Il n'y a pas que les Français qui vont aux urnes en 2022!
Driss Ghali
Foto: Alberto Sibaja/Pacific Press
Bolsonaro rend service à tous les peuples
d’Occident, et notamment au peuple français, en démontrant qu’il est possible
de briser la fatalité !
Il est détesté par les ramasse-miettes qui peuplent certains plateaux télévision parce qu’il a inventé et mis en œuvre une formule qui permet de fédérer les classes populaires aux franges raisonnables des classes moyennes et aux segments patriotes des élites économiques. Ce bloc est invincible dans une guerre politique menée à la régulière, c’est-à-dire dans le respect du suffrage universel et de la liberté d’expression. Il oblige l’oligarchie à révéler son vrai visage et à se débarrasser de son vernis démocratique pour sauver sa peau. Désespérée devant la puissance nouvelle redonnée au peuple, elle liquide totalement l’État de droit et ordonne aux juges de persécuter, sans aucune pudeur, tous ceux qui osent rêver d’une alternative à la disparition pure et simple du peuple dans une sorte de magma fluide où surnagent des minorités visibles et bruyantes.
Telle est la leçon brésilienne qui est bien
évidemment une leçon occidentale, le Brésil étant une allégorie de l’Occident,
l’Islam en moins. Ce pays mène une bataille titanesque entre le Bien et le Mal
à l’intérieur de sa propre civilisation, ce qui est « relativement »
facile. En revanche, la France et tant de pays ayant commis l’erreur
d’accueillir une forte immigration musulmane vont devoir, s’ils veulent
survivre, mener simultanément deux batailles extrêmement incertaines :
l’une contre la caste qui veut les asservir et les diluer, l’autre contre une
civilisation étrangère qui ne sait rien faire d’autre que les détester et
vouloir les subjuguer.
La crise d’hystérie du
“bloc oligarchique”
Partout en Occident, un bloc oligarchique opprime le peuple et organise son impuissance. Partout en Occident, ce bloc oligarchique « fait une crise d’hystérie » à chaque fois que le peuple ose revenir dans l’histoire et récupérer sa souveraineté, c’est-à-dire son droit d’avoir le dernier mot sur les sujets importants.
Au cœur du bloc oligarchique, se trouve la caste qui tire les ficelles (ou une partie des ficelles) de l’économie. Ultra-minoritaire sur le plan des effectifs, elle a l’intelligence suprême de se travestir derrière des minorités abruties par le manque de culture générale et narcissiques au point de se perdre dans la contemplation de leur propre nombril. Elles sont les mêmes au Brésil comme ailleurs : féministes, antiracistes, lobbies LGBT, écolos-talibans etc. Chair à canon électoral et bouclier humain au sein duquel se niche les intérêts de la caste.
En face, il y a le peuple,
l’éternel cocu de l’histoire universelle. Un corps démembré qui ne retrouve sa
capacité d’agir et de peser sur les événements que par éclipses, de temps en
temps, entre deux grands printemps des peuples. Dans le cas
français, ces « accidents » correspondent à quelques dates célèbres
comme 1789, 1830, 1848, 1871 (la Commune), etc. Autrement et en temps normal, le peuple est le
grand absent de la lutte politique, il lui préfère le foot et la télé-réalité.
Le crime de Bolsonaro, son véritable péché, est
d’avoir « connecté » le peuple à une volonté collective suffisamment
forte et durable pour contrarier le bloc oligarchique. Il s’y est pris en
fédérant plusieurs « réveils » : le réveil de la classe moyenne,
menacée de paupérisation, et qui ne supporte plus de voir ses enfants revenir
le soir de l’école primaire, illettrés et convaincus qu’un homme peut tomber
enceinte ; le réveil des élites économiques réellement compétitives et qui
n’ont pas peur d’aller à l’assaut des marchés internationaux (au premier
rang : l’agriculture d’exportation) ; le réveil des classes
populaires bien entendu qui voient qu’elles sont doublement humiliées :
par la mafia qui a pris le contrôle de leurs lieux de vie et par les oligopoles
bancaires et commerciaux qui font du Brésil un des pays les plus chers au
monde. Ainsi, les banques de détail au Brésil, organisées en oligopoles,
pratiquent des taux d’intérêts dignes de l’usure : plus de 300%/an pour
les facilités de caisse.
Le pouvoir des juges
Au Brésil, le bloc
oligarchique a, pour la première fois, un ennemi capable de le battre :
le bloc de la liberté. C’est comme cela qu’il convient de nommer
cette force plurielle qui dit « non » à l’autoritarisme des juges et
au mépris des médias stipendiés. Le bloc réuni par Bolsonaro ne
veut pas d’un coup d’État ! Le coup d’État a déjà eu lieu : il a été
commis par l’oligarchie qui censure les réseaux sociaux et envoie en prison les
journalistes libres. Le bloc de Bolsonaro demande le retour de la démocratie
pour qu’il ait une chance de l’emporter : d’où la revendication du « vote
auditable » afin de garantir l’intégrité du scrutin de l’an prochain et
d’éviter les irrégularités scandaleuses constatées aux États-Unis en 2020.
Contrairement aux balivernes colportées par la presse française, Bolsonaro fédère et rassemble. Tel est son péché capital. S’il était un populiste comme les autres (comme un Lula par exemple), il ne serait pas autant combattu. On l’aurait même laissé arriver au pouvoir pour le coopter ensuite en lui proposant de trahir le peuple contre le droit de gouverner le Brésil à l’aise. En effet, le peuple est souvent trahi quand il est la seule base d’appui du parti ou de la faction au pouvoir. Il a moins de chances d’être trahi quand sa cause est aussi celle des classes moyennes raisonnables et des bonnes élites.
D’ailleurs, si Bolsonaro tient
encore, c’est que les élites du secteur de l’agro-business, une poule aux œufs
d’or sous ces latitudes, le soutiennent encore. Effacez de votre esprit les
clichés du cowboy ou du latifundiaire propriétaire d’esclaves. Pensez plutôt à
une légion d’ingénieurs aux manettes de drones ultra-modernes, capables de
prévoir les précipitations parcelle par parcelle 48h à l’avance grâce à
l’intelligence artificielle. Ce sont des concurrents redoutables pour
l’agriculture française. Ils ne sont pas les criminels environnementaux que la
presse aime décrire. Ils exploitent moins de 10% de la superficie du Brésil et
nourrissent plus d’un milliard d’êtres humains dont des centaines de millions
de Chinois, d’Arabes et d’Africains.
Il n’est pas certain que Lula
soit le meilleur candidat face à Bolsonaro
L’agro-business soutient
Bolsonaro, car il a besoin d’un président qui ne soit pas corrompu pour
construire les chemins de fer qui manquent cruellement pour amener le soja
récolté au cœur du Brésil vers les ports de l’Atlantique. C’est une question
d’intérêts bien compris.
En face, d’autres intérêts
bien compris jurent la perte de Bolsonaro. Vous vous en doutez : tout ce
que le pays compte de politiciens véreux, les lobbys de la grande distribution
et des banques, la télévision Globo qui accumule un arriéré d’impôts
gigantesque depuis des années et que Bolsonaro veut faire passer à la caisse,
sans oublier le crime organisé bien entendu. Ce dernier est le vrai coupable de
la déforestation amazonienne, car les parcelles gagnées sur la forêt
accueillent le bétail acheté par la mafia pour blanchir l’argent de la
drogue.
D’où la fragilité du bloc des
libertés. Il « suffit » d’éliminer Bolsonaro pour que le lien entre
les classes moyennes raisonnables, les bonnes élites et le peuple se rompe.
« Ils » ont déjà essayé de tuer Bolsonaro en 2018… Désormais, ils
veulent s’y prendre par la voie légale, c’est-à-dire en manipulant l’État de
droit pour expulser Bolsonaro de la scène politique. Ce plan n’a aucune chance de fonctionner, car
le président est très populaire. Le 7 septembre, les sympathisants
du président ont rempli les rues de Brasilia et de São Paulo (dont votre
serviteur). À moins de liquider physiquement Bolsonaro, la caste n’a d’autre
choix que de préparer les élections de l’an prochain.
Qui sera son candidat ?
Lula ? Pas forcément, car ce dernier ne parvient pas à faire dix pas dans
la rue sans être hué. Le bloc oligarchique devra se trouver un candidat qui ne
provoque pas de crise d’urticaire chez les Brésiliens, la presse aux ordres et
la censure digitale feront le reste afin de l’amener au second tour face à
Bolsonaro.
En attendant que les
oligarques adoubent un candidat capable de vaincre Bolsonaro, ils devraient
continuer à souffler sur les braises et à pousser la Cour Suprême à mener la
vie dure au président à défaut de le destituer.
Titre et Texte: Driss Ghali,
Le Causeur, nº 93, 9 septembre 2021
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