sûr le développement des infrastructures commerciales visant au développement du monde multipolaire dont Vladimir Poutine et Xi Jiping viennent de réaffirmer qu’il s’agissait de leur objectif principal.

Pendant ce temps, l’Occident collectif émet des mandats d’arrêt ineptes, se raconte des histoires, s’en remet aux incantations excitées des ukrainiennes de plateaux télé, se dispute sur le fait de savoir si les hommes peuvent ovuler, assiste à la déconfiture de ses banques et regarde un chef du « monde libre » sénile bredouiller et tomber dans les escaliers.

Au spectacle de la chute de cet empire romain devenu fou, comment ne pas penser à la prospérité du rasoir d’Hanlon : « Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer. »

Titre et Texte: Régis de Castelnau, Front Populaire, 21-3-2023

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