Denis Tillinac
Ignoré des politiques, écrasé par la
mondialisation à marche forcée, matraqué fiscalement, le peuple de France se
lève pour défendre son mode de vie.
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Photo: AFP |
Dieu sait mon aversion pour
les émeutes, les hystéries collectives, les ultras de la droite ou de la gauche
qui pêchent en eaux troubles quand l'Histoire sort de ses gonds. Mais l'“ancien
monde”, c'est le mien. Les villes moyennes environnées des milliers de clochers
de notre antique ruralité, c'est la France que j'aime. Ayant choisi d'y vivre,
je constate au jour le jour son dépérissement programmé par les sectateurs
d'une “modernité” hors-sol.
Ceux qui n'ont ni le désir ni
les moyens de la quitter sont au cœur de cette révolte. Ils peinent à conceptualiser
leur désespérance, mais ils incarnent naïvement une forme de résistance à la
logique mortifère d'une mondialisation à marche forcée qui nous menace tous.
Leur revendication initiale n'avait rien d'outrecuidant. Ils ont compris que
l'écologie est un alibi : enfumé par les technos de Bercy, le gouvernement les
surtaxe à la pompe pour boucler son budget. Plus que les métropolitains, ils
ont besoin de leur bagnole, outil professionnel et vecteur de leur liberté,
comme l'était le cheval au Moyen Âge. Voilà pourquoi, bien que privilégié au
regard de leurs conditions d'existence, je suis plutôt enclin à porter casaque
jaune.
M'y inclineraient aussi les
manipulations scandaleuses des faits historiques aux fins d'effrayer les
Français. Le parallèle suggéré par Macron avec les “années trente” n'a aucune
pertinence. Celui risqué par Castaner avec les émeutes du 6 février 1934
trahit, au choix, son inculture ou son penchant pour la combine. Au vu de ses
prouesses depuis le début des débordements à Paris, on se demande comment il
aurait réagi s'il avait dû se colleter avec les Croix-de-feu de La Rocque ou
les camelots du roi de Maurras. Peut-être se serait-il débiné comme il l'a fait
peu glorieusement après le premier tour du scrutin des régionales en Paca, face
à une toute jeune femme de 25 ans, Marion Maréchal en l'occurrence.
Quand Darmanin croit
apercevoir des « chemises brunes » sous les gilets jaunes, il insulte la
mémoire des victimes du nazis me ou du fascisme. On se demande pourquoi Sarkozy
avait nommé ce tourne-veste porte-parole. Macron a tort de s'entourer de faux
habiles sans foi ni loi qui vibrionnent pour lui complaire. Tort d'ériger une
frontière badigeonnée à la moraline entre un “progressisme” sans âme ni chair
et un “populisme” que ses suiveurs caricaturent en pinçant le bec. Mieux
vaudrait qu'il comprenne de quels désarrois, de quel marasme moral, de quels
sentiments de précarité et de dépossession la colère des “gilets jaunes” est le
symptôme.
À l'heure où j'écris, j'ignore
quelles décisions il prendra dans les jours à venir. S'il biaise ou bombe le
torse en imposant les taxes incriminées sous prétexte de ne pas se déjuger, son
quinquennat sera aussi non avenu que celui de Hollande. Les “Gaulois” de
l'“ancien monde” prennent leur juste revanche. Ils resteront “réfractaires”
s'ils ne sont pas respectés. Autant dire que Macron a intérêt à changer de cap,
de style, d'entourage - et le plus tôt sera le mieux. Car au long de l'histoire
de France, beaucoup d'événements de grande conséquence ont débuté par une
fronde antifiscale.
Titre et Texte: Denis Tillinac, Valeurs Actuelles
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